Toutelatele

Alain Robillard / Thalia Rebinsky (créateurs de Nina) : « Nous ne sommes pas mécontents de la comparaison avec Grey’s anatomy »

Nastassia Dobremez
Publié le 24/06/2015 à 18:58

Le 17 juin dernier, France 2 a donné le coup d’envoi de sa nouvelle série hospitalière, « Nina ». Cette fiction française raconte l’histoire de Nina (Annelise Hesme), une infirmière stagiaire de 39 ans. Par hasard, elle se retrouve à devoir travailler à l’hôpital avec son ex-mari, le docteur Costa Antonakis (Thomas Jouannet). Alain Robillard et Thalia Rebinsky, les créateurs de la série, nous racontent l’envers du décor…

Toutelatele : D’où vous est venue l’idée d’écrire Nina ?

Thalia Rebinsky  : Au départ, j’aime bien les fictions chirurgicales, un peu gores. C’est mon côté David Cronenberg [Rires]. Mais je n’avais jamais traîné dans les hôpitaux alors j’ai fait plusieurs stages pour préparer la série. Comme Nina, j’étais infirmière-stagiaire pendant une semaine à l’hôpital Henri Mondor à Créteil. Je me suis retrouvée dans des services où ils étaient tellement dépassés par le temps et l’afflux des patients qu’à la fin ils me demandaient même de participer. Après seulement, j’ai pu commencer à imaginer ce qu’était la vie des infirmières en réalité.

Que vous a apporté cette immersion dans ce milieu ?

Je me suis nourrie de cette atmosphère. J’ai pris des détails que l’on a par la suite insérés dans la série tels que le dispositif interne, les poses, les transmissions ou la hiérarchie au sein du personnel hospitalier…

Avez-vous été influencés par Grey’s Anatomy ?

Thalia : On n’y a pas du tout pensé au début. À l’écriture, nous avions l’impression que les cas médicaux étaient beaucoup plus forts que le côté soap que l’on peut retrouver dans Grey’s Anatomy. Pourtant, en voyant les épisodes, on a commencé à être rattrapés par cette série. Toutes les histoires humaines, que ce soit d’amitié ou d’amour, prenaient beaucoup plus de place que ce que nous avions imaginé. Mais heureusement, elles se goupillaient bien avec le reste. Finalement, nous ne sommes pas mécontents de cette comparaison. C’est une bonne série médicale à la fois main stream et intelligente.

Alain : Quand on a commencé à écrire Nina, on était plutôt inspirés par The Good Wife qui est remarquablement écrit. La qualité n’est pas sacrifiée au nom du fait qu’il faut plaire au plus grand nombre. Nous aussi, on voulait créer une série autour d’un personnage féminin fort. On avait envie de faire quelque chose de sincère, sérieux et grand public. Très souvent, on n’aime pas une fiction, car il y a beaucoup de détails qui clochent. Donc on a eu envie que tout soit bien vissé et cohérent.

« Avec Nina, on raconte l’histoire de femmes fortes et libres »

La plupart des séries hospitalières sorties ces dernières années tournent autour des médecins. Pourquoi avoir choisi de représenter les infirmières ?

Alain : On ne voulait pas raconter une histoire avec des neurochirurgiens qui opèrent des tumeurs au laser dans des laboratoires. On souhaitait écrire sur les gens qui sont en bas de l’échelle et rament. Ce sont ceux que l’on connaît, que l’on croise quand on est à l’hôpital. On ne voit pas beaucoup les médecins dans les couloirs…

Thalia : Nous avons essayé au maximum de tordre la tête aux clichés. À chaque fois que l’on va à un endroit, on retombe systématiquement sur le contrepied. J’en suis assez fière.

Était-ce important de mettre en avant deux personnages féminins dans la série ?

Alain : Oui, d’emblée nous avons conçu le scénario comme cela. On a voulu parler de femmes fortes et libres.

Comment avez-vous trouvé les cas médicaux sur lesquels repose chaque épisode ?

Thalia  : Nous avions deux manières d’écrire. Souvent on avait envie de raconter une histoire donc on cherchait une pathologie qui allait faire fonctionner l’intrigue. On consultait Google, ou nous nous inspirions de notre histoire personnelle, ce qui est arrivé à notre vieil oncle Émile par exemple [Rires]. Puis on vérifiait la cohérence de tout cela avec nos intervenants médicaux. Ou à l’inverse, on se disait qu’il y avait une maladie qui nous intéressait particulièrement et on adaptait notre récit à ce cas.

« On a démarré sur quelque chose qui était plus pensé comédie et est devenu de plus en plus dramatique »

Comment le tournage s’est-il déroulé ?

Alain : On avait un confort formidable, on a pu tourner dans un vrai hôpital, à Villeneuve-Saint-Georges. Il y avait un étage en attente de travaux donc il était abandonné. Nous avons entièrement reconstruit un décor dedans. Par conséquent, on bénéficiait de toute l’infrastructure de l’hôpital, l’entrée des urgences, le scan et nous avions notre plateau privatisé. Comme cela, on n’embêtait ni les patients ni les soignants.

Thalia : C’était un plus formidable. Nous nous sommes beaucoup appuyés sur le décor pour construire la dramaturgie de la série. On a travaillé les plans avec le chef décorateur très tôt. On a construit un dispositif en huit où les gens pouvaient se croiser afin de pouvoir faire interagir les histoires les unes avec les autres.
Alain : Dans le même temps, des situations très caustiques se créaient. Pour monter au onzième étage où l’on tournait, on devait prendre l’ascenseur. Comme il s’arrêtait à tous les niveaux, de vrais malades et médecins se mélangeaient aux fausses infirmières. À première vue, on avait du mal à distinguer qui jouait la comédie ou non !

N’avez-vous rencontré aucune difficulté ?

Thalia : Si, bien sûr. Il y a eu des débats. Au bout du compte, on s’est rendu compte que l’on voulait faire la même série, mais le parcours pour y arriver n’a pas toujours été simple. On n’était pas toujours d’accord sur tout. Mais cela nous a permis d’échanger longuement pour que chacun parti fasse des concessions.

Alain : On a appris en faisant. Comme Nina a été tournée en deux salves de quatre épisodes, on a pu voir ce qui marchait et ce qui fonctionnait moins bien à l’issue de la première période. Par conséquent, la série va crescendo. On a démarré sur quelque chose qui était plus pensé comédie et est devenu de plus en plus dramatique au fur et à mesure que l’on avançait. On a beaucoup bossé jusqu’au dernier moment !

Y-aura-t-il une deuxième saison ?

Alain : On est dans cette situation extrêmement plaisante et très paradoxale où il faut être prêt à tourner très vite, mais avant, la ménagère doit donner son consentement. On a fini la post-production de cette première saison en décembre, on voulait utiliser le temps que l’on avait pour écrire le script de la deuxième saison. Aujourd’hui on l’a presque terminé. Mais on est suspendus aux audiences…

Thalia : C’est comme cela que l’on doit créer une série. Le but est de fidéliser un public. Donc on a joué le jeu. Mais ce n’est pas forcément facile pour nous. S’il n’y a pas de saison 2, nous aurons fourni énormément de travail et d’investissement. C’est un vrai pari de notre part d’avoir été si loin dans l’écriture. On verra bien…