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Hélène Fillières (Mafiosa - saison 5) : « Sandra est prisonnière du monstre qui est en elle »

Claire Varin
Publié le 21/04/2014 à 13:26 Mis à jour le 09/05/2014 à 12:50

A l’occasion de la diffusion de la cinquième et dernière saison de Mafiosa sur Canal+, Hélène Fillières évoque la série, sa fin, son personnage et la manière dont Sandra Paoli l’a transformée. Rencontre avec l’actrice.

Vous avez déclaré que cette saison 5 de Mafiosa était votre préférée. Pouvez-vous en expliquer la raison ?

Hélène Fillières : Le personnage a vraiment atteint l’apogée de sa destinée. Elle a été au bout de sa violence intérieure. Qu’est-ce qu’elle peut faire de pire que de tuer son frère ? À partir de là, elle tente une sorte de réconciliation avec elle-même. Et je trouve que les croisements des trajectoires des personnages sont parfaites : entre la nièce et la tante ; entre Tony, Manu et Sandra. Je dis toujours que Sandra, dans cette saison, c’est mon moi idéale. Elle est à la fois forte, assez virile, bien sûr machiavélique, dure et puissante. Et en même temps, on sent sa vulnérabilité psychique.

Aviez-vous beaucoup d’attentes par rapport à cette ultime saison de la série ?

Ce que Pierre Leccia a apporté en saison 4 a donné un élan à Mafiosa totalement différent de précédemment. C’est beaucoup plus puissant et ça va beaucoup plus loin. La réalisation est totalement assumée dans son style, son élégance et sa noirceur. Quand j’ai lu le scénario, je savais comment ça allait se terminer.

Aimez-vous la fin préparée pour cette série ?

Oui, je la trouve très ambiguë et très juste pour les personnages. Quand on écrit et qu’on fait de la fiction, on cherche la vérité. La vérité de ces personnages est vraiment là. Il n’y a aucun artifice. Personne ne cherche à prouver quoi que ce soit dans cette saison. Tout ça est derrière nous, en particulier pour Sandra, elle n’a plus rien à prouver. J’aimais beaucoup le conflit avec le frère dans la saison 3. C’était très beau sur cette place de la femme, embarrassante pour elle, d’avoir été choisie à la place de l’homme pour être à la tête du clan. Il y avait une sorte de culpabilité, de fardeau. Puis, le monstre s’est révélé en elle. Dans la saison 5, c’est vivre avec le monstre qu’elle est, sans ne plus le subir.

On note une réelle transformation physique. Comment l’avez-vous travaillée ?

Il y a des choses qui sont travaillées avec - et demandées par - le metteur en scène. Il est très attentif à la voix. Les premiers jours de tournage, je suis encore Hélène Fillières. Et très vite, Sandra apparaît donc la voix tombe naturellement. Mais c’est vrai que j’ai changé quelque chose dans mon attitude. Même dans les costumes, cette saison, on est sur une seule ligne. Elle est quasiment habillée tout le temps pareil. C’est comme une armure. Elle est comme un samouraï. Je pensais beaucoup à Delon. Le film de Melville était une de mes références. J’aime l’impassibilité du samouraï, qui est chez Delon et, je l’espère, un peu dans Sandra. Les voyous, c’est le paroxysme de la virilité. Sandra est très forte et en même temps très fluette. Je suis toute petite par rapport à eux. Et pourtant, je fais peur. J’aime cette contradiction.

Avez-vous pris en compte dans votre jeu le fait qu’elle soit passée par la prison ?

Je n’y ai jamais pensé, d’autant qu’on a tourné les scènes de prison lors des trois derniers jours de tournage (rire). Dans le monde des voyous, on n’est pas un homme tant qu’on n’a pas fait de prison. Mais j’aimais bien toutes ces scènes de prison parce que Sandra est dans une prison intérieure. Elle est prisonnière du monstre qui est en elle, du système et de ce statut. Mais je l’ai toujours plutôt vécu comme un virus plutôt que comme une pulsion.

« C’est beaucoup plus puissant et ça va beaucoup plus loin »

Quitter ce personnage a-t-il été difficile ?

Je ne l’ai pas encore tout à fait quitté. On se ressemble beaucoup. Dans la vie, je m’habille comme elle. Ou elle s’habille comme moi, je ne sais pas. Et comme elle, je suis quelqu’un d’assez sombre, d’assez dure et autoritaire. À la fin du tournage, ça crée un petit gouffre. Maintenant qu’elle n’est plus là, est-ce qu’il va me rester un petit peu de sa puissance dans la vie de tous les jours ? Je l’espère.

Qu’apporte un rôle comme celui-ci dans une carrière d’actrice ?

Ça m’a donné une plus grande notoriété. En tant qu’actrice de cinéma, je fais plus des films d’auteur. Mafiosa m’a donnée plus de visibilité. Mais au-delà de ça, les gens ne m’imaginaient pas dans ce rôle. Je ne dégageais pas ce genre de puissance et de noirceur dans mes rôles précédents. Maintenant, on me propose davantage de rôles de femmes fortes. Le personnage de Sandra Paoli m’a apporté davantage de confiance en moi qui m’a énormément aidé en tant que réalisatrice. Et le thème de Mafiosa me travaille et me parle, ça influe aussi sur mes choix après. [Le second long métrage réalisé par Hélène Fillières racontera l’histoire d’une jeune fille de vingt ans, qui décide de s’engager dans l’Armée, ndlr.]

La question du genre semble accompagner votre travail...

Je dis souvent que Mafiosa s’inscrit dans le monde contemporain parce que c’est une femme à la tête d’un clan d’hommes. C’est, bien sûr, une question qui me travaille. Comment fait-on quand on est une femme pour s’imposer ? Quelles sont nos limites ? Quels combats mène-t-on ? Cherche-t-on vraiment l’égalité ? Je n’en suis pas sûre. Simone de Beauvoir dit « On ne naît pas femme, on le devient ». Cette phrase me fait penser que l’on ne naît pas femme, on l’accepte. On accepte notre condition dans un monde phallocratique. On n’est pas égaux, on est différent. Et je crois qu’on envie la puissance des hommes. Mafiosa doit davantage s’adresser aux femmes. Quand on regarde les affiches de Braquo, on voit des flingues, des trucs phalliques et machistes. Je n’ai pas besoin d’un gun, moi ! (rires)