Toutelatele

Bilan et révélations sur la rentrée de France 3 avec Thierry Langlois, directeur des programmes

Robin Girard-Kromas
Publié le 01/07/2013 à 14:18 Mis à jour le 11/07/2013 à 14:06

Ancien directeur de l’audiovisuel du Centre national de la cinématographie (CNC), Thierry Langlois était appelé à la rescousse à la rentrée 2011 pour « superviser » Pierre Sled. Depuis, ce dernier assume la fonction de directeur de l’antenne et des programmes de France 3. Pour Toutelatele, il dresse le bilan de la saison passée sans concessions et dévoile les contours de la rentrée de la chaîne. Entretien.

Robin Girard-Kromas : Cette saison, France 3 affiche des audiences stables sur un an avec 9.4% de part de marché. Êtes-vous satisfait de ces résultats ?

Thierry Langlois : On est plutôt content, car dans le paysage en pleine recomposition, avec la montée en puissance des nouveaux entrants, on est stable par rapport à l’année précédente, ce qui est en soi un joli résultat.

Entre les programmes de France 3 destinés aux plus âgés et le public familial de Plus belle la vie, comment parvenez-vous à trouver un équilibre dans votre grille ?

Le premier travail qu’on a cherché à faire, c’était consolider le résultat de la chaîne, car on était dans un mouvement de baisse que l’on voulait endiguer. Nous avons décidé de nous concentrer sur notre cœur de cible, les plus de 50 ans. C’est sur cette cible là qu’on avait proportionnellement le plus perdu. Par ailleurs, au sein du groupe, notre mission est de travailler sur ce public là même si on peut avoir une volonté d’élargissement et non de rajeunissement. Les plus de 50 ans restent les plus nombreux devant la télévision à toute heure de la journée donc il n’y a aucune raison de se désintéresser de cette catégorie de public.

Le premier défi de la Trois cette saison était de revoir le fond de grille. Jugez-vous que cet objectif a été atteint ?

On a profondément revu Midi en France, la saison a été très satisfaisante alors que le programme avait été très décrié à son lancement. On a fait un gros travail de fond sur l’émission qui se voit à l’antenne. Par ailleurs, on a lancé Météo à la carte à 13 heures qui est confirmé dans la grille de la rentrée. On a progressé sur cette tranche de 75%. Certes, on pourrait penser que les résultats sont toujours faibles, mais nous approchons désormais les 5% de part de marché régulièrement et on sait que la tranche est historiquement difficile avec les deux JT de TF1 et France 2 qui restent très puissants. Il nous semble qu’on a un début de réponse. Et puis surtout, on a quelque chose qui correspond vraiment éditorialement à ce que l’on souhaitait. On le voit avec les études qualitatives qu’on peut conduire, les téléspectateurs perçoivent vraiment une session complète de la mi-journée avec une vraie cohérence entre Midi en France, le journal et Météo à la carte. Par ailleurs, Harry et Les Carnets de Julie se sont bien installés.

« Nous allons tester une déclinaison prime time des Carnets de Julie »

Cette saison, vous avez testé Midi en France le week-end. L’opération sera-t-elle reconduite ?

Oui, nous allons retrouver Dimanche en France avec un nombre limité de numéros. À chaque fois, il faut que cela s’y prête en terme de contenu. On travaille actuellement sur trois numéros pour le dernier quadrimestre avec les journées du Patrimoine, l’anniversaire de la mort de De Gaulle et les marchés de Noël. Il faut qu’il y ait une cohérence avec la quotidienne, de manière à optimiser le processus de production.

Avec Les carnets de Julie, France 3 a su rapidement s’imposer le samedi après-midi avec d’excellentes performances. Ne souhaitez-vous pas donner plus de place à Julie Andrieu sur votre antenne ?

C’est une installation très rapide alors que c’est beaucoup plus compliqué dans le nouveau paysage audiovisuel. C’est très satisfaisant et nous allons tester une déclinaison prime time des Carnets de Julie à la rentrée prochaine.

Partie 2 : L’avenir du Grand Soir 3 et de C’est pas sorcier


Second pari de la saison, Le Grand Soir 3 peine encore à séduire un large public. Comment analysez-vous ces premiers résultats ?

On est globalement satisfaits des premiers mois. On a lancé ce programme pour afficher une ambition dans la grille tout en répondant à des contraintes économiques. Budgétairement, le programme répond aux objectifs et sera là à la rentrée prochaine. Evidemment, Le Grand Soir 3 a été lancé fin mars donc il y a encore beaucoup de travail dessus. On en est conscient, mais Thierry Thuillier est très impliqué, la rédaction également très mobilisée. On va continuer à améliorer cette session pour qu’elle soit plus performante.

Louis Laforge rempile à la tête du Grand Soir 3. Perd-il de ce fait la présentation du magazine Des Racines et des ailes ?

C’était ce qu’on avait évoqué quand on a proposé à Louis d’assurer la présentation du Grand Soir 3. On était en cours de saison donc on ne souhaitait pas déstabiliser Des racines et des ailes. On avait convenu que Louis terminait la saison et qu’à partir du moment où le Grand Soir 3 était confirmé à la rentrée, il ne conservait que la présentation de ce dernier.

À qui allez-vous faire appel pour remplacer Louis Laforge ?

À Patrick de Carolis, qui avait créé le magazine. C’est une personnalité incontestable du service public et de France 3 où il a œuvré pendant de nombreuses années. Il faisait déjà partie de la grille de France 3 avec le Grand Tour. On est sur la case du mercredi avec Des racines et des ailes, dans laquelle on aura aussi Le Grand Tour et le magazine historique de Franck Ferrand, L’ombre d’un doute. Il y aura donc une vraie cohérence.

« Des racines et des ailes : Patrick de Carolis remplace Louis Laforge »

Cette saison, vous avez également perdu l’une des figures de la chaîne, Frédéric Taddeï...

C’est une émission (Ce soir (ou jamais), ndlr) et un animateur qu’on aime beaucoup. Mais à partir du moment où on fait ce choix de lancer cette grande session d’information, nous n’avions ni la place, ni le financement pour continuer Ce soir (ou jamais). En revanche, le groupe ne voulait pas perdre cette marque et la bascule sur France 2 était la suite logique. Je suis satisfait qu’on ait pu sauver ce programme.

C’est pas sorcier, magazine découverte, va s’arrêter en fin d’année. Des projets en prime time ont été évoqués…

C’est en développement, la décision n’est pas encore prise pour le moment. On travaille sur une collection de quatre films avec Fred et Jamy. C’est un peu tôt pour savoir si cela continuera à s’intituler C’est pas sorcier. C’est une très belle marque, mais à laquelle correspondent des codes d’écritures et de fabrications. Si on ne le retrouve pas dans le projet de prime, il n’est pas indispensable de conserver la marque. C’est pas sorcier scout cher. Même si ce magazine a fait les belles heures de la chaîne, ce n’est plus tellement le cas aujourd’hui en audience avec 5.8% de part de marché en moyenne sur le semestre. De plus, on a un stock très important dans C’est pas sorcier, on a traité un très grand nombre de sujets depuis près de vingt ans et cela n’aurait pas grand sens de refaire une émission sur un thème déjà traité si la science n’a pas généré de nouvelles découvertes.

Partie 3 : Quels programmes pour la case du lundi soir ?


Êtes-vous satisfait de votre autre magazine découverte, Thalassa ?

Thalassa était en baisse sur les trois derniers exercices et nous avons repassé la barre des 10% en moyenne. C’est plutôt une bonne saison et ce chiffre-là n’est pas uniquement lié à l’allongement de l’émission. À la rentrée, nous allons repasser sur un format 110 minutes. Nous proposerons ainsi les Docs interdits un peu plus tôt, et un travail de fond a été ouvert sur Thalassa. Nous avons modernisé le magazine et son contenu.

Laurent Bignolas n’a -t-il plus sa place sur France 3 ?

Plus sur Thalassa, en effet. La saison dernière, j’avais souhaité que Laurent reste sur ce magazine alors qu’éditorialement, ce n’était pas forcément évident. C’est une discussion qu’on avait eue à l’époque compte tenu du choix d’avoir trois couleurs de Thalassa avec les sujets France, présentés uniquement par Georges, les documentaires de 110 minutes, avec un plateau introducteur avec Georges, et un troisième axe avec les destinations étrangères, présenté cette fois-ci par Laurent. À partir du moment où l’on n’a pas retenu cet axe-là, la question du rôle de Laurent dans Thalassa se posait. C’est aussi simple que cela. Et sur la manière dont il l’appris, on est pas tout à fait d’accord.

Sur la grille de France 3, une soirée est marquée par une multitude de contre-performances : celle du lundi soir. Que comptez-vous faire pour résoudre ce problème ?

C’est un de nos gros axes de travail pour la rentrée prochaine. Le premier choix qu’on avait fait était de travailler sur la couleur de la case et lui donner une homogénéité beaucoup plus forte, en réduisant de manière drastique les divertissements en saison régulière. Nous souhaitions avoir une offre beaucoup plus concentrée sur le « vivre ensemble » avec trois fois par mois, des documentaires, et un magazine mensuel, Le monde d’après. On ne reconduit pas cette émission, mais on lance un nouveau magazine. On cherche toujours à recréer un magazine de société de référence. Il sera présenté par Laurent Bazin (animateur de la matinale de RTL, ndlr) et on part sur le même nombre d’émissions, c’est-à-dire huit numéros. On a tiré les enseignements de ce qui s’est passé cette saison. Il y aura plus d’images et moins de plateau. On a un engagement sur la saison avec une clause de sortie en décembre.

Comment expliquez-vous l’échec du Monde d’après ?

On n’avait pas fait le choix de la facilité avec Le monde d’après. La saison n’a pas été bonne en audience, mais deux émissions se sont situées un peu au-dessus dans des registres très différents. Le numéro sur le cerveau a flirté avec les 7% de part de marché. On est déjà sur une case très difficile et on choisit des sujets qui sont aussi difficiles. Après, quand une émission sur la dette souveraine fait un peu plus de 2 millions de téléspectateurs, on considère que l’objectif est atteint. Le problème, c’est qu’on en a eu qu’une. Éditorialement, on n’a pas réussi à traduire le projet qu’on avait avec le réalisateur. On souhaitait un programme très didactique, notamment avec le décor qui était sensé être un élément très pédagogique. On n’a pas réussi à le concrétiser. Du coup, les différentes études qu’on a pu faire nous ont montré que les sujets n’étaient pas le problème, mais que le décor était venu accentuer le côté anxiogène avec une spirale négative.

« On n’a pas recommandé de nouveaux épisodes de Strip Tease »

Mireille Dumas sera-t-elle de retour la saison prochaine ?

Mireille sera sur un registre qui sera plus proche de ce qui avait été fait avec Serge Lama . On aura la case Histoire immédiate, qui était jusque-là programmée le mercredi. La cohérence était plus forte entre les trois autres magazines du mercredi. Les documentaires de société vont par ailleurs perdurer sur cette case.

Le magazine Strip Tease a fait beaucoup de bruit l’été dernier. Qu’en est-il de son avenir sur la chaîne ?

On n’a pas recommandé de nouveaux épisodes de Strip Tease. On a encore du stock, mais ils ne seront pas en diffusion cet été.

Partie 4 : Le successeur de Chabada, le spin-off de Plus belle la vie


L’arrêt de Chabada a beaucoup fait parler. Natacha St-Pier prend finalement la succession de Daniela Lumbroso. Pouvez-vous revenir sur ce choix de votre part ?

Il y a deux raisons au renouvellement du magazine musical : une problématique éditoriale et une problématique économique. On a retenu trois projets qu’on a pilotés et testés en études qualitatives. Les trois propositions étaient très différentes et celui qui nous semblait le plus en phase en terme de modernité, d’évolution et de prix, c’était la production de Carson avec Natacha St Pier. Par rapport à Chabada, la diminution du coût est importante.

Cette année, l’Eurovision a réalisé une contre-performance notable face à la finale de The Voice. Comment expliquez-vous cette déception, outre la concurrence de TF1 ?

Le résultat est évidemment nettement inférieur aux années précédentes. Je ne peux que regretter le choix de TF1, les deux programmes se sont un peu cannibalisés même s’ils ont remporté le morceau. En plus, on a eu une circonstance aggravante avec l’ordre de passage d’Amandine (1ère), car les téléspectateurs attendent généralement la prestation du représentant français.

Un spin-off de Plus belle la vie a été annoncé pour 2014. Pouvez-vous confirmer ces informations ?

C’est encore un petit peu tôt. C’est en discussion, nous travaillons dessus, mais rien n’est fait.

En access prime time le week-end, France 3 diffuse toujours Zorro. Une série un peu datée de ce type a-t-elle toujours sa place sur la grille d’une grande chaîne nationale ?

Les téléspectateurs semblent trouver que ça a toujours sa place vu que nous sommes à près de 10% de part de marché le samedi et le dimanche. D’autant que ce sont deux créneaux très compliqués. Pour le moment, on a une équation budgétaire qui ne nous permet pas d’envisager de développement sur ces deux tranches. On le maintient, mais cela ne pourra pas être indéfini, car il y a un nombre d’épisodes limités.

« Je ne peux que regretter le choix de TF1. The Voice et L’Eurovision se sont un peu cannibalisés »

En septembre, France 3 a lancé sa propre « scripted reality » avec Si près de chez vous. Pourquoi avez-vous souhaité l’arrêter au bout d’une seule saison ?

On préfère parler de « fiction de day time », car la « scripted » comprend un peu tout. Je n’ai aucune gêne par rapport à ce programme, la valeur de production qu’on a pu proposer aux téléspectateurs était bonne. En revanche, les résultats ne sont pas suffisants compte tenu de l’investissement fait sur ce créneau. Ce dernier représentait quasiment le quadruple de ce qu’on mettait en acquisition sur cette case l’année précédente.

Cette saison, France 3 a proposé un quatrième jeu avec Harry, présenté par Sébastien Folin. Êtes-vous satisfait des résultats de ce nouveau programme ?

On est à 9.4% de part de marché depuis le début de la saison, nous sommes heureux de ces résultats et le jeu sera de retour la saison prochaine.

Partie 5 : Les objectifs de France 3 pour la saison à venir


Comptez-vous développer un cinquième jeu, au vu du succès de votre offre dans ce domaine ?

Non, quatre est un chiffre qui nous semble bien. Les gens étaient déjà un peu sceptiques sur le fait qu’on puisse enchaîner quatre jeux.

Des chiffres et des lettres a été une fois de plus avancé sur la grille de France 3, après avoir connu le même parcours sur France 2. Les fidèles du jeu doivent-ils s’inquiéter de son avenir ?

On a intention de le garder ! Des chiffres et des lettres, dans ce nouvel agencement, se retrouve sur son dernier créneau de diffusion sur France 2. Pour la chaîne, c’est une opération gagnante : Harry est au dessus de ce que faisait Des chiffres et des lettres sur ce créneau là, et Des chiffres et des lettres a également fait progressé la case du 16h10. On a fait le choix de placer Harry à cette heure-là, car c’est compliqué de lancer un nouveau programme alors que Des chiffres et des lettres est une marque très connue des téléspectateurs.

Depuis un an, France 3 ne propose plus de grands jeux d’été. Prévoyez-vous le retour de ce type de programme dans le futur ?

Si on trouve la bonne proposition éditoriale, pourquoi pas.

France 3 demande depuis longtemps à ne plus retransmettre les questions au gouvernement. Où en êtes-vous sur ce point ?

On n’y est pas. Le sujet relève du cahier des charges, donc il faut que les principaux intéressés soient d’accord. On considère que cela n’a plus grand sens de retransmettre ces séances aujourd’hui alors qu’il existe une chaîne gratuite qui le propose déjà (LCP, ndlr). Les discussions sont ouvertes, mais elles ne sont pas conclues, il y aura donc toujours des retransmissions à la rentrée le mardi, mercredi et jeudi.

« On a l’intention de garder Des chiffres et des lettres ! »

France 4 devrait prochainement accorder plus de place aux programmes jeunesse sur sa grille. Cela risque-t-il d’affecter les plages allouées aux dessins animés sur la Trois ?

Ce n’est pas prévu. Il est encore un peu tôt, car le projet de France 4 est en cours de finalisation et de budgétisation. Par ailleurs, France 3 a un accord avec le SPSA, le syndicat de l’animation, dans lequel il y a un volume minimum de programmes d’animation diffusés sur France 3 et France 5. On n’a pas prévu de diminution de nos créneaux jeunesse pour la rentrée. On ne peut pas savoir ce qui se passera ensuite.

Quel est votre objectif principal de résultat pour la saison 2013/2014 ?

Être autour des 9.5% de part de marché, qui est l’objectif qu’on a toujours affiché. Compte tenu de la redistribution naturelle du paysage audiovisuel, cela nous semblerait être une belle performance.