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Borgen > Rencontre avec le créateur Adam Price

Claire Varin
Publié le 08/02/2012 à 12:25 Mis à jour le 08/02/2012 à 15:09

Série très populaire au Danemark, Borgen fera l’évènement sur Arte à partir du 9 février 2012. La chaîne franco-allemande et éminemment européenne est « fière » de l’acquisition de cette série politique, mettant en scène une femme Premier Ministre. Venu à Paris présenter la saison 1, le créateur Adam Price évoque son travail, ses influences, son actrice, et l’accueil de la série par le public.

Pourquoi avoir choisi une femme pour incarner le Premier Ministre ?

Adam Price : J’ai voulu créer un personnage sympathique et le jeter dans un monde mené par l’ambition. Nous continuons de penser que les femmes sont davantage liées à une vie de famille que les hommes. Cela aurait été moins intéressant de voir un homme délaissé sa famille, sa vie amoureuse, son mariage, etc. Puisqu’ils font cela depuis dix mille ans. L’évolution de ce personnage tout au long des dix épisodes est ainsi plus douloureuse, plus dramatique et permet de jouer sur une palette d’émotions plus grande.

Pouvez-vous nous parler de l’actrice principale Sidse Babett Knudsen, qui très populaire au Danemark ?

Pour chaque nouvelle série, il est important de faire un mixte dans le casting. Ainsi, nous avons des acteurs populaires et d’autres moins connus. Concernant le choix de Sidse Babett Knudsen, nous voulions un personnage au milieu de la quarantaine et nous avions besoin d’une très bonne actrice pour l’incarner. Il nous fallait un visage connu du grand public. Sidse est surtout connue pour des rôles de comédie. Je crois que ce rôle représentait un changement important dans sa carrière. Et elle est très respectée pour son travail sur Borgen. Elle propose de nouvelles choses à travers son jeu et je crois que c’est en partie dû à son expérience dans la comédie.

Le Danemark a élu une femme au poste de Premier Ministre. Pensez-vous avoir eu une influence sur le peuple danois ?

Helle Thorning-Schmidt était déjà la dirigeante du parti social-démocrate. Au Danemark, celui qui était à la tête du parti devient toujours candidat au poste de Premier Ministre. Historiquement, c’est le plus grand parti du pays. Ces cent dernières années, il a construit la démocratie moderne danoise. Madame Thorning avait donc une chance. Sans compter que certains de nos pays voisins, comme la Norvège et l’Islande, ont déjà élu des femmes à la tête de leur gouvernement. Le Danemark était prêt pour élire une femme. Je ne dirais donc pas que Borgen ait eu une influence. Mais, par chance, la série est souvent proche de ce qu’il se passe dans la réalité de la vie politique danoise.

Comme votre héroïne, Helle Thorning-Schmidt est mariée et a deux enfants. A-t-elle été un modèle pour le personnage ?

Non, elle ne l’a pas été particulièrement. Je voulais un personnage ayant une vie normale, avec une vie de famille. Et un grand nombre de nos femmes politiques sont dans ce cas. D’autre part, nous ne voulions pas d’un Premier Ministre du parti Social Démocrate parce que cela aurait été trop évident. J’ai pensé qu’il serait plus intéressant de choisir un plus petit parti politique, qui arrive au pouvoir presque par chance ou par accident et de voir comment cette femme réagit à cette conquête du pouvoir. Elle est confrontée à des choses qu’elle n’avait jamais connues au cours de sa carrière politique. Tout d’un coup, elle doit prendre les décisions pour le Danemark.

Avez-vous eu des réactions de la part des politiciens danois ?

Leurs réactions ont été très positives. Les critiques sont typiquement venues des analystes, qui ont dit que la vie politique n’était pas comme ça. C’est vrai, mais nous faisons une série dramatique, pas du documentaire.


Avez-vous reçu l’aide de spin doctors pour écrire le scénario ?

Nous faisons beaucoup de recherches pour la série. En général, nous choisissons quatre ou cinq cas de scandales ou d’affaires réels pour les mélanger entre eux. Ce n’est donc pas une dramatisation de conflits réels, mais ce que l’on voit dans la série est inspiré d’événements réels. Nous avons de très bons documentalistes. Et le responsable du service politique au sein de la rédaction de l’information de DR1 est un peu l’oncle diabolique de la série (rires). Nous le consultons, parfois nous adaptons le scénario à ses remarques et d’autres fois, nous ne changeons rien, car la dramaturgie le demande. Les personnages et le drame dirigent la série et la réalité s’adapte.

La série A la Maison Blanche d’Aaron Sorkin est souvent citée comme une de vos inspirations. Pouvez-vous nous dire en quoi ?

Nous sommes inspirés par toutes les séries de grande qualité, qui proposent de raconter des histoires de manières nouvelles et fascinantes. À la Maison Blanche est l’une d’entre elles, mais nous sommes aussi inspirés par Mad Men ou The Wire. Notre inspiration consiste surtout à dire c’est du très bon travail, faisons autre chose. Nous ne voulons pas faire la même chose. À la Maison Blanche est très différente dans sa structure. Grossièrement, on peut dire que cette série parle d’une équipe de football où chacun joue pour le Président. Tandis que la nôtre parle des trois colonnes de la démocratie moderne : les politiciens, le système et les journalistes.

Borgen rencontre un grand succès. Pensez-vous que la politique est un sujet qui intéresse davantage les gens aujourd’hui ?

Nous vivons dans une période politique troublée. La crise économique a une incidence sur nous tous. Cela nous fait réfléchir sur ce qui a bien pu aller de travers et notre série soulève des questions. Cependant, il était important pour nous de ne pas suivre une politique particulière. Nous ne sommes pas supposés être de gauche ou de droite, nous laissons donc tous les points de vue s’exprimer. Mais, bien sûr, la droite nous a accusés d’être de gauche et l’extrême gauche d’être de droite. Une étude a démontré que Borgen n’avait pas influencé les gens sur leur position politique, mais que la série avait accru leur intérêt en la matière. Je dois dire que c’est une fierté.

Certaines séries danoises, comme Borgen ou The Killing rencontrent un succès international. Avez-vous une explication à cela ?

C’est le fruit d’une ambition. Depuis quinze ans, le département des fictions de la chaîne publique demande une qualité égale entre la télévision et le cinéma. Et le talent des réalisateurs s’est bonifié ces dernières années. Les cinéastes font un film puis réalisent un ou deux épisodes d’une série et retournent dans l’industrie cinématographie. Ce vase communiquant est une bonne chose. Les réalisateurs viennent avec leur chef opérateur. Cela a amélioré la qualité esthétique des séries, qui sont vendues dans de nombreux pays depuis quelques années. La règle est aussi de donner le plus de liberté possible aux scénaristes. Ils n’interfèrent pas en suggérant ce qui doit être fait. Néanmoins, je pense que Borgen leur a parfois rendu nerveux de par son contenu politique.

Les Américains via NBC pourraient faire un remake de Borgen, allez-vous garder un œil sur ce projet ?

Nous sommes en interaction avec la production et l’équipe de créatifs. Ils ont réuni une équipe de scénaristes de qualité, qui ont travaillé sur Friday Night Lights. J’ai un très grand respect pour leur travail. C’est un honneur qu’ils fassent un pilote.