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François Hollande : les ambitions TV d’un Président

Alexandre Raveleau
Publié le 15/05/2012 à 09:51 Mis à jour le 29/05/2012 à 19:56

En répétant à qui veut l’entendre que sa « République » serait « irréprochable », François Hollande a promis durant sa campagne qu’il ne jouera pas avec la télécommande du service public. Une première dans l’histoire de Ve République. Toutefois, le projet socialiste prévoit plusieurs changements de cap majeurs tant au niveau de France Télévisions, de l’audiovisuel extérieur que de la concentration des médias. En quoi précisément la période 2012 - 2017 tranchera-t-elle radicalement avec l’ère Nicolas Sarkozy ?

En route vers une « République irréprochable » ?

En route vers une « République irréprochable » ?

Plus de trente ans après François Mitterrand, François Hollande accède au pouvoir suprême en s’installant à l’Élysée. Dans le monde des médias, la « normalité » du nouveau Chef de l’État laisse présager un quinquennat sans coup de roulis. En répétant à qui veut l’entendre que sa « République » serait « irréprochable », François Hollande a promis durant sa campagne qu’il ne jouera pas avec la télécommande du service public. A priori donc, les dirigeants et animateurs vedettes peuvent dormir sur leurs deux oreilles, le zapping n’est pas à l’ordre du jour. Une première dans l’histoire de Ve République. Toutefois, le projet socialiste prévoit plusieurs changements de cap majeurs tant au niveau de France Télévisions, de l’audiovisuel extérieur que de la concentration des médias. En quoi précisément la période 2012 - 2017 tranchera-t-elle radicalement avec l’ère Nicolas Sarkozy ?

La Présidentielle de tous les doutes chez TF1

La Présidentielle de tous les doutes chez TF1

Avant même son épilogue, cette présidentielle 2012 avait déjà fait une première victime collatérale, et non des moindres : TF1. La chaîne privée est actuellement en proie aux doutes. En cause ? L’information et Laurence Ferrari. Durant toute la campagne, le public a préféré France 2 aux rendez-vous de la Une. Parole de candidat déserté (avec un revers historique à 8.9% de part de marché en prime time), soirées électorales en baisse, Journal de 20 heures moins performant... Même le débat de l’entre-deux tours a tourné à l’avantage du service public. Au lendemain de l’élection de François Hollande, les rumeurs persistantes vont bon train. Les noms d’Harry Roselmack, Gilles Bouleau, Anne-Claire Coudray et même celui de Laurent Delahousse, ont régulièrement été avancés pour la succession de Laurence Ferrari. Même constat pour la directrice de l’information, Catherine Nayl, elle aussi, serait sur un siège éjectable. Pour l’heure, Nonce Paolini, PDG de TF1, n’aurait pas l’intention de modifier son équipe.

Hollande / Sarkozy : changement de style à l’Elysée

Hollande / Sarkozy : changement de style à l’Elysée

Dès 2007, Nicolas Sarkozy avait souhaité supprimer un premier symbole en annulant la traditionnelle interview présidentielle du 14 juillet. Sous son quinquennat, les rendez-vous sur mesure ont été préférés aux allocutions, histoire de dépoussiérer la communication élyséenne. En grande pompe dans la salle des fêtes du Château, ou plus raisonnablement dans un bureau en temps de crise, les émissions spéciales ont vu défiler tout ce que les chaînes de télévision comptent de journalistes vedettes. À chaque intervention, les Français ont assisté par millions au chapelet des réformes. Avant même son élection, François Hollande avait tenu à préciser qu’il ne ferait pas d’émission en direct de l’Élysée, assurant qu’il se rendrait sur les plateaux de télévision ou dans les studios de radio pour répondre à toutes les questions. Pour les journalistes, le nouveau Chef de l’État a également annoncé la tenue d’une conférence de presse tous les six mois.

L’indépendance des médias au cœur de la réforme

L’indépendance des médias au cœur de la réforme

Malgré l’inscription dans la Constitution, en juillet 2008, des principes fondamentaux de la liberté de la presse, « les interventions du pouvoir sarkozyste » ont été pointées du doigt dans le projet socialiste. Afin de « garantir une information libre et pluraliste », le nouveau Gouvernement doit s’atteler rapidement à plusieurs réformes, avec notamment des obligations accrues de transparence pour la composition du capital des groupes de presse et de cloisonnement entre l’éditorial et l’économique. En clair, il s’agit d’abord d’assurer la protection des sources des journalistes, récemment encore au cœur de l’actualité avec l’affaire dite « des fadettes ». Et pour éviter les risques de monopoles, les règles anticoncentration seront renforcées, la participation des médias nationaux dans les médias locaux encadrée. Pour mémoire, en 2008, Nicolas Sarkozy avait lancé les États Généraux de la presse écrite, engageant la réflexion autour de ce secteur en crise.

Un Président qui ne nomme plus les présidents ?

Un Président qui ne nomme plus les présidents ?

La nomination par l’Élysée des présidents des France Télévisions, Radio France et de l’Audiovisuel extérieur de la France (AEF) a été l’un des marqueurs du quinquennat de Nicolas Sarkozy. Prétextant une hypocrisie qui consistait à faire croire aux Français que les dirigeants de l’audiovisuel étaient désignés par un consensus des autorités compétentes, le Chef de l’Etat avait fait modifier la loi, le mettant en première ligne dans le choix des patrons de l’audiovisuel. François Hollande compte revenir sur ce pouvoir de nomination, l’offrant aux seuls Conseils d’administration des structures concernées. Leurs compositions seront d’ailleurs revues, permettant « une représentation paritaire entre la majorité parlementaire et l’opposition, une meilleure représentation du personnel et l’augmentation du nombre de personnalités qualifiées désignées par le CSA ». L’autre option envisagée est celle d’un CSA retrouvant son pouvoir originel. Pour ce faire, le Conseil supérieur de l’Audiovisuel ne serait plus composé de la même façon. Ses membres seraient nommés par les commissions des affaires culturelles de l’Assemblée nationale et du Sénat, à la majorité qualifiée des trois cinquièmes. Actuellement en poste, Rémy Pflimlin (FTV), Jean-Luc Hees (Radio France) et Alain de Pouzilhac (AEF) devraient terminer leurs mandats respectifs.

La publicité et France Télévisions : problème de financement

La publicité et France Télévisions : problème de financement

En janvier 2008, Nicolas Sarkozy avait jeté un pavé dans la mare en annonçant la fin de la publicité sur France Télévisions. Le premier changement visible a été l’arrêt des écrans publicitaires après 20 heures en janvier 2009. Pour compenser la perte de recettes, plusieurs taxes ont été envisagées, notamment sur les FAI (fournisseur d’accès à internet), contestée au niveau européen. Pour clarifier le dossier, François Hollande doit confirmer ou infirmer l’arrêt total de la publicité en journée. Le retour des réclames après 20 heures n’est pas non plus exclu. Il faut dire que le manque à gagner pour France Télévisions se chiffre toujours à plusieurs centaines de millions d’euros, qu’il convient de refinancer. Parmi les recettes éventuelles, la redevance audiovisuelle sur les résidences secondaires serait partiellement rétablie. L’assiette de la taxe pourrait également être revue, la réflexion portant sur l’ensemble des équipements permettant la réception de la télévision.

Les ramifications du dossier de l’audiovisuel extérieur de la France

Les ramifications du dossier de l’audiovisuel extérieur de la France

Le dossier de l’AEF (Audiovisuel extérieur de la France) sera sans nul doute l’un des premiers sujets de discussion du nouveau gouvernement. En effet, la fusion de France 24 et RFI a déjà été remise en cause par le PS. La radio internationale reviendra-t-elle dans le giron de Radio France ? La chaîne d’information continue sera-t-elle intégrée au groupe France Télévisions ? A-t-elle sa place sur la TNT gratuite ? Parmi les projets venant directement concurrencer France 24, Al Jazeera pourrait très prochainement s’attaquer à l’information en langue française. Le groupe qatari est un cas d’école. En jouant sur le tableau de Canal+ via BeIN Sport 1 et 2 (lancement prévu le 1er juin), le groupe qatari a déjà bouleversé le marché des droits sportifs. Conséquence indirecte annoncée : une fragilisation de la création française, figurant au cahier des charges de Canal+. La réflexion est donc lancée pour taxer les nouveaux entrants du PAF, situés hors frontières. Plus largement, la « taxe Google » ne manquera pas de revenir sur le tapis.

Changement de programme pour France 3 et France 4

Changement de programme pour France 3 et France 4

Du lundi 30 avril au dimanche 6 mai, France 3 a affiché le score inquiétant de 8.8% de part de marché moyenne. La chaîne publique a désormais une longueur de retard sur M6. Et il n’est pas rare que les chaînes de la TNT la surclassent, en journée comme en prime time. Au cœur des débats, sa ligne éditoriale est remise en cause, avec la place réservée aux régions en ligne en mire. Parmi les projets évoqués, celui d’un rapprochement des antennes locales avec les collectivités territoriales apparaît le plus avancé. La menace pesant sur la rédaction nationale rend le sujet délicat et épineux. De l’autre côté de l’échiquier cathodique, le destin de France 4 est l’un des points clairement abordés dans le projet socialiste. La chaîne de la TNT pourrait devenir un canal réservé à la jeunesse (enfants dans la journée et jeunes adultes en soirée), sans publicité. Reste que dans ce domaine, France Télévisions est déjà présent via Gulli, détenu à la majorité par le groupe Lagardère.

La Révolution de la RNT (Radio numérique terrestre)

La Révolution de la RNT (Radio numérique terrestre)

Au début des années 1980, les radios libres avaient profité de l’élection de François Mitterrand pour émerger et officialiser leur présence sur la bande FM. Aujourd’hui, le CSA planche sur le dossier de la RNT, comprendre Radio Numérique Terrestre. À l’instar de la TNT (Télévision Numérique Terrestre), l’objectif est de redéployer des fréquences pour multiplier les stations. Vingt agglomérations (en complément de Paris, Nice et Marseille) seront concernées par l’appel d’offres. Ce nouvel espace pourrait bouleverser le paysage des ondes, les stations historiques devant partager le gâteau publicitaire. La vague numérique semble aujourd’hui inéluctable, soutenue publiquement par François Hollande. À la rentrée de septembre 2012, la télévision connaîtra elle aussi un bouleversement avec l’arrivée de six nouvelles chaînes sur la TNT gratuite. Le CSA a d’ores et déjà fait ses choix. Si France Télévisions n’a pas été candidat à une nouvelle fréquence, reste à connaître la position de Radio France sur la RNT.

Valérie Trierweiler, une journaliste au Château

Valérie Trierweiler, une journaliste au Château

Quel rôle aura la nouvelle Première Dame aux côtés de François Hollande ? Après la chanteuse, et ancienne égérie des podiums, Carla Bruni-Sarkozy, la France a découvert le visage de Valérie Trierweiler. Pour les téléspectateurs de Direct 8, il ne s’agit pas d’une inconnue. La journaliste y a notamment animé 2012, portrait de campagne, et plus récemment Itinéraires. Pour la première fois dans l’Histoire de la Ve République, la compagne du Chef de l’État connaît le monde des médias de l’intérieur. Si elle a d’ores et déjà annoncé qu’elle souhaitait poursuivre sa carrière, reste à en connaître les conditions. Sa place à la télévision, ou dans les colonnes de Paris Match, semble difficilement conciliable avec sa vie privée, devenue publique. Même constat pour Audrey Pulvar sur France 2. La chroniqueuse politique de Laurent Ruquier, dans On n’est pas couché, est la compagne d’Arnaud Montebourg, figure incontournable du PS. Le nouveau magazine de société, Huis clos, qu’elle a proposé à France 2 pourrait lui permettre de rester à l’antenne, selon le principe de neutralité. Sur France Inter, Audrey Pulvar a déjà pris un engagement similaire.