Toutelatele

Gilbert Rozon (La France a un incroyable talent) : « Je ne voulais pas revivre ce que j’ai vécu sur d’autres saisons »

Marion Olité
Publié le 06/01/2015 à 19:00 Mis à jour le 03/02/2015 à 15:27

A la manière d’André Manoukian pour Nouvelle Star, le producteur québécois Gilbert Rozon est devenu l’âme du talent show « La France a un incroyable talent », auquel il participe dans le jury depuis sa création en 2006. Pour la saison 9, le doyen de l’émission a vu arriver trois petits nouveaux et des changement dans la mécanique de l’émission. Toujours dépourvu de la moindre langue de bois, il a fait le point avec Toutelatele.

Marion Olité : Que pensez-vous de vos nouveaux camarades de jeu de La France a un incroyable talent ?

Gilbert Rozon : Avant qu’ils intègrent le jury de l’émission, on a organisé un dîner assez psychanalytique, où je leur ai posé des tonnes de questions sur leur enfance, leur vie, etc. Ils étaient tous surpris, mais j’ai vu les racines de chacun. On a beaucoup rigolé. En sortant, je me suis dit, chacun a sa puissance, une capacité à se défendre. Giuliano est un vrai battant. Olivier est un homme qui aime le verbe. Il recherche la précision et l’acuité par les mots. Lorie est une sacrée bosseuse. Elle est arrivée avec ses petites fiches préparées. Le jury est bien pensé je trouve : quelqu’un du cirque, une chanteuse, un acteur et un producteur. On est comme quatre spécialistes sur une table d’opération. Les candidats qui traversent les mailles du filet ont du mérite.

Avez-vous donné votre opinion ou influé sur le choix de ce nouveau jury ?

Je connaissais Giuliano, avec lequel j’ai un projet, mais je ne savais pas du tout qu’il allait intégrer le jury. Au mois de juin dernier, on m’avait demandé de venir en urgence pour donner mon sentiment sur les nouveaux jurés, qui étaient sur le point de signer leurs contrats. Il y a eu des discussions, car je ne voulais pas revivre ce que j’ai vécu sur d’autres saisons. Chacun de nous doit compléter l’autre. C’est comme une équipe de foot. Imaginez que sur votre ligne d’attaque, il n’y ait pas d’attaquant ! Ça s’est passé avec Smaïn. Je me suis retrouvé à jouer tous les rôles, à devoir être dur, gentil, à tout faire ! Et ce n’était pas moi. Je suis naturellement quelqu’un d’assez direct. Je voulais redevenir moi-même, et que quelqu’un vienne arrondir les angles. La complémentarité du groupe est très importante. Et puis on ne couche pas ensemble (rires), mais il faut s’entendre tout de même ! On passe des dizaines d’heures ensemble.

Après neuf saisons, êtes-vous toujours surpris par les candidats ?

Oui ! Cette émission, j’aurais aimé l’inventer. Elle correspond parfaitement à mes goûts. L’éclectisme est quelque chose de profondément ancré chez moi. Je n’aime pas être enfermé dans des chapelles, comme ces gens qui n’aiment que l’opéra, le cinéma ou le théâtre. En plus, ils méprisent les autres formes de culture. J’aime me balader un peu partout. Je suis aussi très attaché à la forme du musical, le fait de passer d’un numéro à un autre. C’est une forme à la fois très ancienne et très moderne. Je n’aime pas les spectacles qui durent trop longtemps. Ça donne l’impression qu’ils sont en train de repeindre la Joconde et qu’il ne faut pas y toucher. Donnez-moi une paire de ciseaux (rires) !

En effet, vous avez utilisé votre Golden Buzzer sur un numéro très court, celui de Stevie Starr. Pourquoi ce choix ?

Il a des années de métier derrière lui cet homme, et je pense qu’on n’a encore rien vu de ses talents. Il a abattu un dix sur son premier numéro, qui était pourtant très impressionnant. On n’a pas encore vu une carte plus haute.

Regrettez-vous de ne pas avoir pu utiliser votre Golden Buzzer par la suite ?

Je l’aurais bien donné aussi à Ava. Elle nous a vraiment fait rire. Le truc, c’est que pendant la première journée, on n’a pas osé se servir du Golden Buzzer. On était trop nerveux, on ne connaissait pas la mécanique. Mais après, on s’en serait presque trop servi. Il faut vraiment buzzer sur un numéro qui te corresponde. Celui de Stevie me ressemblait, mais Ava était encore plus dans ma veine.

« J’aurais bien donné mon Golden Buzzer à Ava »

Comment se sont déroulés les castings à Marseille ?

C’était génial, les gens étaient tellement contents qu’on vienne les voir. Ça a été un sacré barnum. Ça faisait longtemps qu’on voulait sortir de notre quotidien. C’est plaisant de se retrouver entre copains à l’hôtel. Il y avait un joyeux esprit de colonie de vacances.

Pour la première fois, vous avez dû annoncer vous-mêmes aux candidats qu’ils n’étaient pas retenus lors de la dernière ligne droite. Comment ça s’est passé ?

C’était effrayant ! Je n’ai pas du tout aimé ça, mais ça donne une tension dramatique supplémentaire. Avant, la délibération durait 10 à 15 minutes à la télé, et pour nous 6 ou 7 heures. Il n’y avait pas vraiment de tension dramatique. Là, on voit sur leurs têtes qu’ils ne savent pas ce qu’on va dire. Ils sautent de joie, ils pleurent, ils ne comprennent pas... Je me souviens d’une dame à qui on annonce que c’est oui. C’est vraiment la chance de sa vie. Elle ne réalise pas, et pour détendre l’atmosphère, je lance une blague : « Vous savez dans ce métier, pour réussir, il faut coucher ». Et là, sous le coup de l’émotion, elle me dit : « Ah, faut coucher ?! » (rires). Tout se mélange : joie, tristesse, incompréhension... Certains ne comprennent pas tout de suite qu’on leur a dit oui. Ça va être génial à voir à la télé (rires).

Comment avez-vous vécu l’incident du numéro où une jeune femme a pris feu ?

Je ne voyais pas grand-chose, car j’étais dans ce numéro avec une torche à chaque main et un serpent dans le cou ! Là, j’ai commencé à entendre des cris. Je me suis dit « Ah, il y a beaucoup de serpents peut-être... Pourquoi les gens crient autant ? ». Je me suis rendu compte que le public criait de peur. Et j’ai senti l’odeur de la peau brûlée. Je me suis demandé si je n’étais pas en feu moi-même, et si là douleur n’allait pas arriver d’une seconde à l’autre. Je ne pouvais pas bouger pour savoir ce qui se passait. C’était assez impressionnant.

Quel est le plus gros challenge pour vous sur une émission comme La France a un incroyable talent ?

Dans cette émission, le plus gros défi est de ne pas se répéter. On ne peut pas dire cent fois des formules rigolotes comme « C’est tellement mauvais que ça en est brillant » (rires) ou « Vous n’êtes pas le plus mauvais, mais jusqu’à nouvel ordre, vous allez l’être ! ». C’est dur d’être un bon juge qui ne fait pas des phrases pour des phrases. Cet exercice de juger une trentaine d’artistes en une soirée et de trouver les mots à chaque fois n’est pas simple. On attrape parfois des tics verbaux, comme Giuliano qui disait souvent « C’est super ». À chaque fois, c’est super (rires). Tu es obligé d’élargir ton vocabulaire. D’ailleurs, j’ai des petites fiches avec juste des adjectifs. Ça sécurise, mais en fait, on n’a pas le temps de les regarder. Pendant les trajets en bus, on s’amusait aussi à lire des poèmes de Victor Hugo et d’autres livres. Cela nous permet de jouer avec les mots. On a le devoir d’utiliser un bon phrasé en tant que juré.