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Chantal Lauby présente Bzzz..., la génèse des Nuls

Tony Cotte
Publié le 21/12/2010 à 14:51 Mis à jour le 27/05/2022 à 00:42

Chantal Lauby est une « NUL » inoubliable. Avec Bruno Carette, Alain Chabat et Dominique Farrugia, elle a fait les beaux jours de Canal+ et le bonheur des fans sur petits et grands écrans. Depuis, chacun a volé de ses propres ailes. Pour ces fêtes de fin d’année, Paris Première renoue avec les débuts de Chantal Lauby au cours d’une soirée spéciale Bzzz..., sa première émission avec son ami Bruno Carette. L’occasion pour Toutelatele.com de l’album-photos en compagnie de l’intéressée...

Tony Cotte : Vous aviez créé, avec Bruno Carette, Bzzz sur France 3 Marseille. Comme vous l’expliquez en préambule de cette émission spéciale sur Paris Première, le titre a été trouvé dans le seul but de « faire chier la speakerine ». Peut-on déjà parler, trois ans avant Les Nuls, d’anticonformisme ?

Chantal Lauby : On voit clairement dans l’émission que nous étions loin de la mouvance de l’époque. Il faut savoir que les télévisions régionales se contentent d’apporter les nouvelles d’une région et nous sommes donc arrivés au milieu de la cueillette des olives avec un ton décalé et de l’absurde. Du coup, le titre allait parfaitement avec le contenu. Mais on nous a fait venir un peu pour ça. A l’origine, nous faisions, avec Bruno, Un petit clip vaut mieux qu’une grande claque avec des sketchs entre chaque vidéo. Progressivement, nous avions supprimé les clips. Puis, nous avons proposé Bzzz à la direction comme une suite logique.

Avec le recul, que vous inspirent les images visionnées pour les besoins de cette spéciale sur Paris Première ?

Notre réalisateur, Philippe Carrese, était barré de chez barré. Nous n’avions pas un centime pour faire cette émission, et il arrivait à construire ce programme avec des bouts de chandelles. Je me dis heureusement qu’il y avait son imagination pour faire des dessins, des animations rigolotes et des génériques dingues. Il faut forcément avoir de l’indulgence quand on regarde Bzzz..., mais il y a des idées. Même si j’ai déjà sorti en catimini, il y a quelques années, une cassette vidéo avec les meilleurs moments, ça m’a touchée de revoir l’émission. Quand je dis à une femme black : « Votre mari est plus blanc que le mien  », je trouve ça osé pour l’époque.

La direction de France 3 est-elle déjà intervenue pour censurer du contenu ?

Personne ne regardait l’émission avant sa diffusion. Il y avait une vraie liberté. Même avec Les Nuls, nous étions libres. Je ne suis pas sûre qu’aujourd’hui on puisse en faire de même. Ce qui est fou c’est que l’on accepte des choses terribles comme Qui veut épouser mon fils ?, mais quand quelqu’un émet une opinion ou dit des choses susceptibles de choquer, ça ne passe pas. C’est très bizarre. Je pense que la polémique n’est plus vraiment acceptée, il faut rentrer dans le rang. La télévision d’aujourd’hui est une unité et ça manque de personnalité.

Vous ne semblez pas correspondre à la fameuse ménagère qui apprécie tant les programmes de télé-réalité...

Je n’ai rien contre, ça fait partie du mouvement d’aujourd’hui. Sur Facebook, on fait les « connasses du vendredi » avec mes copines : on se met devant Qui veut épouser mon fils ? et on taille. On s’amuse comme des folles entre nous. Mais c’est du défoulement, on sait très bien que beaucoup de choses sont scénarisées et destinées à provoquer des réactions chez les gens. Marie-France et Giuseppe en prennent d’ailleurs plein leur gueule (rires). Si les émissions de télé-réalité marchent, c’est qu’elles rendent le téléspectateur actif. J’aime quand le public participe. Je pense que c’était le cas des Nuls : quand on était chez nous et que l’on regardait la télé, on ne pouvait s’empêcher de la parodier. Un jour, nous avons décidé de le faire en public... Les gens se sont reconnus là dedans. Sauf que dans une émission comme Qui veut épouser mon fils ?, on en ressort peu glorifié d’être un humain. C’est le reflet du monde. Mais qu’est-ce que ça va être dans 20 ans ? Jusqu’où vont-ils aller ? Aujourd’hui, l’image de la femme dans ce programme n’est pas très glorieuse, elles sont traitées comme des putes. Quant aux mères, n’en parlons pas...


Qu’en est-il des émissions humoristiques ?

J’aime bien le Palmashow sur Direct 8, avec deux petits comédiens qui se débrouillent très bien (Grégoire Ludig et David Marsais, ndlr). Ils parodient la télévision d’aujourd’hui, ce qui n’est pas facile puisqu’elle est déjà une parodie elle-même. Leur angle d’attaque est intéressant et ils sont marrants. Bien sûr, il y a encore un peu de travail, tout n’est pas parfait, mais ils ont franchement de l’idée.

L’humour aujourd’hui est de plus en plus prétexte à une forme de satire sociale, voire à des règlements de comptes. Etait-ce le cas à l’époque de Bzzz ou des Nuls ?

Si tel était le cas, c’était alors complètement inconscient. On prétendait ne rien avoir à dire là-dessus. Exemple, quand on évoquait la guerre du Golfe, on mettait un concert de Jean-Michel Jarre avec des explosions à Bagdad. On avait un regard détourné dessus, sans opinion politique et l’on se contentait de s’attaquer aux journalistes qui traitaient du sujet. Dans Bzzz..., on s’amusait surtout des fonctionnaires, cette espèce de France qui traine du pied, sans pour autant la juger.

Chantal Goya revient à plusieurs reprises dans vos sketchs...

Nous n’avions pas de tête de Turc. On prenait les chanteurs de l’époque, comme on a pu le faire aussi avec Francis Lalanne. Mais c’est trop facile de s’en prendre à des gens comme ça, sous prétexte qu’ils ont une personnalité particulière. La moquerie, je l’aime quand elle est gentille. Désormais, l’humour est plus méchant, voire cruel. Bien sûr, nous l’avons été à certains moments, ce qui me parait un peu inévitable. Certains humoristes, en revanche, ont en fait leur fond de commerce. Ils ne me font pas rire, ils ressemblent, au final, à des politiques.

A l’occasion de la promotion des deux Intégrules, vous êtes revenus, avec vos petits camarades, sur le devant de la scène. Peut-on s’attendre à un nouveau come-back ?

On a déjà tout dit, tout donné. On a changé, grandi et vieilli : place à la nouvelle génération ! Je ne vois pas pourquoi on reviendrait, on risque de tomber dans la resucée. Chacun est dans son univers. Mes copains font bien leur film, ils sont dans la production et font des choses importantes.

Quel rapport entretenez-vous avec eux aujourd’hui ?

Pour être franche, on ne se voit pas beaucoup. C’est une page qui est tournée. Il reste les beaux souvenirs et la tendresse, mais il n’y a pas de nostalgie. Certes, quand on rencontre des fans, ou que l’on regarde des anciennes vidéos, on est obligé de se souvenir de ce bon temps. On s’est marré quand même ! C’était un plaisir le matin de se lever pour travailler, même si le rythme était lourd et que nos journées de travail faisaient entre 17 et 18 heures. Les Nuls, l’émission c’était d’ailleurs la période la plus difficile de ma vie. Je ne m’étonne plus de mon état de fatigue aujourd’hui. Ce n’est pas pour rien si j’ai moins envie de tourner.


Malgré tout, avez-vous des projets en dehors du film Tuche ?

J’écris actuellement un scénario, mais j’ai annulé les Tuche. Je n’ai plus voulu le faire, pour incompatibilité d’humeur. Olivier Baroux l’a repris et j’en suis ravie. Au moins, il a aimé ce que j’ai écrit. Après, je ne sais pas ce qu’ils vont en faire, mais ça ne sera pas le même, nous avons chacun notre personnalité. J’ai appris que deux des comédiens que je voulais, Jean-Paul Rouve et Isabelle Nanty, sont toujours dans le film. C’est déjà ça...

Si Alain Chabat et Dominique Farrugia sont bien implantés dans le 7e Art, Chantal Lauby semble être légèrement en retrait...

On me voit moins que les autres, je suis d’accord. Mais je ne peux pas faire un film pour dire de faire un film. Après mon premier film, j’ai reçu trente propositions de réalisation. Ma réponse était négative pour chacune d’elles. Je ne peux pas réaliser quelque chose que je n’ai pas écrit. En voyant le succès d’Alain et Dominique, Claude Berri m’a posée la même question il y a quelques années. Mais je n’avais rien dire et je ne suis pas cinéaste. Il m’a poussée à le faire, à écrire sur les femmes. J’ai donc retranscrit l’émotion vécue lors de ma période de maman. Est ainsi né Laisse tes mains sur mes hanches. Le tournage a certainement été le plus beau moment de ma vie. Claudie Ossard, la productrice de 37°2 le matin ou encore Amélie Poulain, a quand même eu le courage de choisir mon premier film, juste parce qu’elle aimait le scénario. Elle m’a soutenue en me confiant une super équipe technique et m’a aidée à le monter.

Que peut-on vous souhaiter aujourd’hui ?

J’arrive à un âge où j’ai conscience que le temps qui passe est important. Je ne suis pas un plan de carrière, je n’ai pas de grandes ambitions. J’essaie de faire simplement des choses qui me plaisent et à mon rythme. J’espère continuer ainsi encore un certain temps. Par exemple, je vais faire un titre avec Adamo. Je suis également contente quand Paris Première ressort mes vieux souvenirs et de participer à cette émission. Ce sont des échanges avec mon copain Bruno. Je le trouvais excessivement doué, ce mec aurait explosé en tant que comédien. Sa vie a été tellement éphémère, alors quand je peux exposer son talent, ça me fait plaisir de le faire.