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Julien Cohen (Affaire conclue) : « Sophie Davant contribue au succès, car la France entière l’aime... Stéphane Bern est plutôt la Reine d’Angleterre ! »

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Rédacteur - Expert TV
Publié le 21/11/2017 à 15:57 Mis à jour le 23/11/2017 à 11:45

Affaire conclue s’est imposée comme la valeur sûre des après-midis de France 2. Julien Cohen, membre de l’équipe des acheteurs, se confie sur sa participation et le succès de l’émission.

Benoît Mandin : Comment définiriez-vous votre rôle dans Affaire conclue ?

Julien Cohen : Tout d’abord, on ne peut exercer sans avoir une connaissance très large du spectre que peut être l’antiquité de la brocante, et me concernant la décoration. Je pense qu’il faut être avant tout un amoureux des objets et des personnes, car si on aime simplement faire de la brocante, cela ne suffit pas. J’aime rencontrer les gens, les écouter, les connaître et savoir pourquoi ils ont cet objet.

Au cours de l’émission, vous vous retrouvez en concurrence avec quatre autres acheteurs. Comment se passe la collaboration ?

On est là pour acheter avec notre argent, ce qui fixe les limites de chacun. Je suis plutôt l’acheteur le plus significatif en matière d’achats et de sommes dépensées. Au début, il y a eu quelques tensions avec une des filles qui n’avaient pas l’habitude des salles de vente donc elle ne comprenait pas pourquoi j’enchérissais alors que l’objet ne me plaisait pas forcément. On lui a expliqué et elle a très bien compris. Il y a aussi Pierre-Jean qui a la particularité d’être le seul acheteur qui ne revend pas derrière. Il est prêt à mettre un prix qui pour nous est final, c’est notre trublion qui fausse un peu la vente quand on a envie de se battre pour un objet.

Quelle stratégie mettez-vous en place pour pouvoir l’emporter ?

Je n’ai pas de stratégie fixe, car elle propre à chaque situation. Dans les prochains épisodes, les téléspectateurs vont pouvoir découvrir de nouvelles méthodes plutôt percutantes. Contrairement au programme allemand qui est plus rigide, nous serrons la main du vendeur pour que l’enchère soit clôturée. D’autres acheteurs ont reproduit ce que j’avais initié et à un moment, on s’est dit que temps que l’on ne se serre pas la main le deal n’est pas fait. On essaye de mettre à chaque fois un peu plus de piments, ce qui je pense contribue au succès de l’émission. Il y a beaucoup d’adversité dans la bonne humeur et il nous arrive de faire monter les enchères pour utiliser les ressources des uns et des autres.

Sur quels critères vous basez-vous pour porter votre choix sur un objet ?

Il se trouve que je suis le plus généraliste de tous parce que j’ai de grandes boutiques où je peux mettre un tas d’objets divers et variés. Au départ, je m’étais dit que si un objet me plaît, je renchéris, mais on se rend compte qu’en cédant la main on donne du pouvoir aux autres acheteurs. Je pense que si j’use les ressources de mes adversaires, ils me foutront la paix sur les bons objets donc je monte régulièrement sur des biens qui ne me plaisent pas forcément. Il m’arrive malheureusement de temps en temps de ne plus avoir d’enchérisseurs, du coup je me retrouve avec un objet dont je n’avais pas envie, mais il y a un art pour le revaloriser après.

« On essaye de mettre à chaque fois un peu plus de piments, ce qui je pense contribue au succès de l’émission »

Depuis le lancement d’Affaire conclue, avez-vous des coups de coeur ou des déceptions ?

Je n’ai eu qu’une déception, j’ai acheté tout un lot d’obus gravés et je me suis laissé emporter par l’historique du vendeur. J’ai trouvé qu’il fallait faire un geste, mais c’est une déception parce que très peu de gens ont envie d’acheter ce genre de relique. Ce n’est pas très grave, car des objets, j’en ai déjà acheté au moins une centaine. J’ai eu beaucoup de surprises, j’ai acheté le physiographe et un pressoir à pommes auprès d’une petite dame. Dès que j’ai dit cent euros, elle a couru vers moi pour faire « affaire conclue » et me serrer la main alors que François était prêt à surenchérir jusqu’à 180. Par exemple, j’ai aussi acheté deux grands kakemonos chinois et c’est la plus haute enchère jamais réalisée dans l’émission. Je les ai payés 4.850 euros, je les ai encadrés c’est extrêmement décoratif et j’espère les revendre aux enchères.

Comment réagissez-vous face à des vendeurs déterminés ?

Le plus difficile dans notre business est la valeur affective parce qu’on a tous tendance à penser que l’objet qu’on détient est le mieux placé. Quand une personne vient avec un bien qui vaut 1.000 euros et que le commissaire priseur lui dit que ça pourrait être le cas que s’il est en parfait état, elle prend alors un coup en pleine tête. Le commissaire lui annonce que ça ne vaut plus de 200 euros, mais ce n’est pas pour autant que nous sommes prêts à le payer ce prix là. Il arrive à de nombreuses reprises à ces commissaires priseurs de faire des « no ventes » sur ce type d’objets, ce qu’on appelle « ravaler un bien ». Quand il n’y a pas de preneur dans la salle, ça vaut zéro ! Cela il faut le faire comprendre au vendeur et l’avantage est que dans Affaire conclue, c’est payé cash sans frais.

Avez-vous une anecdote en particulier à ce propos ?

Oui, je suis tombé un jour sur un jeune homme qui est venu vendre un énorme livre avec des magnifiques nus dedans, le tout pesant vingt-cinq kilos. Lors de sa commercialisation à la fin des années 90, il valait 1.500 euros et 10.000 de ses bouquins ont été signés par Helmult Newton. C’est plus le sumo en lui-même qui a une certaine valeur que la signature. Une expertise est réalisée à 3.200 euros et je m’étais fixé 2.500 euros. J’ai fini par monter jusqu’à 2.800 et là le vendeur m’a dit qu’il n’irait pas en dessous de 3.700. Je lui ai alors proposé 3.650 pour aller dans son sens et il a osé dire non ! Ce n’est pas le premier qui fait ça et vingt minutes après, il est revenu me voir en me disant « Je suis vendeur ». Je lui ai dit que l’adrénaline des enchères était retombée et que je n’étais plus acheteur qu’à 2.500 euros. Chaque enchère est un moment d’excitation.

« Storage Wars France n’a pas donné une bonne image de notre profession »

En participant à l’émission, souhaitiez-vous mettre en avant l’antiquité de la brocante ou étiez-vous plus motivé de vivre l’adrénaline des enchères sur un plateau de télévision ?

J’ai fait Storage Wars il y a deux ans sur 6Ter. Dans le résultat final, le producteur Endemol a fait une parodie de la version américaine et ça ne m’a pas plu. Bien que j’ai largement gagné la saison, l’émission n’a pas donné une bonne image de notre profession. Lorsqu’on m’a donné le profil des autres participants d’Affaire conclue, j’ai tout de suite pensé qu’il y avait un soupçon de bonne équipe. C’était l’occasion de redorer le blason de la profession qui est décriée avec tous les récents scandales de fonds. Je me suis dit que j’étais présent sur l’un des plus grands acteurs du marché mondial d’antiquités (Puces de Saint-Ouen, ndlr) et j’ai saisi l’occasion de pouvoir le faire. Il y a aussi l’adrénaline de se retrouver face aux caméras, de jouer sa partition et de s’amuser.

Comment êtes-vous arrivé dans Affaire conclue ?

Aux puces de Saint-Ouen, il est difficile de dire que je ne suis pas incontournable par la boutique que nous possédons. Je pense que ma participation à Storage Wars et la prestation que j’y ai donnée ont attiré l’oeil des producteurs. Les casteurs sont venus me le proposer directement dans ma boutique. Je leur ai alors fixé une condition qui était de connaître les participants avant le tournage du pilote. Je voulais savoir à qui j’allais être confronté, car s’ils étaient du même niveau que Storage Wars, je ne l’aurais pas fait.

Comment se déroulent les tournages ?

On tourne trois numéros par jour, mais il y a des objets qui ne valent pas le coup de passer devant nous. Les vendeurs se présentent pour les expertises et ils passent ensuite entre nos mains. Le rythme de tournage s’enchaîne entre 10h30 et 19 heures. Il faut surtout jongler avec les emplois du temps de chacun et je pense que deux jours de tournage par semaine, c’est déjà chronophage.

« Avec Stéphane Bern dans Affaire conclue, on aurait jamais pu partager notre passion ! »

Stéphane Bern a été pressenti pour animer Affaire conclue. Après son refus, la direction de France 2 a confié les rênes à Sophie Davant, qu’avez-vous pensé de ce choix ?

On a tourné le pilote avec Stéphane Bern. Bien que l’on connaît toute son appétence pour l’antiquité, il a aussi sa manière ampoulée de parler des choses et tous les acheteurs ont tout de suite senti que ça ne collait pas. Quand la production nous a annoncé que ça allait être finalement Sophie Davant, on a sauté de joie. Elle est dans les écrans de tout le monde depuis vingt-cinq ans et elle ne connaît pas grand-chose en objet. À chaque fois qu’on la voit devant un produit, elle est émerveillée et pose même parfois des questions banales qui peuvent paraître idiotes. Elle se met à la place des téléspectateurs, donc on n’a pas envie d’avoir un professeur d’école comme pourrait l’être Stéphane Bern. On préfère une femme qui a de l’empathie pour le public et quand Sophie vient dans la salle des acheteurs, on apprécie qu’elle vienne nous questionner sur nos décisions. Avec Stéphane Bern, on n’aurait jamais pu partager notre passion !

Alors qu’elle était présentée comme le pari risqué de la rentrée, l’émission s’est imposée comme le programme le plus puissant des nouveaux après-midis de France 2. Comment expliquez-vous ce succès ?

Quand j’ai vu ce que le producteur a réussi à monter avec le pilote, je me suis dit que j’étais face à des génies. Je n’ai eu aucune crainte sur la programmation choisie par la chaîne. Sophie Davant contribue à ce succès, car la France entière l’aime et je ne comprends pas que sur Twitter, certaines personnes la décrivent publiquement de manière assez violente. Stéphane Bern est plutôt la Reine d’Angleterre ! Il y aussi cette bagarre entre acheteurs qui plait au public et le fait qu’il n’y a pas de temps mort dans l’émission. Le rythme est donné par les acheteurs et c’est comme un électrocardiogramme où il y a une crise cardiaque toutes les dix minutes. Les téléspectateurs aiment bien que l’on s’emballe sur les ventes et qu’il y ait des duels d’acheteurs.

« Le rythme est donné par les acheteurs et c’est comme un électrocardiogramme où il y a une crise cardiaque toutes les dix minutes »

Quelles retombées a l’émission sur votre activité ?

Pour être honnête, pas grand-chose, car je suis sur Paris. Alain est devenu l’équivalent d’un ministre à Avignon, et Bertrand, qui passe moins à l’écran, a une grosse notoriété dans sa région. Sur Paris, cela n’a pas m’a pas apporté de business bien que je reçois des demandes d’expertises sur internet. Je ne le fais pas vu que ce n’est pas mon métier de base et je les redirige vers Alexandrin ou des amis. Je reçois aussi de nombreux messages sur les réseaux sociaux, mais ma clientèle d’acheteurs est composée à 70% de professionnels.

Sur tous les formats sur la brocante à la télévision, lequel vous a le plus marqué ?

Celui que j’ai réalisé sur papier et que je vais produire ! Cela fait un an et demi que je travaille sur un format de magazine qui est un mélange de Berdril, de cooking, d’antiquité et d’aventure. Je suis sur le point de le proposer aux chaînes de télévision et c’est beaucoup moins calme que ce que l’on produit aujourd’hui. Pas sûr que cela convienne au public de France 2 (rires). Il y a des émissions sur la brocante qui peuvent exister, mais pas des programmes comme les parodies des États-Unis que l’on a pu voir sur D8 et 6Ter. Je pense qu’il faut montrer l’image du brocanteur comme certains peuvent la vivre et c’est moi-même qui présenterais l’émission.