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Frédérique Bel (Metal Hurlant Chronicles) : « Je me suis un peu inspirée de Game of Thrones pour construire Lady Laerana »

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Rédacteur - Expert TV & Séries
Publié le 12/04/2014 à 18:38 Mis à jour le 27/05/2022 à 00:43

De la Minute blonde à Metal Hurlant, Frédérique Bel est passée d’une renversante blonde stéréotypée à une ténébreuse princesse. Pour Toutelatele, l’actrice dévoile toutes les facettes de la nouvelle image qu’elle s’est construite. La brune, féministe avérée, parle sans concession de sa vie, de ses actualités et de son avenir.

Clément Gauthier : Comment vous êtes-vous retrouvée dans la série Metal Hurlant Chronicles ?

Frédérique Bel : Guillaume Lubrano, le réalisateur, m’a proposé de participer. J’ai tout de suite dit « oui » car j’adore la science-fiction et je trouve qu’on n’en fait pas assez en France. C’est un regard sur le monde à la fois précurseur et philosophique. Quand on m’a proposé le personnage de Lady Laerana, assez sombre, brune, je me suis dit que c’était l’occasion d’oublier ma blondeur avec laquelle j’ai commencé, avec ce côté comique assez pesant. Beaucoup de journalistes, par facilité ou incompétence, pensaient que j’étais le personnage. J’avais souvent le droit à cet amalgame. Metal Hurlant a été l’occasion d’avoir un personnage plus sobre et pris au premier degré.

Est-ce le rôle qui va briser votre image de blonde, vue et revue, notamment dans des films comme Vilaine ?

Vilaine est mon premier grand personnage de garce. Globalement, ça casse l’image que j’ai pu avoir dans tous les autres rôles que ce soit la blonde ou avec des personnages plus réalistes dans les films d’Emmanuel Mouret. Je la trouvais toujours proche de l’ingénue, de la petite nana tendre et docile. J’ai bientôt quarante ans et j’aurais vraiment envie de passer à des choses un peu plus dures. L’occasion de jouer dans Metal Hurlant était toute trouvée.

Considérez-vous le rôle de Lady Laerana comme un tournant dans votre carrière ?

Pour moi, c’était une aubaine, car je ne pense pas que les autres réalisateurs ont compris, pour l’instant, que je pouvais jouer sur d’autres facettes. Il fallait poser un regard anglo-saxon sur moi. Je me suis un peu inspirée de Game of Thrones pour construire ce personnage. Il est à la fois sombre, érotique et utilise toute sa féminité pour arriver à ses fins. C’est une sorte de Milady immortelle.

Comment vous êtes-vous préparée pour ce rôle ?

Je travaille beaucoup mes rôles en amont. La préparation s’est surtout concentrée autour de l’anglais, car il fallait que je sois comprise des Américains. Ils n’aiment pas trop les accents. La série doit être vendue dans 80 pays et notamment Syfy aux États-Unis. Il fallait me libérer de l’accent français. J’ai eu un coach hollywoodien très dur et efficace. J’ai entrevu un côté shakespearien et un côté moyenâgeux donc j’ai dû mettre quelque chose de dramatique en jouant avec la profondeur du texte. Avec la donnée heroic fantasy, les personnages sont très puissants. J’aime l’idée qu’une garce puisse jouir du mal qu’elle fait. Je suppose que la vraie méchanceté passe par le plaisir de l’être. Quand je suis avec le frère aîné et que je glousse dans le lit, c’est le moment où je jouis de mon stratagème. J’aime l’idée qu’elle puisse trouver du plaisir à régler ses comptes et à nourrir son ambition démesurée.

« Je suis rentrée dans le cliché de la garce »

Vous êtes-vous inspirée de personnages comme Emilia Clarke qui joue Daenarys Targaryen dans Game of Thrones ou Vera Farmiga qui campe Norma Bates dans Bates Motel ?

Oui, je pars de ces personnages ancrés dans une temporalité. J’essaye aussi de mettre un côté moderne, car, comme c’est de la science-fiction, il ne fallait pas la rendre ringarde. Je n’ai pas mis d’état d’âme à mon personnage. Je l’ai construit comme une machine de guerre. Lady Laerana va précipiter les héros jusque dans la mort. Je me suis plutôt inspirée de la femme fatale, la brune qui emmène l’homme, par son amour, sa sexualité et sa sensualité vers la mort. J’ai aussi retiré le côté femme enfant que j’adorais dans les comédies. Je suis rentrée dans le cliché de la garce.

Voulez-vous désormais vous lancer dans une carrière plus américaine ?

C’est sûr que la vie est courte et j’aimerais travailler sur de nouvelles choses. C’est passionnant d’être avec des acteurs américains. Je crois beaucoup au destin et au fait de continuer à apprendre mon métier à chaque fois qu’on me propose un challenge. En France, on fait souvent des films composites à la place des films composés. C’est-à-dire qu’on va mettre la blonde dans la blonde, la grosse dans la grosse, la méchante dans la méchante, le tueur dans le tueur. On fait les castings sous forme de produits comme des paquets de lessive. C’est à la fois gratifiant, car ça veut dire qu’on a marqué un archétype, mais, à un moment donné, on veut changer. J’adore jouer des garces et, à quarante ans, je commence à jouer des mamans aussi.

Partie 2 > Son rôle dans l’AMFE et La parenthèse inattendue


Quel rôle vous plairait tout particulièrement ?

Mon rêve serait de jouer une mère infanticide qui met ses enfants dans le congélateur. J’aimerais aller vers des choses plus glauques. J’aime l’idée de pouvoir installer un personnage sympathique puis le détruire et en faire un personnage repoussant. C’est appréciable de pouvoir renverser les a priori, comme je le fais dans Fais pas ci, fais pas ça, où j’ai des gosses à charge. Les producteurs et réalisateurs doivent le savoir et ne plus nous coller d’étiquette. Si j’ai choisi ce métier-là, c’est pour rentrer dans plein de personnages et vivre plein de vies différentes.

Quel bilan tirez-vous de votre parcours à ce moment de votre carrière ?

Je suis assez contente, car tous les films dans lesquels je joue fonctionnent. J’ai rarement fait des bides. Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu ?, qui sort le 16 avril, s’apprête à être un carton, car il vient de dépasser la cote des vues de la bande-annonce sur internet. C’est un film très réussi. Le 26 mai, dans La Liste de mes envies, j’ai un rôle de vieille fille, un peu pathétique, qui cherche l’amour.

Comment est venue l’idée de refaire naître Dorothy Doll pour une Minute blonde de prévention ?

J’avais décidé d’enterrer ma blonde ad vitam aeternam, car c’est un personnage qui m’a porté, mais excessif. Je l’ai refait dernièrement pour la bonne cause, car je suis la marraine de l’AMFE (Association Maladie Foie Enfant), une association avec laquelle je me bats depuis 3 ans. Ça me paraissait d’utilité publique de faire un spot rigolo, sans se vautrer dans quelque chose de glauque et de triste, car la vie et la crise sont assez anxiogènes pour mettre le moral à zéro. C’est un message d’espoir. Du coup, avec mon ami réalisateur, on a eu l’idée de ressortir la blonde, habitante de la planète mars qui descend pour dire des choses importantes.

Cela laisse la porte ouverte au retour de ce personnage...

Non, je n’ai pas l’ambition de remettre ce personnage sur le tapis. J’ai eu tellement de mal à m’en défaire. Je ne veux pas le remettre en scelle, mais elle a un ton qui n’a pas besoin d’être expliqué aux chaines. Pour la diffusion du spot, on a déjà TF1, D8, Canal, NT1 et France 4. On a fait une version web un peu trash et une version TV plus soft. J’étais très étonné, mais le ministère de la santé l’a validé et nous a donné les agréments. On a eu tous les prix des festivals de communication médicale et associative, les Césars de la médecine. C’est la première campagne française à être drôle.

« Mon rêve serait de jouer une mère infanticide qui met ses enfants dans le congélateur »

Vous avez participé à La Parenthèse inattendue de Frédéric Lopez, que retenez-vous de cette expérience ?

J’ai eu beaucoup de chance de tomber avec André Manoukian et Marc Jolivet. J’ai l’impression qu’il y avait un véritable échange à quatre. J’ai beaucoup apprécié l’idée qu’il me laisse tirer les cartes, car c’est intime. Devant des millions de téléspectateurs, c’est assez courageux de leur part d’avoir joué le jeu. J’apprécie la voyance et j’étais ravie de pouvoir endormir une foule. Je suis bouddhiste donc j’ai une façon de vivre le présent et de ne pas ressasser le passé, de ne pas en vouloir aux personnes et de leur pardonner. Ça fait partie d’une sorte de machine à laver intérieure que j’ai en moi. Et puis, je trouve que Lopez sait tirer les vers du nez sans mettre dans une position délicate. J’ai pu montrer qui j’étais, que mon parcours n’a pas toujours été facile. J’ai pu passer un message aux autres artistes : la seule vérité qui compte est celle que vous avez au fond du cœur. Si vous avez la certitude de faire quelque chose de bien, continuez, car ça finira par sourire.

Partie 3 > La minute blonde et la politique


Quel aspect de votre personnalité est le plus ressorti ?

Je ne cours pas après la notoriété. C’est juste nécessaire pour faire des choix dans mon métier. Ça ne me plombe pas la tête. Je suis dedans comme dehors. Je n’ai pas deux personnages. Ça m’a permis de montrer que les comédiens sont des gens comme les autres. J’ai été figurante mannequin dans des conditions parfois précaires. Tout n’a pas été facile, tout n’a pas été rose. J’apprends toujours et je ne pense jamais savoir. Je n’ai jamais la position de celle qui dit comment il faut faire, car je suis à la recherche de ma personne. Je m’amuse à être quelqu’un d’autre quand je fais mon métier au cinéma, mais je n’envisage pas d’être quelqu’un d’autre dans la vie.

Seriez-vous prête à retravailler pour Canal + ?

On s’est quittés en très bons termes, ils ont compris que mes auteurs de La Minute Blonde voulaient passer au cinéma. On s’est prêté au jeu pour un programme court sans avoir vocation à y rester. C’était une respiration de quatre cents épisodes. En interviewant 400 personnes, il y a des redites. Quand Depardieu revient pour la troisième fois, on s’est dit qu’on se répétait. Les stars françaises il n’y en avait pas énormément non plus. On a même interviewé les présidents des autres nations, ça m’a permis de mettre une grosse claque à Poutine. C’était rigolo. À un moment donné, je fonctionne comme une artiste. J’étais peintre avant d’être artiste et j’ai vécu avec des peintres. J’ai compris qu’un peintre ne revient jamais sur son tableau. Il délaisse son travail pour autre chose. Une fois qu’il a réalisé sa vision, il en a une autre. Un artiste est toujours dans la prospection.

Pourquoi ne pas avoir décliné La minute Blonde sur grand écran ?

On a pas voulu faire de long-métrage, ni d’ailleurs de mugs, de cravates ou autres produits dérivés. On ne voulait pas user le produit. J’ai du respect pour mon travail et pour mon équipe. Je pense que le vrai risque était de partir au moment où La Minute blonde était au sommet. Le réalisateur est parti faire Tout ce qui brille, moi des téléfilms avec Agatha Christie et plein de comédies. On sait qu’on va se retrouver un jour. Un projet est fait pour un support et une durée précise. La vie est courte et notre but est d’explorer un maximum de choses.

« Je suis jusqu’au-boutiste et j’assume tout »

Finalement qui se cache vraiment derrière le personnage de La minute Blonde ?

Je suis très féministe et engagée, comme on peut le voir dans mes tweets, par rapport à l’IVG ou le droit des femmes. Je ne voulais pas servir la cause de la femme-objet avec La Minute blonde. J’ai pris une femme-objet pour la dénoncer. Je pense qu’être femme, jusqu’au bout des ongles, jusqu’au porte-jarretelles, en l’assumant, en le revendiquant, c’est le woman power. Je suis une femme, non pas pour faire plaisir au code masculin, mais parce que je me suis accaparé ces codes en les utilisant comme arme. C’est ma réponse aux misogynes qui ont pensé que j’étais le personnage ou qui me condamnent d’avoir incarné la femme-objet.

Avez-vous un avis sur Najat Vallaud-Belkacem, la ministre des Droits des femmes, de la Ville, de la Jeunesse et des Sports et sur son action ?

Je pense que c’est quelqu’un de compétent qui n’a pas encore montré l’étendue de son talent. Il faut laisser les gens travailler, c’est un peu tôt pour condamner. On est dans une France un peu érectile. Tout le monde est sur le pont pour donner son avis. Certains vont même manifester pour que d’autres n’aient pas de droit. Je ne comprends pas trop la démarche d’empêcher d’autres personnes, que vous ne connaissez pas, d’avoir certains droits. Ce sont des choses qui me dépassent. Je suis plutôt anarchiste, mais je vote à gauche. J’ai peut-être cette pensée typique des artistes qui est que le monde va vers quelque chose de positif. Je trouve que le capitalisme s’oppose à l’idée de l’art. C’est le souci qu’il y a dans le cinéma, car c’est un art, mais c’est aussi une économie. Par rapport au fait que les comédiens soient aussi considérés comme des produits marketing et non comme des artistes. À partir du moment où on a envie d’être sincère et cohérent, on ne peut pas jouer le jeu du capitaliste tout en voulant être considéré comme un artiste. Moi, je suis jusqu’au-boutiste et j’assume tout. C’est ma personnalité, c’est comme ça que je me définis. Ce n’est pas une posture, mais vraiment une position.