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Dan Franck (Résistance) : « Je ne voulais pas raconter une fiction pure »

Claire Varin
Publié le 02/06/2014 à 20:00 Mis à jour le 05/06/2014 à 23:07

A l’occasion de la diffusion de Résistance, sur TF1, Dan Franck revient sur l’écriture de cette mini-série historique. Le scénariste et romancier évoque également son expérience sur Les Hommes de l’ombre et ses deux projets de séries pour France 3 et Arte.

Claire Varin : Résistance est une idée d’Ilan Goldman. En quoi le sujet vous a-t-il intéressé ?

Dan Franck : Je trouvais que l’idée originale de raconter la Résistance du point de vue des jeunesses était quelque chose d’assez nouveau. C’est une vraie réflexion sur l’engagement et sur l’héroïsme. Ce sont des choses qui m’intéressent. Et puis, je rentre tout de suite dans les personnages. J’ai écrit cette série comme un livre. Il y a des règles scénaristiques, comme le cliffhanger, quand vous faites une série. Ce sont les mêmes règles que le roman populaire du XIXe de Gautier, même de Balzac. Il tirait à la ligne alors que le scénario est, au contraire, dans la concision, mais le truc était d’amener son lecteur au prochain numéro. C’était des feuilletons quotidiens. Pour moi, la télévision fait très bien ce que faisait naguère la presse populaire.

Ce projet a-t-il été long à voir le jour ?

J’ai commencé en 2006 avant d’arrêter et de mener beaucoup d’autres projet. Il y a le temps de l’écriture, qui peut être finalement assez rapide, mais il y a un temps aussi de maturation et de connaissance, qui est beaucoup plus long. Or, il se trouve que c’est une période que je connais pas si mal, parce que j’ai écrit trois ou quatre livres dessus. Il fallait mettre en ordre et que je fasse un choix dans toutes ces histoires.

Vous inspirer de vies réelles vous a-t-il semblé être une obligation ?

Je ne voulais pas raconter une fiction pure. Il y a des personnages qui sont inventés, comme Lili. Mais, ils prennent tous des bouts de vie, qui sont arrivés aux uns et aux autres. Je me suis obligé à un réalisme. Et le réalisme est dans le réel.

Pouvez-vous parler de votre choix d’avoir une héroïne ?

J’avais fait pareil sur Les Hommes de l’ombre. J’avais écrit pour Nathalie Baye. J’ai envie de parler des femmes. On est dans un monde très masculin. Le pouvoir, la violence, c’est très masculin tout ça. La compagnie des femmes m’intéresse davantage. J’ai d’autres projets où ce sont encore des femmes. Quand j’ai fait Les Hommes de l’ombre, on m’a demandé pourquoi. J’avoue que je ne m’étais pas posé la question. C’est comme ça.

Précédemment, vous aviez surtout travaillé avec France Télévisions et Canal+. Est-ce différent de travailler avec TF1 ?

Le choix des sujets éventuellement... On propose tel sujet à telle chaîne ou telle autre. Mais après dans le traitement, c’est pareil. Je ne fais pas de différence. TF1 n’avait pas fait de film sur le sujet depuis longtemps. Et tant mieux s’ils le font. C’est quand même une ouverture. Je n’ai aucune censure de rien. On a eu des discussions artistiques, c’est tout.

« J’ai envie de parler des femmes. On est dans un monde très masculin »

La mini-série s’est-elle imposée ou avez-vous eu une réflexion sur la possibilité de faire une série plus longue ?

J’aurais préféré huit épisodes. Mais on ne pouvait pas pour des raisons multiples. Par exemple, là, il manque le maquis. J’avais écrit le maquis. Mais on n’aurait pas pu le faire. Puis au bout d’un moment, on oublie ce que l’on a enlevé.

Il y a beaucoup d’ellipses dans Résistance. N’avez-vous pas envisagé de resserrer l’histoire sur la dernière année et la Libération de Paris plutôt que de couvrir les quatre années d’Occupation ?

Le sujet de départ était toute la guerre. C’était obligatoire. Donc on n’a pas eu ce débat. Rien ne m’intéresse plus que ce que j’ai mis là. C’est-à-dire comment les jeunes grandissent dans cette Résistance. Je suis très attaché au réseau du Musée de l’Homme parce que c’est l’un des premiers et que ce sont des artistes et des intellectuels. Je suis très attaché à ces jeunes parce que l’on n’en parle pas. Il faut un énorme courage pour prendre une arme et abattre un Allemand. Et puis, ce sont des destins tragiques.

Vous êtes-vous mis des limites dans la manière de raconter et de montrer l’escalade de la violence ?

On ne voit pas de torture. On voit des coups, mais pas plus. Je n’ai jamais voulu faire ça. Quand j’avais fait Jean Moulin avec Charles Berling, j’avais refusé aussi. Ça ne m’intéresse pas de montrer la torture. Je trouve ça dégradant. Je préfère le suggérer. Ça ne me dérange pas qu’on les voie après, quand ils sortent ensanglantés ou avant, quand ils ont peur. D’ailleurs, ils en parlent. Mais je n’ai pas envie de voir la boucherie. Je n’ai pas envie de l’écrire, donc je ne l’écris pas.

Les acteurs ont dit que c’était important pour eux que vous soyez sur le plateau et qu’ils avaient envie de vous satisfaire. Etait-ce important pour vous d’être présent ?

C’est très mignon. Je suis très attaché à ces acteurs. Ils sont formidables. C’est une période qu’ils ne connaissent pas. J’étais comme un grand frère dans tout ça. Je tiens beaucoup à cette histoire et je ne voulais pas qu’il y ait de ratages. On a changé de metteur en scène en cours de route. Là, ma présence était obligatoire.

Avez-vous envie d’être présent sur le plateau lors de vos prochains projets ?

Oui, la prochaine fois, je pense que je le demanderai. Mais c’est surtout la préparation qui est très importante. L’auteur doit être là pour la préparation et au montage. C’est deux moments où c’est important.

Partie 2 > Dan Franck revient sur Les Hommes de l’ombre et ses projets


Etes-vous satisfait du résultat de Résistance ?

Je suis très content. Les acteurs sont formidables. Le metteur en scène aussi. La production est inouïe de compétences et de générosité. C’était une épreuve sportive assez dure, mais très riche. Dense, mais belle.

Concernant les participations de Richard Berry, Isabelle Nanty et Fanny Ardant, était-ce une histoire entre la production et TF1 ?

On en a parlé aussi beaucoup. C’est Adjani qui devait venir, elle n’a pas pu. On a beaucoup échangé avec elle. Je la connais un peu. Ils ont mené leur truc. Moi, j’ai beaucoup discuté avec Isabelle Nanty sur le rôle du bordel. C’était une respiration dans cette série, mais je ne voulais pas que ça vire à la comédie. Donc, on a beaucoup discuté. C’est une actrice merveilleuse.

Peut-on évoquer l’expérience des Hommes de l’ombre et votre non-participation à la saison 2 ?

Je suis en deuil des Hommes de l’ombre. Mais c’est bien de renouveler les équipes. J’ai adoré écrire la saison 1. Je me suis entendu merveilleusement bien avec Fred Tellier et la production.

Mais on imagine qu’en tant qu’auteur, c’est bien de pouvoir accompagner sur une seconde saison des personnages que l’on a créés...

Je n’ai pas voulu le faire. C’est mon choix. Un choix pas facile. J’ai envoyé une lettre de démission de trois pages tellement ce n’était pas facile.

On se félicite parfois de voir que la frontière entre la télévision et le cinéma se gomme. Mais finalement, était-ce vraiment étonnant que Nathalie Baye refuse de faire cette saison 2 ?

Nathalie a toujours été très claire. Je suis devenu très ami avec elle. Nathalie tient beaucoup à sa liberté et elle ne tenait absolument pas à être régentée dans une série, en faisant deux, trois, quatre saisons.

Changer l’actrice plutôt que le rôle était une possibilité...

C’était une possibilité. Et je pense que je serais resté si l’on avait décidé de remplacer Nathalie par quelqu’un d’autre. On a pensé que ce serait comme ça. Puis, la décision a été prise de changer et de faire gagner l’autre candidat. C’est là où je suis parti. J’avais tout écrit.

« Je suis en deuil des Hommes de l’ombre »

Regarderez-vous cette saison 2 ?

Évidemment ! J’ai inventé des personnages. C’est un peu mon enfant donc, bien sûr que je vais suivre ça. Et je suis sûr que ce sera bien.

Quels sont vos projets ?

Je finis un roman, qui s’appelle La société et qui sera publié en octobre. C’est l’histoire d’un type, un ancien scénariste, qui vit dans un local à vélo et qui raconte ce qu’il voit. La série, Avec le temps, pour France 3 vient de s’achever. C’est l’histoire de trois jeunes filles dans les années 75 qui vivent dans le Nord. On raconte l’histoire cette génération. Et j’ai une autre série, un 6x52 minutes, pour Arte, qui est l’adaptation de trois de mes livres, Les aventuriers de l’art moderne, sur des artistes entre Bateau-Lavoir, Montparnasse et Montmartre à la fin de la guerre. C’est un documentaire créatif avec un atelier de dessin à Angoulême. Il y a une grosse équipe. C’est formidable.

Adapter ses propres romans, est-ce plus simple ou plus compliqué ?

Écrire un scénario et écrire un livre, ce n’est pas la même chose, c’est incontestable, mais c’est de l’écriture d’abord. Je n’écris pas quand je ne connais pas. Donc quand ce sont mes livres, je suis sûr de connaître le sujet.

Quelles sont les différences entre les deux exercices ?

L’écriture du roman est beaucoup plus dangereuse. Pour moi, c’est comme une patinoire. Je peux aller dans tous les sens, me casser la gueule deux-cent-cinquante fois avant de trouver une espèce de truc qui peut éventuellement être un genre de sillage. Et on est toujours tout seul. Alors que le scénario est souvent une oeuvre collective. Je parle beaucoup avec les producteurs. Et le film, c’est un sujet. Il faut être très concis. Un scénario refusé, c’est une idée qui meurt. On passe à autre chose. Un roman, c’est beaucoup d’efforts et de découragements.