Toutelatele

Guilaine Chenu (directrice des contenus de LCP) : « L’actualité a du talent, elle est forte. Les gens ont un besoin de comprendre »

Joshua Daguenet
Par
Rédacteur TV & Séries
Publié le 31/01/2019 à 15:58 Mis à jour le 27/05/2022 à 00:43

Depuis juin 2018, LCP est dirigée par une nouvelle direction, avec Bertrand Delais et Guilaine Chenu au sommet de sa hiérarchie. Cette dernière a fait le point avec Toutelatele sur les changements opérés par la chaîne et rappelé la différenciation de la celle-ci vis-à-vis de la concurrence alors que se profilent les élections européennes.

Joshua Daguenet : Quel bilan tirer de la nouvelle direction de LCP, arrivée en juin 2018 ?

Guilaine Chenu : Nous avons, avec Bertrand Delais (PDG de LCP, ndlr), recentré l’échelle sur le travail parlementaire. LCP n’est pas une chaîne d’information mais celle de la politique, de la citoyenneté, du patrimoine et de l’Assemblée. L’émission quotidienne, Ça vous regarde, a la mission de raconter ce qui se passe dans tout le Parlement : dans l’Hémicycle, en commission et dans les auditions. Nous avons développé notre politique de contenu avec des portraits de politiques à travers Émois et moi, en pensant que le public avait besoin de les connaître et comprendre le sens de leur engagement. Le rendez-vous Circo permet, quant à lui, de voir à l’œuvre le travail des députés à travers leur circonscription. Nous avons aussi lancé des émissions de débat avec N’ayons pas peur des mots qui a fait les grandes heures de I-Télé/Cnews, lancé Rembob’Ina, qui éclaire les archives du passé.

Peut-on évoquer une mutation de l’Hémicycle depuis l’élection d’Emmanuel Macron et celle de députés qui n’étaient pas issus du milieu politique ?

Oui, l’Assemblée ne ressemble à aucune autre précédente. Cette période est intéressante car il y a des profils que l’on ne connaissait pas : des entrepreneurs, des personnes engagées dans l’associatif. Cela donne une coloration très différente et pour les journalistes, c’est un moment passionnant.

Comment LCP a-t-elle adapté sa ligne éditoriale à ce profond changement ?

En lançant l’émission Émois et moi. Avec 400 nouveaux visages, notre rôle est de faire découvrir leur provenance et de quel univers professionnel ils proviennent.

Un sondage estime qu’un tiers des Français font confiance aux médias. Ces derniers sont-ils l’un des bouc-émissaires de la crise sociale, à l’instar des politiques ?

Malheureusement, nous sommes souvent associés aux institutions et au rejet des politiques. Cela est très dommageable. Sur LCP, nous avons diffusé un documentaire qui montre comment travaillent les journalistes, les difficultés et les doutes que nous traversons. Plus cela est porté sur la voie publique et plus le public comprendra. Nous ne sommes pas que des porte-voix mais des témoins et des passeurs. Nous passons pour des journalistes engagés et des idéologues.

« Nous n’avons pas traité les manifestations des gilets jaunes comme les autres chaînes. Nous les avons couverts à travers le regard des députés et constaté comment ils se positionnaient »

Les médias ont-ils contribué à faire durer les gilets jaunes ?

Nous n’avons pas traité les manifestations des gilets jaunes comme les autres chaînes. Nous les avons couverts à travers le regard des députés et constaté comment ils se positionnaient. Nous avons décelé une peur, même physique. Faire l’événement ou faire événement, pourquoi pas... Lorsque la commission des affaires étrangères de l’Assemblée se penche sur le sort de l’Irak et des communautés, LCP accompagne ce travail en mettant en lumière la souffrance des femmes yézidies, transformées par Daesh en esclaves sexuelles, et les bébés de ces viols. Nous faisons alors notre travail de journaliste et créons l’événement en posant publiquement un tabou.

LCP a augmenté son audience de 30% mais les autres chaînes d’information ont également obtenu des records d’audience. Doit-on relativiser ces bons chiffres de par l’actualité récente ?

Évidemment, il y a un relativisme. À LCP, l’audience n’est pas une fin en soi. En revanche, l’actualité a du talent, elle est forte. Les gens ont un besoin de comprendre. Mais, nous n’allons pas tirer de conclusions, les émissions et les marques mettent du temps à s’installer.

LCP s’attarde-t-elle déjà à préparer les élections européennes, les premières en deux ans ?

Là-aussi, nous allons marquer notre singularité en dédiant une semaine à l’Europe avec un documentaire par soir et des débats. Toute notre antenne et nos émissions seront aux couleurs de l’Europe. Le jour des résultats, d’autres chaînes seront plus puissantes pour donner et commenter ces résultats.

Après l’arrivée de Patrick Cohen, d’autres têtes d’affiche pourraient-elles débarquer sur l’antenne ?

Ce n’est pas un objectif. Patrick Cohen est un immense professionnel et un excellent journaliste. Je trouve qu’il a toute sa place sur LCP parce que c’est un homme fan d’archives et nous avons conçu Rembob’Ina pour lui. Je pense aussi à Elizabeth Martichoux et Myriam Encacoua. Tous représentent un journalisme sérieux et non partisan.