Toutelatele

Audrey Pulvar

Joseph Agostini
Publié le 08/11/2004 à 01:16 Mis à jour le 05/05/2011 à 16:34

Née en 1972, Audrey Pulvar, d’origine martiniquaise, a
fait ses classes à l’Ecole Supérieure de Journalisme
de Paris. Après huit années sur Antilles Télévision,
elle a surfé entre TV5, LCI et France 3 Méditerranée,
avant d’accéder au Soir 3, en duo avec Louis
Laforge. Elle est également l’auteur d’un roman, « 
L’enfant bois », paru en janvier 2004.

Joseph Agostini : Quand vous faisiez vos études à l’ESJ (Ecole Supérieure de Journalisme), Christine Ockrent officiait dans Le Soir sur la 3. Quelle image aviez-vous de cette édition ?

Audrey Pulvar : Le journal du soir de France 3 a toujours eu un
profil particulier. Il est moins exposé aux feux de la
rampe et donne la possibilité à ceux qui le font de
prendre plus de recul face à l’actualité quotidienne.
A l’époque comme aujourd’hui, les choix éditoriaux ne
sont pas dictés par l’urgence, à la différence de pas
mal de journaux télévisés.

Joseph Agostini : La particularité du Soir 3 a toujours été la place
qu’il laissait à l’actualité étrangère. Est-ce toujours l’une des missions de ce journal ?

Audrey Pulvar : Absolument. De plus, le journal dure désormais 25 minutes, ce qui permet de développer des thèmes très
divers, sur lesquels il n’était pas évident de
revenir. Ces dossiers sont très variés et collent ou
non à l’actualité journalière. Cela peut aller de la
dictature des marques au dispositif d’alerte mis en
place au moment des enlèvements d’enfants...

Joseph Agostini : France 3 a opté pour une présentation à deux
voix. Vous partagez votre fauteuil avec Louis Laforge. A quoi sert un duo dans un journal télévisé ?

Audrey Pulvar : Le duo apporte convivialité, chaleur. Les réactions
des téléspectateurs sont très positives. Le danger
quand on présente à deux, c’est de trop en faire...
Louis Laforge et moi tentons d’être complémentaires,
sans pour autant le montrer à l’antenne en permanence.

Joseph Agostini : Vous êtes une présentatrice de couleur...

Audrey Pulvar : Je vous arrête tout de suite. Je ne suis pas une
présentatrice de couleur, je suis une présentatrice
noire. J’insiste auprès de la presse pour qu’elle
donne ma couleur de peau. Je ne veux pas dire « de
couleur » comme je ne veux pas dire « black » ou « 
rebeu ». On emploie généralement ces termes pour ne
pas dire le mot « noir ».


Joseph Agostini : Quand on est une femme noire d’origine martiniquaise
et que les blancs monopolisent l’antenne des journaux sur les grandes chaînes nationales, comment s’y prend-on ?

Audrey Pulvar : En ce qui me concerne, j’ai fait mon travail sans me poser cette question. Mais je crois qu’on a été plus
exigeant avec moi. Cela fait deux ans que je sollicite
France 3 pour être joker présentatrice sur les JT. Il
y a quelques semaines encore, j’assurais le
remplacement à Marseille pour France 3 Méditerranée.
Mon profil a progressivement intéressé la rédaction
nationale, qui m’a finalement choisie pour présenter
son édition du soir. Et la chaîne recherchait une noire.

Joseph Agostini : En représentant une minorité à la télévision, vous sentez-vous investie d’une mission ?

Audrey Pulvar : Je ne suis pas une représentante de la minorité
noire. Je fais partie d’une majorité d’êtres humains.
Il ne faut pas victimiser la communauté noire pour
l’intégrer. Il y a des tas d’arabes, de noirs,
d’asiatiques qui font du bon boulot dans les
rédactions. J’espère que les décideurs et les téléspectateurs en
prendront petit à petit conscience.

Joseph Agostini : Avec vous, Christophe Hondelatte incarne la nouvelle
information du service public, cette saison. Que
pensez-vous de son Journal nouvelle formule ?

Audrey Pulvar : Il donne un coup de fraîcheur au 13 heures de la 2.
Je trouve son style très moderne. Cela dit, il y a des
choses que je n’aime pas...

Joseph Agostini : Par exemple ? L’interactivité à tout prix avec le
système des sms ?

Audrey Pulvar : Je ne suis pas là pour en parler. Mais certains
choix concernent France 2, pas France 3...

Joseph Agostini : Vous avez publié un roman, « L’enfant-bois », en
janvier. Pour une femme écrivain, le format d’un
journal n’est-il pas trop « standard » ?

Audrey Pulvar : J’ai une écriture journalistique très personnelle,
et France 3 me donne la possibilité de donner libre
cours à mon style. Pour répondre à votre question, je
mets une frontière étanche entre ma passion pour la
littérature et mes activités audiovisuelles. Je peux
explorer ces deux domaines sans les faire communiquer.