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William Leymergie : retour sur un clash médiatique

Emilie Lopez
Publié le 12/10/2007 à 11:00 Mis à jour le 12/10/2007 à 11:00

Le 28 septembre dernier, William Leymergie terminait sa matinale TéléMatin en indiquant aux téléspectateurs que « Thierry Beccaro [leur] tiendrait compagnie pendant 15 jours », tout en précisant « Je continuerai à travailler en régie pour fabriquer l’émission ». Sans autres précisions, celui qui, depuis près de 22 ans, officie de 6h30 à 8h45 sur France 2, quitte l’antenne. L’origine de ce départ s’est déjà fait savoir depuis quelques jours : une altercation entre l’animateur et un de ses chroniqueurs, Jean-Philippe Viaud. Depuis, les médias se sont emparés de cette histoire, tentant de comprendre les véritables raisons de ce coup de sang, et nombre de détracteurs se sont manifestés pour dépeindre un patron « tyrannique et mégalo ». Retour sur une affaire interne pleine de conséquences.

Deux versions s’opposent sur cette fameuse fin de matinée du mercredi 19 septembre. Selon la lettre professionnelle Satellifax, William Leymergie et son chroniqueur se seraient querellés à propos d’une feuille de prévision de sujets. Des noms d’oiseaux auraient été échangés, avant que l’animateur ne saute au cou de Jean-Philippe Viaud, le plaquant contre le mur, et l’étranglant jusqu’à évanouissement.

Du côté de Sarah Doraghi, spécialiste de la culture de l’émission, la version diffère : Jean-Philippe Viaud aurait fait une crise de spasmophilie alors que William Leymergie était dans son bureau en train de se calmer. Celle-ci va même jusqu’à assurer dans les colonnes du magazine Télé Star daté du 13 octobre : « Jean-Philippe a bloqué William contre le mur qui, pour se défendre, l’a pris par le cou ». Une présentation des faits étonnante, celle-ci avouant ne pas avoir vu la scène... Seules deux certitudes persistent : les pompiers de France 2 sont intervenus et ont placé le chroniqueur sous assistance respiratoire pendant une heure. Puis, celui-ci a déposé une main courante au commissariat du Ve arrondissement de Paris.

Le 26 septembre, Satellifax et le quotidien 20 minutes dévoilent l’affaire, les deux intéressés sont donc convoqués séparément par Philippe Baudillon, Directeur Général de la chaîne. William Leymergie avoue, s’excuse, et est mis à pied pour une période de 15 jours, tant en sa qualité d’animateur que de producteur de TéléMatin et de C’est au programme. L’affaire aurait pu en rester là si cela n’avait été qu’un simple incident isolé. Mais depuis de nombreuses histoires ressortent laissant apparaître un William Leymergie bien loin de son image de sympathique animateur.

Ainsi, le 5 octobre, la CGC Médias réagissait via un communiqué de presse particulièrement virulent à l’encontre du présentateur et de son DG, Philippe Baudillon. Selon le Syndicat, la chaîne publique « connaissait l’intégralité des informations sur les nombreux licenciements dont ont été victimes les collaborateurs des deux productions matinales, mais a préféré (...) fermer les yeux et licencier les uns derrière les autres les salariés ne plaisant plus à Leymergie ». Concernant l’incident du 19 septembre, la CGC rappelle que « depuis plus de 15 jours, Philippe Baudillon n’a toujours pas engagé la moindre enquête comme la loi le lui impose sur l’agression bien réelle et bien physique dont a été victime Jean-Philippe Viaud ».

Puis, le 10 octobre, un nouveau communiqué de la CGC Médias « accuse la direction de France 2 d’avoir délibérément menti dans la tentative d’étranglement dont a été victime Jean-Philippe Viaud ». En effet, selon le Syndicat, la direction aurait été, dès le début, en possession d’une photocopie de la main courante déposée par Jean-Philippe Viaud, mais elle aurait « sciemment et volontairement voulu étouffer l’affaire ». « C’est dans de telles conditions inimaginables de totale connaissance des faits graves et inexcusables que la direction a, jour après jour, tenté de justifier l’injustifiable en modifiant ses versions des faits et en ne parlant plus aujourd’hui que de « bousculade ». C’est à vomir. » La CGC conclue ainsi : « Tous ceux qui ont délibérément (...) caché à dessein la réalité des faits et mis tout en œuvre pour que la vérité ne sorte pas devront en répondre au pénal ». Une menace semblant viser non seulement les dirigeants de la chaîne, mais également les chroniqueurs et collaborateurs de l’émission, qui se murent tous dans le silence quant aux circonstances de l’altercation.


En interne, le SNJ (Syndicat des journalistes) de France 2 fait le même écho, même si l’éventualité de poursuites n’a pour l’heure pas encore été abordée. Néanmoins, par la voix de son intermédiaire Maryse Richard, la SNJ a déclaré à Télé Star : « Cela fait de nombreuses années que ses salariés subissent des pressions psychologiques. On reçoit des tas de jeunes collaboratrices en pleurs dans nos bureaux ». Le délégué CGT de la chaîne Luc Deléglise enchaîne pour sa part « Ce n’est plus possible.(...) Il pratique le harcèlement moral (...) Il y a eu de nombreux cas de conflits avec cet animateur ».

En effet, William Leymergie aurait pour habitude de faire licencier ceux dont la tête ne lui revient plus. A son tableau de chasse notamment Françoise Xenakis (24 ans à la rubrique Livres), Nicolas Angel (préposé à la rubrique innovation pendant 12 ans) ou encore Michel Cymes (spécialiste santé), chacun remercié, selon leurs dires, du jour au lendemain sans explications. Pour eux, l’occasion était trop bonne de sortir enfin du silence dans la presse télé. La première le taxe de « mufle », le second regrette que « cette émission soit animée par un individu qui la détruit par ses actes malheureux », affirmant également « si les rôles avaient été inversés (...) le chroniqueur aurait été viré sur le champ ! ». Quant au dernier, il ne mâche pas non plus ses mots : « C’est la cour de Louis XIV. On est en odeur de sainteté du prince ou pas. ».

Face à eux, l’équipe encore en place fait front pour prendre la défense de l’animateur. Ainsi, 53 de ses 56 collaborateurs ont signé un communiqué officiel, dénonçant le « lynchage médiatique dont l’émission et son producteur font l’objet ». En tête des farouches défendeurs de Leymergie, Laura Tenoudji, en charge de la rubrique Web, décrit un patron « très exigeant (...) mais laissant une grande liberté de travail. Et quand il donne sa parole, il la tient ». La porte-parole des chroniqueurs - Isabelle Martinet - interroge « Si William Leymergie était méchant, croyez-vous que je serais restée dix-sept ans à ses côtés ? (...) Nous ne travaillons pas avec un étrangleur ! ».

Pour expliquer ces marques de confiance, d’anciens collaborateurs s’accordent à dire « Ils ont signé [le communiqué] car ils ont tous la trouille de perdre leur place ! ». Selon le magazine Télé 2 semaines, une dizaine d’entre eux souhaiteraient monter un collectif afin d’interpeller la direction de France 2. Même si peu ont l’espoir de voir ce mouvement aboutir : « Leymergie est protégé, c’est un proche de Carolis et Duhamel ».

Quid de l’avenir de l’émission matinale ? Pour l’heure, William Leymergie doit reprendre sa place le 15 octobre prochain. Mais si des mesures drastiques venaient à être prises à l’encontre de l’animateur, Thierry Beccaro prendrait-il les rênes de TéléMatin de manière définitive ? Rien ne l’indique pour le moment.

Notons néanmoins que le scandale et le départ de Leymergie n’ont en rien ébranlé les bonnes audiences de France 2 sur cette tranche horaire. Ainsi, le programme a réalisé des audiences équivalentes, avec chaque jour une moyenne de 1.47 million de fidèles, soit 44.3% du public présent devant leur poste de télévision. Ce qui tend à penser que le public se presse non pas pour l’animateur, mais bien pour l’émission et ses chroniqueurs. Un point qui risque de peser lourd dans la balance pour William Leymergie...