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Bruno Henriquet (FremantleMedia) : « J’espère que W9 nous demandera de faire un prime de Séduis-moi si tu peux »

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Directeur exécutif en charge des contenus
Publié le 15/07/2014 à 15:59 Mis à jour le 24/07/2014 à 14:51

Après un passage sur M6 et à la direction de la Création chez Fremantle Media (L’Amour est dans le pré, Question pour un champion, Nouvelle Star,…), Bruno Henriquet devient Directeur General en charge du développement et des programmes France du géant de l’audiovisuel dès 2013. Attaché à la création française, il est revenu pour Toutelatele sur les succès du groupe à l’occasion du lancement de la deuxième saison de Séduis-moi si tu peux sur W9.

Benjamin Lopes : Vous allez proposer une saison 2 de Séduis-moi si tu peux sur W9. Le programme a permis à la chaîne d’être la plus regardée par les moins de 25 ans dans sa tranche horaire à la rentrée 2013 avec 14.7% de part de marché. Quelles sont les clés du succès de ce format selon vous ?

Bruno Henriquet : Tout d’abord sa simplicité. C’est le format de dating qui se rapproche le plus de la réalité. Quand quelqu’un discute à une soirée et qu’une personne entre dans la pièce, il la regarde de loin et il la jauge sur son physique, sur la manière dont elle est habillée et dont elle se comporte. C’est très injuste, mais on le fait tous. La scène d’ouverture de Séduis-moi si tu peux est identique et présente l’avantage d’avoir la certitude que l’homme en question est véritablement célibataire. Finalement, on a juste mécanisé le processus de séduction.

Comment est née cette émission au sein de Fremantle ?

L’Australie est le premier pays à avoir diffusé ce format, mais l’idée est née en France. Malheureusement, ça n’a pas marché sur ce premier territoire, mais cette exportation a permis à Séduis-moi si tu peux de voir le jour ensuite au Danemark, en hebdomadaire. L’émission a alors connu un large succès. Après les Pays-Bas, l’Angleterre a emboité le pas avec une programmation en prime time sur ITV. Plus de quinze pays ont finalement adapté le format. W9 a, quant à elle, commandé une deuxième saison, avec encore plus d’épisodes, preuve de son succès.

Pourquoi les chaînes françaises ont-elle eu du mal à miser dès le départ sur Séduis-moi si tu peux selon vous ?

La France est un pays qui a du mal à prendre des risques. Les dirigeants de chaînes préfèrent être rassurés. La crise n’a pas arrangé la situation. Des sociétés de productions ont essayé de créer des formats originaux avec des audiences souvent décevantes. Du coup, ce sentiment de sécurité a été exacerbé. Il a donc fallu pour nous, pays après pays, saison après saison, convaincre les dirigeants qu’il pouvait y avoir un intérêt à diffuser ce type de programme. Je ne désespère pas d’arriver à imposer une création française un jour à la télévision, avant son exportation.

N’avez-vous pas été quelque peu déçu de voir arriver le jeu en plein après-midi. À la base, vous l’a-t-on vraiment acheté pour une telle case ?

Je préfère sincèrement qu’on prenne notre temps, qu’on installe la marque et qu’on rassure le diffuseur dans un premier temps. Si on avait voulu installer cette nouvelle émission en prime time sur une chaîne qui n’a pas la même puissance que ITV (diffuseur en Angleterre, chaîne privée leader, ndlr), je ne suis pas sûr que ça aurait fonctionné. Notre position actuelle sur Séduis-moi si tu peux nous permet de procéder à beaucoup d’améliorations. On va trouver notre rythme de croisière et j’espère que W9 nous demandera de faire un prime time. Pour être totalement transparent, la première fois que j’ai vu l’horaire de diffusion, j’ai été un peu surpris et déçu. Les jours suivants, l’inédit était proposé après deux rediffusions et tout est rentré dans l’ordre. Je comprends aussi la logique de programmation qui consiste à protéger une nouvelle marque afin d’éviter des erreurs qui ont pu déjà être commises comme avec Yolo. C’est très difficile de passer après des formats qui sont installés depuis de nombreux mois.

« Aujourd’hui, nous démontrons que même les gros formats peuvent être adaptés et se positionner sur une chaîne de la TNT en France »

Pourtant, les moyens techniques et visuels mis en œuvre pouvaient permettre une diffusion en prime time. Le développement pour W9 a-t-il été conçu en ce sens ?

On a un budget à la base et on se doutait forcément de l’horaire à laquelle l’émission pouvait être diffusée. On adapte la voilure de la production en fonction de ce budget. Je pense que Fremantle a longtemps été considérée comme une société de production qui coûtait trop cher et qui ne pouvait servir que les grandes chaînes avec des formats extrêmement puissants. Aujourd’hui, nous démontrons que même les gros formats peuvent être adaptés et se positionner sur une chaîne de la TNT en France. De plus, tout cela n’est pas réalisé au détriment de la qualité pour le téléspectateur. Après comme tout le monde, nous avons des succès et des échecs, mais notre savoir-faire a montré que Fremantle savait s’adapter à tout type de budget à partir du moment où nous sommes inventifs.

Peut-on espérer voir arriver des spéciales comme la « Over 50s Text Santa Special » (Spéciale plus de 50 ans) dans la version anglaise ?

Nous travaillons toujours sur des réflexions, après il faut que nos idées soient en phase avec celles de la chaîne. Nous cherchons les bonnes idées à proposer au bon moment. Des spéciales sont effectivement prévues. Nous sommes en discussion avec W9 et elles pourraient être proposées dès cette saison.

Partie 2 > Les nouveautés de Séduis-moi si tu peux / L’arrivée de Total Blackout


Quelles nouveautés va-t-on découvrir dans la saison de Séduis-moi si tu peux sur W9 ?

Nous avons pu prendre du recul puisque, sur la première saison, nous avions travaillé d’arrache-pied dans des délais assez courts, avec un budget réduit. On s’est rendu compte par la suite qu’on n’avait pas laissé assez de place pour les candidates. Le téléspectateur ne comprenait pas parfois pourquoi elles restaient ou partaient. On était vraiment dans un montage très rapide et dynamique. Sur cette saison 2, nous avons voulu donner un peu plus de clés d’entrée au public. On va en apprendre plus sur les filles, nous avons adapté la finale, on a plus d’interactions... Il y aura également des twists avec la possibilité, une fois de temps en temps, de partir avec une fille mystère pour des candidats qui ne seraient pas satisfaits des prétendantes restantes. On a essayé d’améliorer le casting et le décor a été légèrement modifié.

Les candidates sont souvent exubérantes. N’y a-t-il pas une certaine mise en scène derrière tout ça ?

Au départ, j’avais des réticences sur le succès de l’émission si on ne trouvait pas des candidates spontanées lors des castings. Je peux vous assurer que vu le rythme de tournage, nous n’avons pas le temps de briefer les participants. On leur demandait juste d’être vivants, réactifs et percutants, mais on ne leur a jamais soufflé quoi que ce soit de plus. Certaines candidates ont peut-être envie de se mettre plus en avant et jouent un jeu, comme dans la vraie vie. Le prisme de la caméra augmente ces détails, mais je vous assure qu’il n’existe aucune mise en scène par la production.

Jérôme Anthony recueille les commentaires des participants. A-t-il trouvé ses marques ?

Nous allons effectivement dans la tête des filles et elles expliquent leur choix, pourquoi elles décident ou non de continuer l’aventure. Après, au montage, on garde évidemment les interventions les plus pertinentes, celles qui apportent un plus pour le téléspectateur. On apprend ainsi au fur et à mesure quelles sont les choses à avouer dès le premier rendez-vous pour garder l’intérêt de la personne que l’on drague. Jérôme Anthony est très doué pour ça. Il a pris une ampleur encore plus grande sur cette deuxième saison. Il a désormais vraiment un rôle de grand frère. C’est vraiment quelqu’un de talentueux et il a fallu qu’il se détache de la mécanique pour pouvoir donner le meilleur de lui-même.

Vous développez un autre format pour W9, Total Blackout. Pouvez-vous nous en dire plus sur le concept ?

C’est un format international. Les candidats sont plongés dans un jeu un peu surprenant puisque tout va se passer dans le noir. Nous allons leur proposer des épreuves où la peur va être stimulée par ce biais-là. Les sens seront brouillés afin de faire jouer les candidats avec les autres. Ils s’affrontent ainsi pour être les derniers en lice et gagner une somme d’argent. Ça reste bon enfant et nous n’irons pas aussi loin que ce qui a pu être fait dans d’autres pays.

« Avec Total Blackout, nous n’irons pas aussi loin que ce qui a pu être fait dans d’autres pays »

Partout où Total Blackout a été diffusée, l’émission a très rapidement lassé . Avez-vous effectué des ajustements par rapport au format original pour que les audiences françaises ne suivent pas la même tendance sur W9 ?

L’avantage est que nous pouvons regarder ce qui a moins bien fonctionné à l’étranger. Notre but est de capturer la magie du départ comme tout le monde. C’est un véritable ovni et c’est pourquoi les succès ont été importants dès les démarrages à l’international. À nous de travailler sur la mécanique et sur la typologie du casting pour que cet intérêt ne diminue pas au fil des diffusions éventuelles sur la chaîne. Nous en avions pleinement conscience et on croise les doigts pour que qualitativement on surprenne les téléspectateurs à chaque émission. L’autre avantage d’avoir attendu c’est qu’aujourd’hui nous disposons de beaucoup plus d’épreuves différentes issues des différentes adaptations.

Il est rare de voir arriver des jeux de daytime sur la TNT. Ressentez-vous cette demande désormais ?

Toutes les chaînes se posent la question. Séduis-moi si tu peux a créé déjà une envie en montrant qu’il n’y avait pas que la télé-réalité feuilletonnante qui pouvait marcher. Une quotidienne bouclée et de qualité peut fonctionner comme nous l’avons démontré sur W9. Le jour où un jeu pur fonctionnera sur la TNT, toutes les concurrentes voudront s’y mettre et tant mieux pour nous, car Fremantle dispose d’un des plus beaux catalogues de jeux au monde.

Partie 3 > Quel avenir pour Mot de Passe, Une famille en or, Nouvelle Star et Incroyable talent ?


Des marques de jeux qui ont fait le bonheur des historiques pourraient-elles se retrouver aujourd’hui sur la TNT ?

Nous sommes ravis de travailler avec nos diffuseurs historiques avec Le juste prix sur TF1, Mot de passe sur France 2 tandis que Questions pour un champion va fêter ses 25 ans sur France 3. Maintenant, si d’autres chaînes, peu importe leur taille, nous font des demandes spécifiques, Fremantle y répondra avec plaisir.

Sur France 2, Mot de passe est, chaque année, menacé et pourtant le jeu réalise des performances honorables pour la chaîne. Avec l’arrivée de Pyramide, assez similaire, quel est l’avenir de ce format ?

Nous nous concentrons sur la production et nous laissons les dirigeants de chaîne faire leur choix. Fremantle s’adapte en fonction des décisions qui sont prises. Je suis assez confiant dans la qualité de notre programme et pour l’instant on est très fier de ce que l’on fait et en plus les chiffres le prouvent. À France 2 de prendre les bonnes décisions en fonction de leur stratégie.

TF1 a mis en veille le jeu Une famille en or. Est-il amené à revenir à l’antenne ?

Je ne pourrais pas vous répondre. C’est TF1 qui prendra une décision. Très régulièrement, les chaînes reposent les formats. TF1 change régulièrement sa grille et s’adapte à la concurrence. La stratégie a toujours été de changer, d’innover et de faire des salves.

Nouvelle Star reviendra sur D8 à la rentrée avec des votes gratuits pour une saison 3. Craignez-vous une nouvelle baisse des audiences ?

Toutes les équipes de Fremantle travaillent d’arrache-pied sur cette nouvelle édition avec D8 et des réunions sont organisées très régulièrement avec la chaîne. Il y aura également des nouveautés et des aménagements. Nous sommes très fiers des deux premières saisons. La première avait été un succès phénoménal, les scores de la deuxième nous ont un peu déçus, mais il y avait plusieurs paramètres à prendre en compte. À nous de nous remettre en question et d’amener le meilleur casting possible.

Dans la version américaine de La France a un incroyable Talent, produit également par Fremantle, le « golden buzzer » a été instauré cette saison. Il permet de repêcher un candidat éliminé. Pourrait-il arriver en France ?

Beaucoup de nouveautés pourraient arriver dans cette nouvelle saison, notamment des éléments déjà testés à l’étranger, mais aussi des idées franco-françaises. À l’heure actuelle, certains éléments n’ont toujours pas été validés avec la chaîne. Nous avons proposé énormément de nouveautés à M6 pour cette neuvième édition, le « golden buzzer » en fait effectivement partie.

« Nous avons proposé énormément de nouveautés à M6 pour la 9e édition de La France a un incroyable talent »

Fremantle développe également le divertissement L’imitateur de demain pour TF1. En quoi consiste ce programme ?

Nous sommes aux premiers stades de développement avec la chaîne. Ils nous ont fait la gentillesse de mettre un appel à candidature sur leur site. On réalise donc le casting et continuons en parallèle à discuter ave TF1 et à leur proposer des choses.

Vous avez été pendant 5 ans Directeur de la création chez Fremantle, quelle est l’émission dont vous êtes le plus fier ?

Mon inconscient est bloqué sur Séduis-moi si tu peux (rires). L’avantage de travailler dans une structure comme Fremantle est de pouvoir répondre à des appels d’offre variés comme Non Stop Joe qui avait été diffusé en exclusivité sur SFR et MTV (en 2008, ndlr). Les internautes pouvaient alors choisir l’activité que la personne allait faire en direct à l’heure d’après. Nous avons réussi à faire comprendre aux gens qu’ils pouvaient aller sur internet, avec au final plus de 250 000 connexions à l’époque. Nous faisons également des programmes extrêmement qualitatifs comme Invictus Awards pour le site de Paco Rabanne, qui a été satisfait des résultats puisqu’une deuxième saison a été commandée. Je suis fier de la manière dont Fremantle produit les programmes. Je voudrais cependant que la France soit un pays où l’on prend un peu plus de risques sur la création, mais il faut bien avoir des rêves (rires).