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20 ans de Canal + : la chaîne à travers le temps

Joseph Agostini
Publié le 04/11/2004 à 01:37

Le 4 novembre 1984, Canal + nait. Après la vague des radios libres, François Mitterrand surfe sur celle de la « nouvelle télévision » en offrant une fréquence à son ami André Rousselet, alors à la tête du groupe Havas. Canal +, chaîne privée à péage, fait alors figure d’OVNI dans ce paysage de télés publiques ronronnantes...

Les abonnés se font attendre. Il faut à l’époque débourser cent vingt francs pour avoir accès à ce canal plein de promesses. Mais le cinéma et le sport permettront à la chaîne de prendre son envol. Peu à peu, Canal + devient une partenaire de premier choix pour les producteurs de films français. Elle investit 20% de son chiffre d’affaires dans le cinéma. Au début des années 90, elle détient l’ensemble des droits de diffusion des championnats de foot européens. Le nombre d’abonnés explose, passant de 186 000 en 1984 à plus de 4 millions en 1994 ! Canal +, dont le slogan reste La télé pas comme les autres, est alors véritablement la chaîne de la différence.

A partir de 1985, les programmes « en clair », sous l’impulsion d’Alain de Greef, sonnent la fin d’une télé consensuelle. Coluche, qui disparaît l’année suivante, passe le flambeau de l’humour aux Nuls, dont la première émission, Objectif Nuls, est diffusée le 2 février 1987. L’ère Nulle part ailleurs débute au même moment, avec l’enfant du rock Antoine de Caunes qui s’associe à Philippe Gildas. NPA est une alternative inespérée à La roue de la fortune, qui fait alors les beaux soirs de TF1. Pour des millions de téléspectateurs, Canal + est alors une caution d’originalité et d’insolence.

Les arènes de l’info, en 1988, ne tardent pas à devenir quotidiennes et à se renommer Les Guignols de l’info. Cette séquence de marionnettes, parodie d’un JT traditionnel, envoie valser Le bébête show de Stéphane Collaro au bal des ringards. Les voix d’Yves Lecoq, de Sandrine Alexis, la répartie féroce de Bruno Gaccio et de ses acolytes incarnent le renouveau de la satire cathodique. L’épopée Canal + se poursuit...

Mais, progressivement, l’enthousiasme s’estompe et l’humeur devient celle des lendemains de fête. Exit Le Top 50 et les petits clous de Marc Toesca, évaporé Nulle part ailleurs, au terme d’infinis « changements de formule »... L’insolence n’est plus ce qu’elle était, et ce n’est pas Nagui, Guillaume Durand, Frédéric Beigbder ou autres Emmanuel Chain qui ont pu y faire quelque chose.

André Rousselet tire sa révérence en février 1994, criant au complot balladurien (Edouard m’a tuer), Canal + devient une filiale de Vivendi Universal, pâtit des ambitions et de la décadence de Jean-Marie Messier, qui, au passage, évince Pierre Lescure, président de la chaîne depuis le 17 janvier 1994 (année faste). Le prix de l’abonnement mensuel a augmenté, les droits du foot ont littéralement explosé et TPS concurrence sévérement la chaîne en ce qui concerne le cinéma américain...

Canal +, chaîne cryptée à péage, n’est plus une oasis miraculeuse mais un ilot parmi d’autres au beau milieu d’une multitude de chaînes thématiques, françaises ou étrangères. Même si elle défend encore un ton caustique et dissident (Le Vrai Journal de Karl Zéro, ou encore Les Guignols de l’info ne se retrouvent pas ailleurs), même si elle fait encore éclore des princes de la provocation (Edouard Baer, Djamel, Stéphane Guillon...), la chaîne a du mal à créer de nouvelles révolutions d’images et de ton. Michel Denisot (Mon Zénith à moi, Télés dimanche) reste le patriarche, Stéphane Bern amuse par sa fantaisie. Pourtant, La Grande Famille et autres Nulle Part Ailleurs restent dans les esprits de tous. Copiée, imitée, Canal + doit continuer à prouver son originalité. Mais une chose est sûre, la chaîne cryptée a été sans conteste au centre de l’explosion audiovisuelle de ces 20 dernières années.