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Homer et Marge Simpson dévoilent tous leurs secrets

Aurélie Demarcy
Publié le 11/12/2009 à 13:03 Mis à jour le 15/03/2010 à 15:11

Il y a 20 ans débarquait sur les écrans, la famille la plus déjantée des Etats-Unis, Les Simpson. Personnages aux physiques atypiques, les créatures de Matt Groening allaient alors marquer un tournant dans l’histoire des séries d’animation. Véritable satyre de la société américaine, la famille de Springfield a su imposer son style oscillant entre gags de cartoon et railleries sur les mœurs actuelles. Couple à la ville comme à l’écran, Philippe Peythieu, doublure d’Homer, et Véronique Augereau, celle de Marge, reviennent avec plaisir et humour sur ces glorieuses décennies pour Toutelatele.com.

Aurélie Demarcy : Comment avez-vous été recrutés pour faire les voix d’Homer et Marge, le couple le plus déjantée des Etats-Unis ?

Philippe Peythieu : J’ai fait les premiers essais à partir d’une cassette mexicaine, donc sur une version parlée en espagnol. Les productions françaises n’avaient que très peu d’éléments sur Homer. Juste de vagues images sur lesquelles il était chauve et bedonnant, ce qui induisait qu’il était vieux. Tous les essais ont été faits sur ce postulat. Du coup, les Américains, peu convaincus, ont refoulé pas mal de monde et j’ai eu la chance d’arriver en fin de liste. L’équipe de Gracie Films a fini par venir nous caster sur place et j’ai eu le rôle grâce au fameux T’oh. Ils m’avaient demandé de dire D’oh et, ayant mal entendu, j’ai lancé un T’oh qui les a ravis. Après, ils m’ont fait décliner toute une gamme d’onomatopées : des T’oh de peur, de bonheur, de tendresse, d’espoir... Ils me disaient great ! great ! great ! (rires).

Véronique Augereau : Pour ma part, je suis arrivée en fin de casting et Christian Dura, notre directeur artistique, m’a dit qu’on allait me faire écouter la version américaine. J’ai alors proposé une voix de gorge très typée comme elle et les Américains ont demandé si j’allais être capable de la tenir sur la distance. J’ai acquiescé sans véritable certitude. Et ça fait 20 ans que ça dure...

Pensiez-vous que la série allait connaître un tel parcours ?

P.P : Au vu des personnages jaunes et à leurs coupes de cheveux improbables, je pensais faire douze épisodes tout au plus. Et puis, Homer avait un côté plus vieillissant, qu’il a d’ailleurs gardé durant les trois premières saisons. Mais le succès a été au rendez-vous !

V.A : Les dessins du début étaient moins élaborés. Je n’aurais pas parié sur un tel succès.

Comment expliquez-vous cette longévité ?

P.P : C’est une série intemporelle, les personnages ne vieillissent pas mais les intrigues collent toujours à l’actualité.

V.A : C’est une série grand public, chaque génération s’y retrouve, des gags cartoonesques pour les enfants jusqu’aux nombreuses références culturelles pour les adultes. Rien n’est gratuit, c’est une étude très ciblée de la société américaine.

P.P : Et leur humour est décapant mais jamais vulgaire...

Quel regard portez-vous sur votre personnage ?

P.P : Homer cumule les gaffes et ses actes ont quelquefois des répercussions désastreuses (rires). Mais c’est avant tout, un grand enfant à qui on pardonne tout. Son côté attachant prend le pas sur ses erreurs de parcours.

V.A : Marge est, quant à elle, une femme comme toutes les autres. Elle s’occupe avant tout de son foyer et y met beaucoup d’énergie, mais elle s’est quand même pas mal libérée au fil des saisons et s’octroie des moments où elle se permet de penser à elle. Néanmoins, sa tolérance vis-à-vis d’Homer est immuable, et pour supporter ce qu’elle supporte, je dis chapeau !

Le fait d’être en couple à la ville a-t-il renforcé celui que vous interprétez à l’écran ?

V.A : Être ensemble nous aide à travailler sur la série. On peut tout se permettre, on y va à fond et quelques fois on va tenter de trouver le truc en plus qui fait que... (rires) C’est ça le jeu aussi, avec une autre série on ne pourrait pas se permettre de rajouter des petites touches de complicité.

Continuez-vous les imitations hors enregistrements ?

P.P : On parvient à occulter assez facilement. Mais parfois, les personnages reviennent de manière surprenante. Il m’est arrivé à plusieurs reprises de cauchemarder en empruntant la voix d’Abraham (le grand-père des Simpson, ndlr) et sa gestuelle. C’est assez impressionnant (rires)

V.A : Sortis des personnages on retombe vite dans le quotidien avec toutes les occupations que ça induit. En ce qui me concerne, il m’arrive parfois de râler, intérieurement, comme Marge.

N’êtes-vous pas las de doubler le même personnage depuis deux décennies ?

V.A : Travailler sur cette série est une véritable récréation. Je fais également les voix des sœurs de Marge. Je n’éprouve aucune lassitude, bien au contraire !

P.P : Ça représente dix jours de travail étalés sur cinq mois et puis je double également Otto Bus et le grand-père Simpson.


Aurélie Demarcy : Apportez-vous des touches personnelles sur les adaptations françaises ?

Véronique Augereau : Marge est une femme raisonnable, son discours ne nécessite pas de transformations. Par contre, notre directeur artistique, Christian Duras, qui a repris l’écriture française, connaît l’équipe depuis 20 ans donc il lui arrive de nous mettre deux versions au choix sur la bande.

Philippe Peythieu : Les traductions sont excellemment retranscrites. Mais c’est vrai que j’ai ajouté quelques touches comme le Oh pinaise !. Dans la version américaine, Homer dit Oh my god, ce qui, pour la société française, moins pieuse, n’a pas grand intérêt. Donc le Oh pinaise !, expression désuète à été remise au goût du jour grâce à Homer. (rires)

Y a-t-il un nouveau projet de long-métrage ?

P.P : On en a discuté à Cannes avec Matt Groening lors du Mipcom et pour lui c’est hors de question tant que la série continuera.

V.A : La charge de travaille nécessaire à l’élaboration du premier film a été très lourde. Ça a mobilisé toutes les équipes et le projet a mis quatre ans à voir le jour.

Marge Simpson a, récemment, fait la une de Playboy et a suscité de vives réactions du côté des associations catholiques américaines. Quel est votre avis sur cette polémique ?

V.A : Elle est quand même bien conservée cette jolie Marge ! (rires)

P.P : C’est bon enfant. Ça bouscule un peu les mentalités, mais il n’y a rien de méchant. Et puis, ça a permis à Playboy, dont les ventes étaient en perte de vitesse, de se faire un véritable coup de publicité (rires)

V.A : Les Américains ont beau avoir un côté très puritain, ils peuvent être très forts et aller loin dans leurs délires. Pourquoi Matt Groening a eu l’idée de faire ça ? Je ne sais pas. Je m’amuse à dire que Marge avait besoin d’argent pour pallier les nombreuses dépenses de son mari. (rires)

Êtes-vous toujours en phase avec les prises de positions de la série, voire même politiques ?

P.P : Oui, c’est très finement tourné, jamais vulgaire et puis toujours drôle.

V.A : Le côté anti-Bush, ça nous va très bien (rires)

Nicolas Sarkozy et Carla Bruni apparaissent dans le 5e épisode de la 21e saison. La première Dame de France sera-t-elle invitée à doubler son personnage ?

V.A : Ça serait très sympathique de sa part. Sinon aux États-Unis, ils essayent également de faire venir Barack Obama, on verra s’il accepte...

Seriez-vous prêts à signer pour 20 ans ?

V.A et P.P :Oui sans conteste !

Si tel était le cas, comment gèreriez-vous l’évolution de votre voix ?

P.P : La voix, ça s’entretient. C’est un exercice, il suffit d’en prendre soin, de ne pas fumer et de ne pas abuser de l’alcool.

V.A : Et puis, surtout, la voix à l’avantage de très peu vieillir par rapport au reste du physique (rires)

Hormis les Simpson, quels autres célèbres personnages ou acteurs doublez-vous ?

P.P : Je double et j’ai doublé, entre autres, Danny De Vitto, Lord Voldemort dans Harry Potter à l’école des sorciers, David Bamber (Cicéron) dans la sérieRome. Je suis également directeur artistique du doublage français de la série 24 heures Chrono.

V.A : Pour ma part, je fais de nombreuses voix comme celles de Jamie Lee Curtis, Linda Hamilton, René Russo. Côté séries, j’ai doublé, entre autres, Leslie Hope (Teri Bauer) dans 24 heures Chrono, Mira Furlan (Danièle Rousseau) dans Lost les disparus, Brooke Smith (Dr. Erica Hahn) dans Grey’s Anatomy, Marcia Gay Harden (Claire Maddox) dans Damages, et plein d’autres. On a tendance à dire qu’en France on colle facilement des étiquettes, je dois avouer que je suis très privilégiée !