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Sophie Davant (Affaire conclue) : « Je ne voudrais pas qu’on tue l’émission... »

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Rédacteur - Expert TV
Publié le 12/12/2018 à 19:30

Depuis la rentrée 2017, Sophie Davant est à la tête d’Affaire conclue : tout le monde a quelque chose à vendre sur France 2. L’animatrice dresse un bilan et se confie sur le succès de l’émission. Elle évoque également ses projets.

Benoît Mandin : Comment êtes-vous arrivée dans Affaire conclue ?

Sophie Davant : C’est une proposition de Caroline Got (directrice exécutive de France 2, ndlr). Elle ne m’a pas caché qu’un pilote avait été tourné et que finalement, Stéphane Bern avait d’autres projets. J’ai tout de suite été mise en contact avec le producteur Jean-Louis Blot (président de Warner France, ndlr). J’étais un peu surprise que l’on pense à moi pour une émission sur les objets et la brocante. Jean-Louis Blot m’a convaincu sur une phrase : « Je veux juste que vous soyez vous-même ». Je me suis dit que je savais ce que j’en allais pouvoir en faire.

Comment vous êtes-vous projetée dans l’émission ?

Très vite, j’ai compris qu’il y avait les bons ingrédients pour que l’émission fonctionne même si je ne pouvais pas imaginer un tel engouement de la part du public. J’ai su que le programme était bien pensé et avait tout pour intéresser les téléspectateurs à 16 heures sur France 2. L’émission propose d’apprendre des choses sans perdre son temps, passer un bon moment grâce à l’humeur et l’ambiance, et se projeter sur les objets et enchères. Il y a un bon dosage et un bon casting de commissaires-priseurs et d’acheteurs. Ils ont tous une personnalité forte et sympathique. On parle sérieusement de plein de choses sans se prendre au sérieux et c’est ma devise dans tout ce que je fais. J’ai toujours été la bonne copine, accessible et qui fait son métier le mieux possible. Affaire conclue est une des rares émissions où l’on peut dire que c’est la vraie vie. Tout le monde peut avoir la chance de passer à la télé, car seuls les objets sont castés. Je n’avais pas calculé au départ que les gens viendraient aussi pour me voir puisque je commence à faire partie du patrimoine de l’audiovisuel français.

Comment avez-vous imaginé votre rôle ?

Je ne pourrais pas animer cette émission, de manière naturelle, folle et spontanée, sans les trente ans d’expérience que j’ai derrière moi. Il y a des choses que je me permets aujourd’hui que je n’aurais pas faites il y a quinze ans. Les gens me connaissent donc ils peuvent accepter certaines choses de moi. Avec tout ce que j’ai vécu dans mon boulot, je suis capable de répondre à toutes les situations. En ayant reçu 7.000 personnes à Toute une histoire, je vais vite et j’ai appris à les passer au laser. Je vois tout de suite comment je vais les mettre en valeur. Mon but est de faire un numéro différent avec chaque personne. Je vois tout de suite le gars qui fait le malin donc en général je vais le déstabiliser. Je remarque la personne pour qui c’est le moment de sa vie de passer à la télé. C’est très amusant, je ne pensais pas prendre autant de plaisir à animer cette émission. J’apprends beaucoup de choses sur l’histoire de l’art et ça m’intéresse vraiment.

« J’ai la chance de vivre ce succès et je la mesure tous les jours en regardant les audiences »

Face à une programmation quotidienne en fin d’après-midi, case sinistrée pour France 2 depuis de nombreuses années, avez-vous eu des appréhensions ?

Bien évidemment, on l’a redouté. Personne ne donnait cher et ne misait sur Affaire conclue. Quand on a commencé à faire 5 ou 6%, on s’est dit que c’était déjà pas mal. Si on arrivait à prendre 1 ou 2 points de plus en part de marché, c’était déjà un beau succès. C’était une case vraiment naufragée et là, c’est une belle aventure pour tout le monde. Dans l’histoire de la télé, un succès en si peu de temps à ce point là, je ne suis pas sûre que ça soit beaucoup arrivé et j’aurais connu çà au moins une fois dans ma carrière. Enfin, j’ai envie de rendre hommage à Arthur à qui je dois beaucoup. Depuis longtemps, il croit et voulait travailler avec moi depuis. Le jour où Caroline Got m’a appelé pour Affaire conclue, il en avait rajouté une couche me concernant. Ça me fait plaisir de lui faire ce salut amical, car j’ai la chance de vivre ce succès et je la mesure tous les jours en regardant les audiences. Il a envoyé un signal quand la chaîne se posait des questions…

Quelle clé la France a-t-elle su apporter par rapport au format original d’Affaire conclue en Allemagne ?

Quand j’ai vu les images de l’émission allemande, j’ai été effarée. J’ai trouvé ça chiant et terne. Je me suis dit que si c’était pour faire ça… Jean-Louis Blot m’a assuré qu’il souhaitait en faire quelque chose de différent. Je salue la qualité des équipes parce qu’ils ont su apporter une réalisation artistique avec de l’humour, des musiques et des bruitages. On est sur la même longueur d’onde pour le côté un peu Monty Python, décalé et humour troisième degré. Ce qui pourrait être une émission didactique et rasoir devient quelque chose d’ovni. On n’a jamais vu tous ces mélanges. A Noël, on a décor hallucinant et tous les codes, y compris les pulls ridicules, en font partie. Dans un programme où deux numéros se succèdent au quotidien, le leitmotiv est de surprendre. Je me dois de le faire dans mon animation et la production ne doit pas s’endormir sur ses lauriers. Il ne faut pas considérer que c’est acquis et trouver de nouveaux acheteurs. On se doit de se remettre systématiquement en question et penser à des idées de réalisation. A Noël, le public pourra découvrir une série de surprises.

Quel droit de regard avez-vous sur l’émission ?

Je ne suis pas productrice, mais je donne mon avis sur les acheteurs, les réalisateurs… Je râle souvent, car il y a des choses qui ne me plaisent pas. Je leur dis ce que j’en pense et ils en tiennent compte. L’idée est que je sois dans les meilleures conditions. Il y a des gens qui me stimulent plus que d’autres donc j’essaie de l’être moi-même. Je trouve formidable que malgré nos plaisanteries, on n’exclût pas le téléspectateur. Ils sont les premiers complices de nos conneries. Ils sont tellement fidèles à Affaire conclue qu’ils connaissent tous les gimmick et complicités qui me lient aux uns et aux autres. Ca me rassure, car on est dans la bonne ligne éditoriale. J’ai l’impression que les gens sont contents de me retrouver sur un support plus léger que Toute une histoire où ils en avaient marre de me voir alourdie par des histoires souvent compliquées.

« C’est au programme et Affaire conclue sont deux exercices très différents et complémentaires »

De nouveaux primes sont-ils prévus pour 2019 ?

Rien n’est vraiment acté, mais on parle. On travaille sur pas mal de choses en ce moment avec la direction de France 2. Certes, Affaire conclue est un succès et des déclinaisons sont envisageables (Affaire conclue : la chasse aux objets le dimanche 30 décembre à 16h45 sur France 2, ndlr), mais il faut faire attention à ne pas trop souler le téléspectateur. Il faut trouver le bon dosage.

Affaire conclue est multirediffusée sur l’antenne de France 2. Ne redoutez-vous une lassitude des téléspectateurs ?

Je ne voudrais pas qu’on tue l’émission en abusant de la diffusion. Je souhaite que l’on trouve le bon dosage, car créer le désir c’est toujours important. C’est bien d’en vouloir toujours plus, mais il ne faut pas que les gens soient blasés.

Vous êtes à la tête de deux émissions quotidiennes sur France 2. Avez-vous songé à quitter la présentation de C’est au programme ?

Non, car C’est au programme est un exercice très différent d’Affaire conclue. Je suis maintenant productrice de l’émission et j’aime bien cette nouvelle casquette. C’est au programme me permet d’avoir des invités, de parler de cinéma et de culture autrement. Au fond, j’ai très envie de creuser cette veine-là et de me situer dans ce créneau de culture accessible au plus grand nombre. J’aime C’est au programme, car on traite de tous les sujets : mode, beauté, société, consommation… On parle aussi des animaux donc c’est très éclectique. Je suis attachée à l’émission et aux équipes. C’est au programme et Affaire conclue sont deux exercices très différents et complémentaires.

« Je voudrais faire une deuxième partie de soirée un peu audacieuse »

Comment vivez-vous les coupes budgétaires imposées par l’Etat à France Télévisions ?

On le vérifie tous les jours, les budgets s’amenuisent. Je suis inquiète, car on aimerait travailler dans les meilleures conditions et d’avoir les moyens de mettre en œuvre nos idées. Hélas, je crains que ça ne soit pas fini… On en souffre en tant de budgets de production, mais aussi parce que la chaîne rediffuse beaucoup.

Êtes-vous inquiète pour vos projets ?

Je suis optimiste dans la mesure où je me dis que je fais quand même partie de ceux qui ont su créer un lien avec le public. J’espère que l’on aura besoin de moi (rires). Je suis fière de cette longévité et on est peu de femmes à la télévision à l’avoir.

Quelle émission rêveriez-vous d’animer ?

Depuis toujours, j’ai une passion pour les histoires de rencontre. J’ai la chance de le faire chaque semaine sur MRadio où je reçois une personnalité sur les rencontres essentielles qui ont jalonné leur vie. J’adorerais faire à la télé une émission sur le thème : « Comment vous êtes-vous rencontrés ? ». J’aimerais aussi faire une deuxième partie de soirée un peu audacieuse ou une émission de culture grand public. J’ai plein d’envies, j’adorerais prendre le temps de faire des documentaires. Pour le Téléthon, j’ai fait une interview qui a donné lieu à un 52 minutes. Elle est centrée sur Jeanne Pelat, une jeune fille qui a une myopathie. Après avoir été une figure emblématique du Téléthon, elle a choisi d’entrer dans les ordres. Faire des documentaires un peu intimistes, ça me plairait aussi. C’est formidable d’avoir envie, d’avoir le projet et de faire en sorte que le public soit au rendez-vous. Il ne faut pas oublier que l’on travaille pour eux.