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France 5 : bilan de la saison avec Pierre Block de Friberg, directeur de l’antenne et des programmes

Robin Girard-Kromas
Publié le 20/06/2013 à 12:54 Mis à jour le 01/07/2013 à 14:58

Directeur des programmes de France 5 depuis 2010, Pierre Block de Friberg a su installer et construire une grille stable et performante, comme le soulignent les belles audiences de la chaîne dans un univers toujours plus fragmenté. Après avoir débuté comme stagiaire deux décennies plus tôt, ce dernier poursuit son histoire d’amour avec France 5 en abordant la rentrée 2013. Pour Toutelatélé, il aborde les premiers enjeux de la saison à venir. Entretien.

Robin Girard-Kromas : France 5 affiche 3.4% de part de marché depuis le début de l’année 2013, une performance en très légère baisse sur un an. Comment l’analysez-vous ?

Pierre Block de Friberg : Si on peut parler de légère baisse au regard de la maigre amplitude de celle-ci... On sort d’une année électorale, forte en termes d’évènements politiques, qui a porté beaucoup de nos magazines d’actualité. Il ne faut pas non plus oublier que le paysage audiovisuel continue à grandir avec D8 et les six nouvelles chaînes de la TNT. Et je trouve que France 5 est d’une grande stabilité dans cet univers mouvant.

La chaîne a-t-elle toujours un potentiel de progression ?

Évidemment. Sur la saison 2012/2013, nous effectuons une progression de 16% sur les prime time de la chaîne. On a des cases qui ne cessent de progresser. Je suis confiant, on a fait une très jolie saison 2012 et je pense que celle-ci sera aussi belle, notamment cet été sans la concurrence des grands évènements sportifs et avec beaucoup d’inédits de notre côté. On avance sur une rentrée audacieuse, malgré les difficultés diverses et variées qui pèsent sur France Télévisions, notamment budgétaires. Nous continuons donc notre travail d’éditorialisation de la grille.

Comment les réductions budgétaires impactent-elles France 5 ?

Il ne faut pas se leurrer, les contraintes financières pèsent sur notre chaîne comme sur les autres du groupe. En période de crise, c’est logique. Comme toutes les chaînes de France Télévisions, nous avons des coûts de grille en légère baisse et cela nous force à faire des choix. Lorsqu’on n’a pas d’argent supplémentaire, nous redéployons nos ressources.

« France 5 est d’une grande stabilité dans cet univers mouvant »

Ce redéploiement se traduit-il par les arrêts de C’est notre Affaire et 19h Paul Amar ?

Ces émissions ont rendu service à la chaîne pendant plusieurs années, mais si on veut évoluer et renouveler notre proposition aux téléspectateurs, il est logique de venir avec de nouveaux programmes originaux.

Thomas Hugues et Médias, le mag sont-ils épargnés ?

Absolument. Médias, le mag, avec sa nouvelle formule lancée l’année dernière, nous semble vraiment bien charpenté. Cette analyse et ce décryptage font partie intégrante de l’offre de France 5.

Partie 2 > L’avenir de C Politique


Le programme scientifique On n’est pas que des cobayes sera-t-il de retour l’an prochain ?

On y est très attaché. C’est un succès en termes d’audience et en termes d’âge moyen des téléspectateurs. On voit bien qu’il y a une écoute conjointe des parents et des enfants sur ce programme. C’est une manière pour nous de jouer la science sur le mode de l’expérimentation. C’est aussi un succès sur le web via le site des Cobayes avec la possibilité pour les internautes de proposer de futures expériences ou de se filmer en faisant soi-même les expériences. On reçoit de nombreuses vidéos de la France entière et il y a une vraie énergie autour de cette émission. La formule est audacieuse et volontariste, elle donne un petit coup de frais à la science. Proposer ce type de programme en prime est assez singulier.

Autre émission portée sur les réseaux sociaux, le Vinvinteur affiche des audiences décevantes. L’émission est-elle renouvelée pour la saison prochaine ?

On est très content de cette aventure avec Vinvin, (Cyrille de Lasteyrie) et ses équipes. Ça a été un vrai plaisir et la qualité de ce qu’ils nous ont proposé était formidable, en terme de contenu, de tendance et de perception de ce qui pouvait se faire. Pour autant, l’émission n’a pas forcément rencontré un large public donc nous l’avons suspendue. Ce sont des choix toujours difficiles, mais nécessaires. Maintenant, j’espère que l’histoire avec France Télévisions n’est pas finie.

Etes vous satisfait de la nouvelle version de C Politique portée par Caroline Roux ?

Caroline Roux est formidable. Elle est pugnace sans être agressive, avec un style qui lui est propre. Nous sommes profondément satisfaits de la nouvelle formule de C Politique. Bien sûr, il va y avoir encore de petites améliorations. On donne du temps à Caroline pour s’installer, c’est l’une des forces de France 5. On prend notre temps lorsqu’on est sûr de notre démarche et de la légitimité de notre offre. On a cette capacité à permettre aux créatifs de s’exprimer. Au-delà de sa qualité intrinsèque d’excellente intervieweuse, l’arrivée de Caroline a dynamisé l’émission en lui donnant encore beaucoup de contenu. Le « fact checking » fait désormais partie intégrante de C Politique.

« On donne du temps à Caroline Roux pour s’installer »

Les audiences sont toutefois en nette baisse sur un an (-19%)...

C’est une période qui est un peu compliquée pour les émissions d’information, car le politique a été très à l’honneur l’année dernière pour la présidentielle. Il y a peut-être un petit peu moins d’appétence actuellement, mais ça va revenir. Les municipales et les Européennes sont pour l’année prochaine. Je ne suis absolument pas inquiet. Caroline est formidablement à sa place. Elle s’intègre parfaitement à la lignée d’animateurs légitimes de la chaîne comme Marina Carrère d’Encausse et Michel Cymes, médecins, François Busnel, spécialiste du livre, Fabrice d’Almeida, historien, Annick, Cojean, irremplaçable, Stéphane Marie, jardinier, Jean-Luc Petitrenaud, un gastronome... Et tous ceux que je ne peux citer.

N’avez-vous pas envisagé de confier une émission politique à Anne-Sophie Lapix en plus de C à vous ?

Anne-Sophie va déjà être très occupée. Une quotidienne en direct, c’est quelque chose d’extrêmement lourd sur une année, et de très ambitieux. De plus, elle souhaitait aussi pouvoir travailler en bande, mettre une nouvelle corde à son arc en changeant un peu de format avec C à vous. Avec Caroline Roux, nous allons avoir deux des meilleures journalistes actuelles sur notre antenne, c’est une grande fierté.

Partie 3 > C à vous : d’Alessandra Sublet à Anne-Sophie Lapix


C à vous va-t-elle plus se tourner vers l’information avec l’arrivée d’Anne-Sophie Lapix ?

Elle apportera son ton personnel et en même temps, il ne peut pas y avoir de redondance avec C dans l’air et C à dire. Ce sera différent d’Alessandra, c’est aussi pour ça qu’on a été la chercher, avec toutes ses capacités à prendre en main cette émission. Évidemment, ce ne sera pas non plus un bouleversement dans C à vous qui ne va pas devenir un C dans l’air de 19 heures. Certes, il y a une même volonté d’être en direct, de contextualiser la journée, mais chaque émission a sa démarche propre. On retrouvera ce qui fait les fondamentaux de la saison.

Pourquoi continuez-vous à proposer deux parties distinctes de C à vous interrompues par Entrée libre ? La formule ne semble guère payante...

Entrée Libre est dans un créneau particulièrement complexe face aux journaux télévisés, sans parler de Plus belle la vie et des autres offres. Proposer tous les jours un magazine sur l’actualité culturelle de manière complètement décomplexée et réussir le pari en l’espace d’un an de rattraper les audiences des documentaires animaliers qui étaient là depuis le début, c’était une gageure. À tel point qu’on réfléchit à optimiser encore l’offre d’Entrée libre, présentée par Laurent Goumarre, à la rentrée. On est très fier d’arriver avec un programme ambitieux et rare. Et puis, à France 5, nous avons toujours souhaité avoir des programmations alternatives. On continue en fait à creuser le sillon de notre singularité dans le paysage audiovisuel.

Alessandra Sublet a annoncé la poursuite de votre collaboration avec un prime time mensuel la saison prochaine. Pouvez-vous nous en dire un peu plus ?

Elle est très attachée à cette chaîne et nous sommes très attachés à Alessandra, son charme, sa qualité et sa pertinence. Je ne peux rien dire sur l’émission, car nous y travaillons toujours. Il y a des envies communes, mais Alessandra est encore dans le rush de la quotidienne et on ne peut pas imaginer le travail que cela représente.

« Nous sommes très attachés à Alessandra Sublet »

La valse des animatrices à la tête des Maternelles va-t-elle se poursuivre l’année prochaine ?

Julia Vignali est bien en place. L’émission évolue et on en est très content. On a envie de continuer et de pérenniser notre travail avec elle sur Les Maternelles.

Avec Le magazine de la santé, vous faites des envieux. Comment avez-vous réussi à retenir une nouvelle fois Michel Cymes pour la rentrée ?

Michel est un homme fidèle et engagé. Au-delà de son trio, avec Marina et Benoit, dont la bonne ambiance est palpable à l’antenne, je pense qu’il est très attaché au Magazine de la santé, car il a participé au format et à son évolution.

Qu’advient-il d’Enquête de santé, le magazine de prime time animé par ce duo emblématique ?

Cela fonctionne très bien. On a réuni jusqu’à 1.8 million de téléspectateurs en octobre sur le lait. Ce sont des rendez-vous mensuels importants où l’on revient sur une thématique avec un document de 52 minutes et un débat concernant, en présence de spécialistes.

Partie 4 > Un nouveau magazine quotidien et la grille d’été


À la rentrée, vous allez miser sur une nouvelle émission quotidienne à la mi-journée. Doit-on s’attendre à un énième programme sur la consommation ?

Non, ce ne sera pas un magazine consumériste de plus sur la recherche d’arnaques. On veut travailler dans un autre cadre, sur la notion de consommation collaborative, de mieux vivre, de solidarité. Groupon, le covoiturage, la lutte contre l’obsolescence programmée, beaucoup de choses vont désormais venir de la société civile, donc ces thèmes sont très intéressants. et cachent de nombreuses valeurs. Ça peut nous emmener vers le partage, la rencontre, l’enrichissement personnel intellectuel… Toutes ces choses-là nous intéressent à France 5. On n’a pas envie d’être dans la sacro-sainte émission de consommation lambda.

Les Zouzous vont donc laisser place à ce magazine. Est-ce le début de la fin des programmes jeunesse sur France 5 ?

Pas du tout ! Cette case des Zouzous était un peu atypique à un horaire représentant le deuxième pic de consommation télé dans la journée. On ne pouvait pas se contenter de ce qu’on proposait avec des rediffusions de dessins animés -essentiellement en achat- assez « vintage ». À l’inverse en matinée, les Zouzous s’inscrivent beaucoup plus dans notre démarche ludo-éducative, avec bien plus de pré-achats. La case s’adresse aux tout petits et nous y sommes profondément attentifs. C’est la seule émission jeunesse devant laquelle les parents peuvent laisser leurs enfants les yeux fermés : pas de publicité, une offre qui aide les enfants à grandir, à échanger et à découvrir le monde qui les entoure dans toute sa diversité et sa complexité. Cela fait partie de l’ADN de France 5.

Les Documents du dimanche remportent un franc succès. Comment sélectionnez-vous ces reportages destinés aux prime time ?

C’est une case éditorialisée qui s’intéresse à l’air du temps en matière notamment d’enquêtes autour de ce qui est notre consommation du quotidien. De temps en temps, on se permet des immersions dans des villes ou des lieux, souvent avec un axe relié à l’économie. Dans ces découvertes patrimoniales, il y aura des informations sur le commerce local ou des problématiques liées, avec toujours un prisme économique. Les Français sont en recherche de ce qui fait la valeur du patrimoine français. La crise va aussi entrainer la redécouverte de notre pays, c’est intéressant de leur donner des photographies de ce qui fait notre richesse. Tout en conservant une analyse pointue sur les dessous de ces affaires.

« On n’a pas envie d’être dans la sacro-sainte émission de consommation lambda »

Multiplier les reportages sur la consommation n’est-ce pas un peu osé face à Capital ?

Nous avons souhaité conserver le 52 minutes qui est notre format roi sur la grille. Faire des enquêtes en profondeur, ce n’est pas du low cost, on n’est pas à l’arrière de la voiture de la BAC ou à la poursuite d’un go fast. On a une ligne éditoriale volontariste afin de permettre aux téléspectateurs de tirer des clés des reportages. On essaye toujours d’avoir une démarche de décryptage de notre société. Je pense que c’est ce ton et ce savoir-faire qui séduisent.

Quelles sont les grandes lignes de la grille d’été de France 5 ?

Pour paraphraser Bruno Patino (directeur général délégué aux programmes et aux antennes de France Télévisions, ndlr) « La lumière ne s’éteint pas ». Le Mag de la santé sera là en direct en juillet, C dans l’air sera présent aussi tout au long de l’été en direct, et de nombreux inédits seront proposés. On veut montrer qu’il n’y a pas tant de différences entre la saison et l’été. Jamais le programme de France 5 n’aura été aussi volontariste. Nous ne proposons pas une télé au rabais pendant l’été, car on ne veut pas oublier les gens qui ne partent pas en vacances. C’est donc pas moins de 270 documentaires différents et variés que nous offrirons à nos téléspectateurs.