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Band of brothers ou l’Enfer du Pacifique

Claire Varin
Publié le 12/08/2011 à 11:36 Mis à jour le 12/08/2011 à 13:10

En 2001, Steven Spielberg et Tom Hanks - déjà forts de leur collaboration sur Il faut sauver le soldat Ryan - s’associent pour produire, via Dreamworks et Playtone, une mini-série sur ce sujet qui les hante : la Seconde Guerre mondiale. Diffusée sur HBO, Band of Brothers est une de ces fictions dites de « prestige ». Son budget - alors le plus cher de l’histoire de la télévision - atteint les 125 millions de dollars. Le tournage s’étend sur dix mois dans le Hertfordshire en Angleterre, où les villages de France, de Belgique et de Hollande sont reconstitués. Tandis que les scènes se déroulant en Autriche et en Allemagne, sont filmées en Suisse.

Oeuvre historique, Band of brothers est adaptée des ouvrages de l’historien Stephen E. Ambrose et retrace le parcours de la Easy Compagny, du 506e régiment d’infanterie parachutée, de la 101e Division aéroportée US, sur le front européen. Les dix épisodes rendent compte - avec un réalisme âpre et une précision historique - de la progression des soldats, depuis la veille de leur débarquement en parachute en Normandie en 1944 à leur arrivée à Berchtesgaden dans le « Nid d’Aigle » d’Hitler, en passant par la découverte des camps de concentration.

La ressemblance physique avec les vrais soldats de la Compagnie apparaît comme un des critères essentiels lors du casting. Et si, à l’époque, le public connait principalement David Schwimmer grâce à Friends, les nombreux personnages dépeints dans la série sont incarnés par des comédiens qui ont fait leur preuve depuis, tels que Damian Lewis (Life), Scott Grimes (Urgences), Matthew Settle (Gossip Girl), Michael Fassbender (Inglourious Basterds), Neal Donough (Desperate Housewives), Kirk Acevedo (Fringe), ou encore Simon Pegg (Les Aventures de Tintin), James McAvoy (Reviens-moi) et Tom Hardy (Inception). Toujours en quête de réalisme, la production organise un stage militaire intensif pour les comédiens. Mis au pas durant deux semaines, ils apprennent les tactiques militaires, le saut en parachute, le maniement des armes et l’endurance, seize heures par jour. Les acteurs deviennent eux aussi des « Frères d’armes » (titre français), renforçant ainsi la cohésion de groupe nécessaire au propos.

Lors de sa diffusion, Band of brothers conquis la critique et est alors multi-récompensée (22 prix au total, dont le Golden Globe et l’Emmy de la « Meilleure mini-série »). En France, elle est diffusée avec succès du 22 juillet au 19 août 2002 sur France 2 devant près de 6 millions d’amateurs. L’œuvre a ainsi marqué les esprits. Cette année, Band of Brothers a fêté ses dix ans et une radio américaine, Black Sky Radio, a célébré l’évènement en proposant chaque semaine, durant plusieurs mois, des interviews des nombreux acteurs et protagonistes, toujours reconnaissants de cette aventure. Tandis qu’en juillet dernier, France 4 rediffusait les dix épisodes avec succès, rassemblant près d’un million de téléspectateurs en moyenne.


Neuf ans plus tard, Steven Spielberg et Tom Hanks proposent une nouvelle fiction à HBO. Cette fois, ils abordent la Seconde Guerre mondiale sur le front du Pacifique, où les États-Unis ont perdu le plus grand nombre de soldats. C’est aussi un moment de l’Histoire moins souvent représentée à l’écran, car sans doute plus douloureux et moins glorieux que la campagne européenne. La mini-série bat le record jusque-là détenu par sa grande soeur, avec plus de 200 millions de dollars de budget pour dix semaines de tournages en Australie.

À la différence de Band of Brothers, qui multipliait les protagonistes et donc les points de vue, The Pacific centre sa narration sur trois personnages réels : les Marines Robert Leckie, Eugene B. Sledge et John Basilone, respectivement incarnés par James Badge Dale (Rubicon), Joe Mazzello (Jurassic Park) et Jon Seda (Juste cause). A leurs côtés, on reconnait aussi Ashton Holmes (Nikita), William Sadler (Roswell) et Jon Bernthal (The Walking Dead). Tandis que la prestation fascinante d’ambiguïté de Rami Malek (Snafu) hante le téléspectateur. Les dix épisodes abordent avec finesse l’évolution de la psychologie de ses héros, dévorés par la violence et l’incompréhension de l’ennemi japonais, qui refuse de se rendre.

Aux États-Unis, les critiques sont élogieuses et The Pacific est récompensée 14 fois, dont l’Emmy Award de la « Meilleure mini-série ». Sur HBO, la fiction fait un bon démarrage avec 4 millions de téléspectateurs, même si le score d’audience est loin des 10 millions d’Américains présents pour Band of brothers. En septembre 2010, The Pacific réalise un excellent démarrage sur Canal+ puisque les trois premiers épisodes sont suivis en moyenne par 1.16 million d’abonnés.

A l’occasion de sa diffusion sur France 2 - à partir du 14 août -, The Pacific est rebaptisée Band of Brothers : L’Enfer du Pacifique . La chaîne du service public cherche évidemment à recréer l’évènement et le succès d’il y a dix ans, par l’évocation de la première dans son titre. Une volonté commerciale compréhensible. Et si les deux œuvres existent l’une sans l’autre, le parallèle ou leur association se font inévitables. Notamment, à travers leur structure narrative (découpage en dix épisodes, génériques, images d’archives et commentaires pédagogiques (ceux de The Pacific ont disparu lors de la diffusion sur Canal+)) et leur esthétique, qui se répondent. Pourtant, les regards portés sur la guerre et sur le soldat américain sont quelque peu différents. Le titre Band of brothers, emprunté à Shakespeare (Henri V), souligne une fraternité forte et Frères d’armes met en exergue la camaraderie. Or, le 11 septembre 2001 et la guerre en Irak séparent les deux mini-séries dans le temps. Ainsi, dans The Pacific, il est davantage question de propagande, de traumatisme, d’individualité et de sentiment d’abandon que d’héroïsme patriotique. Deux fronts, deux guerres, deux discours, mais une égale réussite artistique.