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Gérard Louvin (Touche pas à mon poste) : « J’ai essayé de faire venir Cyril Hanouna sur TF1 »

Robin Girard-Kromas
Publié le 29/05/2013 à 18:01 Mis à jour le 20/06/2013 à 22:09

Monstre sacré des variétés, Gérard Louvin a fait le pari audacieux de rejoindre la bande de Touche pas à mon poste sur D8. Loin des Sacrée Soirée, Sans aucun doute ou Les années tubes, l’ancien producteur privilégié de TF1 donne un nouveau virage à sa carrière. En quelques mois, le spécialiste du spectacle et de la télévision est devenu l’une des figures du divertissement porté par Cyril Hanouna. A l’approche de l’été, il dresse pour Toutelatele le bilan de cette expérience.

Robin Girard-Kromas : Vous avez rejoint la bande de Touche pas à mon poste en octobre dernier. Quel bilan pouvez-vous dresser aujourd’hui ?

Gérard Louvin : Au départ, Cyril m’avait demandé de les rejoindre, mais ce n’était pas mon métier. Je ne réalisais pas vraiment tout le travail que ça représentait. Et je ne savais pas trop ce que j’allais y faire. J’ai mis entre trois semaines et un mois à trouver ma place. À partir de ce moment là, je me suis vraiment amusé. C’est une belle bande. L’émission fonctionne, car c’est vraiment un groupe d’amis qui discutent de la télé. Le bilan est très positif.

Pourquoi avoir accepté la proposition de Cyril Hanouna de rejoindre l’émission ?

Je n’ai pas hésité, car je suis Cyril de près depuis presque 5 ans. Même avant Touche pas à mon poste, on s’appelait assez souvent. Quand il a hésité pour D8, il m’en a parlé et j’ai essayé de le faire venir sur TF1 pour qu’il aille au moins chez TMC. Mais quand j’en ai parlé à TF1, ils n’ont pas voulu. C’est presque ce qui a décidé mon départ de la chaîne : je devais faire seulement un an de conseil et j’en étais déjà à trois. À un moment, je me suis dit qu’on avait déjà mis plein de choses en place et que je commençais un peu à m’ennuyer. J’ai fait beaucoup de choses dans ma carrière et maintenant j’ai envie de m’amuser. Et j’ai trouvé comment faire avec Touche pas à mon poste.

Connaissiez-vous l’émission avant de la rejoindre ?

Je ne la regardais pas régulièrement. Je connaissais l’émission, le principe et surtout le bonhomme. Des gens comme Cyril, il y en a très peu. Animateur, ça vient du mot âme. Il en faut, ainsi que des talents pour l’animation. Arthur, Dechavanne quand il avait 30 ans... ils sont très peu à faire ce boulot. Mon métier, c’était de regarder tous ces gens et de les repérer. J’étais sûr que Cyril cartonnerait. Il m’épate tous les jours, et pourtant il en faut pas mal pour m’épater ! (rires) Il a une culture du populaire assez incroyable.

N’avez-vous pas craint, en tant que producteur, de donner votre opinion sur des concurrents ou des chaînes avec lesquelles vous avez pu travailler ?

C’est pour cela que j’ai eu un peu de mal au départ, il fallait que je me détache de 20 ans passés chez TF1. C’est comme habiter 20 ans avec quelqu’un et partir, ou comme quitter ses parents ! A chaque fois que je disais quelque chose, je m’imaginais les gens de la chaine en train de me regarder. Une fois que j’ai réussi à me détacher de ça, ça a été beaucoup mieux. Aujourd’hui, je suis capable de dire que quelque chose ne me plait pas à TF1.

Vos anciens employeurs ne vous ont-ils jamais fait de remarques à propos de vos interventions dans l’émission ?

Non, jamais ! Au départ, ils se moquaient un peu de moi, car on faisait 300 000 téléspectateurs et je recevais des texto type « Accident industriel ! Qu’est-ce que tu es allé faire là bas, tu vas regretter  ». Mais j’étais sur de pas avoir fait de connerie car je sentais que ça allait décoller. Il y avait tous les éléments pour.

« Cyril Hanouna a une culture du populaire assez incroyable »

Vous ne produisez pas Touche pas à mon poste : donnez-vous des conseils à ce sujet à Cyril Hanouna et ses équipes ?

On se voit tous les jours donc bien sûr que j’essaye d’aider un peu. Déjà, avec les invités de TF1, car ce n’était pas encore vraiment réglé. On se parle, ils me demandent des choses de temps en temps, mais je ne suis pas non plus derrière leurs basques ! Je les faisais rire au début, car quand j’étais sur le plateau, j’avais l’œil de producteur à voir tout ce qui n’allait pas. Mais j’ai réussi à m’en détacher à présent.

Au fil des mois, vous vous êtes prêté plus facilement aux divers « happenings » de l’émission. Comment décririez-vous cette évolution ?

Je ne suis pas un clown. Il y a des choses que je refuse de faire. Je veux bien qu’on me piège, mais je ne souhaite pas préparer un numéro en me maquillant comme un comique ou un humoriste. Mais si on me demande en direct de mettre une perruque, je peux le faire, si j’en ai envie. Ca aussi il m’a fallu un peu de temps... Et je me surveille, car j’ai un peu tendance à dire trop ce que je pense. Je ne veux pas être blessant, car je me suis aperçu que nous étions énormément regardés par le métier. Je connais la difficulté de faire ce travail et je ne veux pas écharper les gens. Les cons, ça ne me gêne pas, mais ceux qui se ratent une fois, je n’ai pas envie de les blesser.

Partie 2 > Son avis sur les variétés et les télé-crochets


Vous vous êtes rapidement rapproché d’Enora Malagré dans l’émission. Êtes-vous aujourd’hui l’un de ses « mentors » ?

Je lui ai donné quelques conseils. Elle a appris à me connaitre aussi. Quand je suis arrivé, tous les chroniqueurs se demandaient ce que je venais faire là. J’avais une réputation de producteur pas forcément agréable, mais ils ont appris à m’apprécier et inversement. Enora, je suis assis à côté d’elle donc on a beaucoup de complicité. C’est vrai que je lui ai donné deux ou trois conseils. Je pense qu’elle a une vraie carrière devant elle. Je lui ai simplement dit de faire attentions à quelques trucs.

Quel est votre point de vue sur les conséquences de l’arrivée de D8 dans le paysage audiovisuel français ?

Je suis d’une génération où seules quelques chaînes composaient le paysage audiovisuel. Quand j’étais à TF1, Le Lay disait que la TNT ne marcherait jamais ! Maintenant on s’aperçoit que la TNT se développe bien. D8 prend des risques, que ce soit via la création avec Le Grand 8, ou avec des programmes ambitieux comme Nouvelle Star ou encore Hanouna. Il n’y a pas beaucoup de chaines qui l’ont fait donc je dis respect. Je pense que je suis dans la petite chaine qui va monter très vite.

Souhaiteriez-vous produire pour D8 ?

J’ai des projets en TNT et je leur ai proposé quelque chose sur lequel on travaillera peut-être. Mais je ne veux plus faire d’usine de production. Quand je produis, je le fais avec quelqu’un, j’amène des idées et on voit à deux. En ce moment, j’ai une très belle idée pour TF1 sur un programme quotidien ainsi qu’un autre développement pour TMC. Mais je n’ai plus envie de m’embêter.

Ne souhaitez-vous plus produire de grands shows événementiels ?

Des spéciales Claude François, Balavoine ou Dassin, je pourrais le faire, mais je ne le souhaite pas. Ça ne m’intéresse pas de ramer sur les artistes, batailler pour savoir s’ils peuvent venir chanter... Je l’ai fait pendant vingt ans, et je n’ai plus envie de le faire aujourd’hui. Surtout que les artistes sont toujours les mêmes : Obispo, Pagny, Bruel, Hallyday...

Vous dirigez-vous vers de choix de projets plus audacieux ?

J’ai deux projets de spectacles très avancés sur des choses qui n’ont jamais été faites. Je ne veux pas refaire d’émissions de variétés avec Pagny ou Hallyday. j’ai envie de me surprendre, et encore de m’amuser !

« Enora Malagré a une vraie carrière devant elle »

Qu’aviez-vous pensé du revival de Sacré Soirée sur TF1 il y a plusieurs années ?

On a fait un numéro qui a bien marché, donc TF1 m’en a commandé un autre, et au troisième j’ai dit « on s’arrête ». J’avais demandé à travailler avec de jeunes artistes et on est parti sur Marc Lavoine, Mimie Mathy, Line Renaud et Johnny Hallyday. Car si on veut faire de l’audience, il faut ces gens-là. Il est difficile de trouver des jeunes qui peuvent faire de l’audience.

Les variétés ne peuvent-elles exister qu’à travers les télé-crochets aujourd’hui ?

Il n’y a plus de grosses stars. Quand je faisais une émission de variétés à l’époque, on pouvait la bâtir rien que sur le nom des artistes. Les gens venaient pour voir tel ou tel artiste. Maintenant ils viennent pour voir Popstars ou Nouvelle Star. Dans le passé, j’avais treize chansons par émission de variétés, je serais bien ennuyé actuellement !

Partie 3 > Son avenir dans Touche pas à mon poste


Que pensez-vous du succès commercial de Sébastien Patoche ou Maude des Anges de la télé-réalité ?

Là, c’est plus de l’ordre de la « danse des canards », c’est l’exception qui confirme la règle. Il n’a pas travaillé trois mois en studio pour faire « Quand il pète, il troue son slip », c’est comme « Viens boire un petit coup à la maison ».

Vous aviez produit les « 7 d’or » en 2000. Thierry Moreau a déjà assuré travailler sur le retour de l’émission. Vous a-t-il proposé de participer une nouvelle fois à l’aventure ?

Je pense qu’il n’y arrivera pas. En 2000, j’étais à TF1 et j’avais réussi un coup fabuleux, car j’avais eu l’idée de faire les 50 ans de la télévision en même temps. Étienne Mougeotte, patron de la chaîne, avait été le rédacteur en chef de Télé 7 Jours et le créateur des 7 d’or. Il me disait que nous n’y arriverions jamais. Mais en misant sur un l’anniversaire de la télévision, on avait 50 ans d’invités et automatiquement ça marchait. Maintenant, donner un 7 d’or à Fort Boyard et en même temps à MasterChef, rassembler les gens de toutes les chaînes de télévision dans une même salle, je n’y crois pas du tout .

Comprenez-vous ces tensions exacerbées entre les différents acteurs de l’audiovisuel dans l’hexagone contrairement aux États-Unis ?

Quand vous regardez les Oscars, il y a tous les acteurs de tous les studios qui sont là. Regardez aux César... On est en France. C’est vrai que j’aurais rêvé être américain pour faire ce métier.

Pourquoi ne pas avoir tenté votre chance outre-Atlantique ?

Quand on part ailleurs généralement, c’est qu’on y arrive pas en France. SI j’avais galéré comme à mes débuts, je serais peut-être parti au Canada ou Belgique, car je parle mal anglais ! On me disait souvent que je travaillais comme les Américains, en allant droit au but. J’ai toujours produit les émissions en pensant aux gens de provinces et non aux clients du Fouquet’s.

« Touche pas à mon poste ! : l’an prochain, j’en ferai peut-être moins »

Nourrissez-vous des regrets sur certains des programmes auxquels vous avez participé au cours de votre carrière ?

Non, au contraire, mes meilleurs souvenirs sont souvent reliés aux émissions avec lesquelles j’ai le plus galéré. Je pense à l’aventure Multishow (animée par Grégory Charles en janvier 2001 sur TF1, ndlr) qui avait été difficile. Tous les réalisateurs de télévision me parlent encore de cette émission, car c’était un vrai concept. On avait pris un vrai plaisir à la faire . Mais globalement, mon meilleur souvenir, c’est celui de demain. Je ne suis pas un passéiste.

Vous retrouvera-t-on dans Touche pas à mon poste la saison prochaine ?

Cyril me l’a demandé, mais je réalise que ça demande beaucoup de temps et de travail, beaucoup plus que ce que je ne pensais quand j’étais producteur. J’ai pas mal de choses à faire l’année prochaine, donc j’en ferai peut-être moins, mais je veux continuer. Ça m’embêterait de quitter la bande.

À la rentrée prochaine, Touche pas à mon poste se retrouvera face à deux nouveaux talk-shows, celui de France 2 et celui de Julien Courbet sur TMC. Ne craignez-vous pas cette guerre des talk-shows ?

Je dirais plutôt que France 2 et Julien Courbet seront face à Touche pas à mon poste. C’est à eux de se démerder et de s’installer à la télévision. Nous on existe déjà !