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Emma Colberti (Un si joli mensonge) : « Il y a 20 ans, être une fille avec de grands yeux verts et être drôle, ça n’était pas possible »

Claire Varin
Publié le 28/05/2014 à 18:43 Mis à jour le 28/01/2015 à 11:16

Lors d’une interview accordée à Toutelatele, en avril 2014, Emma Colberti a évoqué son personnage dans la comédie Un si joli mensonge, diffusé le 28 mai sur France 2. L’actrice de 41 ans est revenue plus longuement sur les séries, qui ont traversé sa carrière. D’Extrême Limite à Famille d’accueil, en passant bien sûr par Jamais deux sans toi...t, Jeff et Léo, et La (nouvelle) Maud.

Claire Varin : En quoi le projet Un si joli mensonge vous a-t-il intéressé ?

Emma Colberti  : J’ai été très attirée par ce scénario parce que le thème principal de la ménopause est assez peu traité dans la fiction française. Corinne Touzet interprète une femme de 50 ans. Mon personnage a 40 ans et celui de ma fille a 20 ans. Et il y a aussi Anémone, qui est la grand-mère. On est sur quatre générations avec leurs étapes de vie différentes. C’est drôle et émouvant à la fois. Le thème comique vient avec le personnage de Corinne Touzet, qui a tous les symptômes de la préménopause. Elle a rencontré un homme plus jeune qu’elle, dont elle est amoureuse. Et elle lui fait croire qu’elle est enceinte. Elle n’ose pas lui annoncer qu’elle rentre dans l’âge de la ménopause parce qu’elle a peur de le perdre. Pour une femme, c’est une période certainement difficile.

Comment définiriez-vous votre personnage ?

C’est une femme extravertie et un peu futile, qui est prof de Zumba. Elle est surtout dans un moment de sa vie où elle a très peur de vieillir. Sa fille a 20 ans, elle est belle comme un soleil et l’avenir devant elle. Mon personnage est vraiment tout ce que je ne suis pas. Elle se regarde tous les jours dans le miroir, elle a vraiment peur de la vieillesse et de la première ride. Pour elle, la ménopause, c’est presque une maladie. Il ne faut surtout pas en parler. Il y a une scène - que j’ai adoré tourner - où son mec la largue et elle se regarde pleurer dans le miroir. Elle s’admire dans le drame. C’est assez jouissif d’aller aussi vers ce genre de personnage.

La vieillesse vous préoccupe-t-elle en tant que comédienne ?

J’accepte la vieillesse dans l’aspect corporel. Combien de fois m’a-t-on dit : « Fais-toi opérer des poches sous les yeux, mets-toi un peu de Botox ici parce que tu as la ride du lion » ? Non, je n’irai pas. L’actrice italienne Anna Magnani avait dit : « Ne touchez pas à mes rides, j’ai mis tant d’années à les obtenir. » Je trouve ça assez beau et juste. Il y a des changements métaboliques contre lesquels on ne peut pas lutter. Je me rends compte que je vieillis à travers mon fils. Je l’ai eu très jeune. Maintenant, c’est un homme. Il me ramène au temps qui passe. Et il passe très vite !

Comment s’est passé ce tournage avec Corinne Touzet ?

On n’avait jamais tourné ensemble, et ça s’est super bien passé. L’équipe était vraiment géniale. C’est la première fois que je tournais à Lyon avec des acteurs lyonnais et ils sont formidables. J’avais déjà tourné avec Alain Schwarzstein, il y a fort longtemps, sur Nestor Burma. C’est un réalisateur que j’adore. Il est de la vieille école. Il est très fédérateur. Et c’est quelqu’un qui aime les femmes. Il a d’ailleurs écrit ce scénario avec son épouse, Florence Aguttes.

Ces dernières années, vous avez beaucoup tourné pour France 3. Est-ce un hasard ou vous reconnaissez-vous dans la ligne éditoriale de la chaîne ?

C’est arrivé par hasard, mais j’en suis ravie. Bien que j’ai aimé travailler avec TF1 et M6, j’avais envie de travailler avec France Télévisions.

« J’aimerais aller vers plus de vérité, parfois »

La (nouvelle) Maud a parlé de l’homosexualité chez les adolescents. Dans Famille d’accueil vous interprétiez une femme en couple avec une autre femme. Cette visibilité sur le service public, en l’occurrence France 3, vous semble-t-elle importante ?

C’est vrai que sur le service public, on va aborder des sujets de société dont il faut parler. Ces derniers temps, l’homosexualité a été mise en avant et c’est tant mieux. Et c’était formidable que l’on parle de l’homosexualité féminine parce qu’on en parle moins que l’homosexualité masculine. Elle est plus tabou. C’est pour cette raison que j’ai accepté le rôle dans Famille d’accueil. J’avais envie d’explorer ça en tant que comédienne. C’est important de l’aborder et d’en être témoin aussi. D’autant plus, si on ne l’est pas dans sa vie. Après, on est sur une série assez familiale. Ça reste soft.

Vous avez joué un personnage dans Falco, qui était aussi une lesbienne...

J’ai eu ma période (rires). Peut-être aussi que les directeurs de casting se disent : « Tiens, elle fait un rôle d’homosexuelle dans une série. Tiens, j’ai un rôle dans Falco, c’est une homosexuelle, je vais la rencontrer en casting ». Ils font le lien. J’admire des actrices comme Léa Seydoux et Adèle Exarchopoulos d’avoir fait les scènes d’amour qu’elles ont faites dans le film d’Abdellatif Kechiche. J’ai adoré La vie d’Adèle. J’aime vraiment comment Kechiche pose sa caméra. Il sait prendre l’essence et les sens d’un comédien. C’est dingue la manière dont il les retranscrit à l’image. Quand Adèle mange ses spaghettis à la bolognaise, c’est beau. Il y a une forme de sensualité. Quand Adèle pleure et que sa morve coule, je trouve ça beau. C’est dans la vie, c’est vrai. À la télé, le nombre de fois où j’ai entendu : « Remets ta mèche, on ne voit pas ton œil ». Il ne faut pas toujours essayer d’améliorer la vie et de rendre les gens plus beaux que ce qu’ils sont. J’aimerais aller vers plus de vérité, parfois.

Vous avez tourné plusieurs fois avec Olivier Sitruk pour M6. On pense notamment à la série Jeff et Léo, flics et jumeaux...

On s’est rencontré sur cette série. C’était la période où M6 faisait de la fiction. C’était une jolie expérience. Elle aurait été faite aujourd’hui pour une chaîne comme France 2, elle aurait fonctionné. Après, il y a des choses qui échappent au raisonnement du public, mais nous, on sait à peu près pourquoi ça s’est arrêté de façon abrupte. C’est dommage parce que c’était une jolie série. Il y avait quelque chose de très anglais dans la proposition. On commençait à aborder des personnages qui avaient un défaut. Ça apporte une ampleur dramatique à une série et c’est important.

Partie 2 > De La (nouvelle) Maud à Jamais deux sans toi...t


Pouvez-vous revenir sur l’arrêt de La (nouvelle) Maud ?

On était tous vraiment tristes que ça s’arrête. J’ai eu un plus gros coup de cœur pour la saison 1 que pour la saison 2. C’était réalisé différemment. C’était autre chose. Là où je suis triste, c’est quand on ne laisse pas une chance à une série d’exister.

En quoi la saison 2 vous a-t-elle semblé moins réussie ?

Quand on lance une série, on ne sait pas trop où l’on va, ni quel sera le résultat. Il y a donc une forme de spontanéité et de fraîcheur dans une première saison. Et après, on cherche à améliorer des choses, qui ne sont pas forcément des défauts et on veut tellement améliorer que l’on perd l’âme. Le plus important dans une série, c’est le scénario et le jeu des comédiens. Le public veut voir des personnages, et qu’on lui raconte une histoire. Après, que la lumière soit sublime, c’est la cerise sur le gâteau.

Comment est née votre envie d’être actrice ?

Ma mère était très cinéphile. Enfants, avec ma sœur, on regardait souvent les films qu’elle enregistrait sur VHS. Tout est venu du film Trapèze avec Burt Lancaster, Tony Curtis et Gina Lollobrigida. En voyant ce film, j’ai dit à mes parents : « Je veux être trapéziste ». Ils m’ont alors inscrite à l’école du cirque. J’y suis restée deux ans. À l’époque, il fallait commencer par la danse classique et apprendre les figures au sol avant de monter au trapèze. Je n’ai pas eu la patience. Et puis, un jour, j’ai voulu faire ma Lollobrigida, je suis montée et je me suis fait engueuler. J’étais tellement orgueilleuse, surement, que j’ai décidé de ne plus y aller. Mais j’ai toujours gardé en moi, même si je n’ai pas connu ce cirque-là, un amour pour les gens du voyage. Après cette expérience, j’ai continué la danse. Puis, j’ai pris des cours de théâtre à 9 ans. À 14 ans, je me suis inscrite au cours Florent. Grâce au cours Florent, j’ai rencontré mon premier agent, qui m’a fait tourner. Et tout a démarré comme ça.

Quels souvenirs gardez-vous de vos expériences dans Premiers baisers et Extrême limite ?

Parfois, je croise des gens qui me parlent de Premiers baisers, mais j’ai oublié cette expérience. En revanche, je me rappelle d’Extrême Limite parce qu’il y avait Marion Cotillard. On avait une scène ensemble. On avait presque le même âge. Et je savais dans mon for intérieur que cette fille allait devenir une star. Je me demandais même ce qu’elle faisait là ! Il se dégageait un truc d’elle vraiment fort. Une espèce de sécurité et d’aplomb dans le travail aussi.

« J’ai dû retirer Jamais deux sans toi...t de mon CV »

Et Jamais deux sans toi...t, cela vous ennuie-t-il que l’on vous en parle encore ?

Pas du tout. Mais ça m’embête quand on dit que c’était AB Productions. Quand j’étais enceinte de mon fils, je regardais Le miel et les abeilles et ces trucs-là. Je commençais déjà à être attirée par les séries. Et je me disais : «  Quel dommage, c’est tellement pas bien ». En soi, le produit était intéressant, mais ce n’était pas exploré. Quand ce projet de sitcom m’a été proposé, ma première question était « Est-ce AB ? » Je ne voulais pas travailler avec eux. Alors, j’ai rencontré le réalisateur. Et puis, c’était écrit par Éric Assous, qui est un auteur de théâtre. Ça a amené beaucoup de choses. Je leur ai dit que j’acceptais le projet seulement si en face de moi, il y a de vrais comédiens. Donc, il y a eu Stéphanie Lagarde et Xavier Vilsek. La seule personne qui n’avait jamais travaillé était Franck Neel. Mais il y avait Axelle Abbadie, que j’ai retrouvé dans Famille d’accueil, Pascale Roberts, Mike Marshall... Plein d’acteurs sont venus faire des guests. C’est une sitcom qui a un peu changé la donne. On a adoré la faire. C’était vraiment un travail de troupe. Quand il a été question que l’on fasse une autre saison, mon agent avait demandé une petite augmentation, qui avait été acceptée. Et j’avais dit aux producteurs qu’il fallait augmenter tout le monde. Ce n’est pas passé. Je crois que j’avais arrêté pour ça.

L’après Jamais deux sans toi...t a-t-il été violent ?

Ça m’a pénalisée en tant que comédienne parce qu’à l’époque, il n’y avait que des sitcoms AB Productions. Et si vous étiez un acteur de sitcom, vous étiez un mauvais acteur. J’ai dû retirer Jamais deux sans toi...t de mon CV. Quand on disait « sitcom », la petite étincelle dans le regard des réalisateurs s’éteignait. Et moi, je ne comprenais pas parce que je défendais le projet. J’étais fière. Jamais deux sans toi...t m’a donné de la reconnaissance et m’a permis de travailler. Et ça m’a appris beaucoup de choses. Après, j’ai voulu casser mon image de blondinette en allant vers des personnages plus dramatiques. Et c’est ce qui s’est passé. Ce n’est que récemment avec Famille d’accueil que des gens du métier ont vu que je pouvais être drôle. Alors que c’est mon premier registre. Mais j’ai dû l’abandonner. Il y a vingt ans, être une fille avec de grands yeux verts et être drôle, ça n’était pas possible. Aujourd’hui, c’est différent. Mais je ne regrette pas du tout. Je n’ai jamais regretté aucun de mes choix.