Ice show : rétrospective d’une déception internationale

L’Angleterre, l’Italie, l’Allemagne, les États-Unis, l’Australie, l’Espagne, l’Argentine, le Chili, la Belgique, les Pays-Bas et même la France ont déjà tenté de faire patiner les stars en prime time. C’est à la suite des belles performances du patinage artistique lors des Jeux olympiques d’hiver de Turin en 2006 que de nombreuses chaînes ont tenté de surfer sur cette vague glacée. BBC Worldwide Productions, ITV Studios et Fox/Endemol ont proposé trois formats similaires. Retour sur les performances de ces programmes à travers le monde...

Des personnalités défiaient déjà la glace en 2006... sur TF1. Le 3 juin de cette année, la Une lançait Le Grand défi de la glace, produit par Endemol et présenté par Flavie Flament et… Philippe Candelero, coach aujourd’hui dans Ice show. À l’époque, Sarah Abitbol faisait équipe avec Jean-Pascal Lacoste (Star Academy) et Surya Bonaly entraînait Philippe Corti. 5.6 millions de téléspectateurs avaient répondu présent ce soir-là, soit 32% de part d’audience auprès de l’ensemble du public et 36% des ménagères de moins de 50 ans. Une performance jugée insuffisante à l’époque.

TF1 et Endemol avaient ainsi adapté le format Skating with celebrities diffusé un peu plus tôt cette année-là aux États-Unis sur FOX. La manœuvre n’était évidemment pas désintéressée puisque le patinage artistique avait atteint jusqu’à 6.3 millions de téléspectateurs (28.9% de part d’audience) en prime time sur France 2 durant les J.O d’hiver en février 2006. Des pointes à 9.3 millions de curieux (54% de PdA) avaient même été mesurées pendant les prestations des patineurs français. En février 2013, Télé 7 jours annonce que TF1 planche sur le retour du patinage, cette fois-ci en adaptant Strictly ice Dancing(/Skating with the stars) produit par BBC World Wide, avec à la présentation Philipe Candelero et Lorie. M6 n’a cependant pas laissé passer son tour après l’affrontement autour du concept Splash !.

En 2008, BBC Entertainment propose à la chaîne chilienne TVN son format Strictly ice Dancing (identique à Dancing on Ice de ITV) sous le nom Estrellas en el hielo : el baile. Le lancement affiche près de 50% de part d’audience pour décliner progressivement et s’achever sous la barre des 30%. Un score jugé insuffisant pour le diffuseur. En Argentine, le format a connu plus de succès avec plusieurs saisons à son actif. Patinando por un sueño est programmé sur les chaînes du groupe Clarín (Canal 13, Volver). En 2012, l’émission affichait encore 4.4 millions de téléspectateurs, une belle performance pour un pays qui compte 40 millions d’habitants. Patinando por un sueño est d’ailleurs toujours l’un des divertissements les plus fédérateurs en Argentine à l’occasion de sa 4e saison.

Pour surfer sur le succès de sa concurrente NBC qui diffusait alors les J.O d’hiver de Turin, FOX s’est associée à A.Smith & Co. Productions pour proposer, dès les 18 janvier 2006, Skating with celebrities. Des stars dansent avec des patineurs professionnels et 18.7 millions d’Américains répondent présent avec un taux correct pour l’époque de 7.2% auprès des 18-49 ans qui font et défont la télévision américaine. Le programme profite pour son lancement de la locomotive American Idol (33.8 millions de téléspectateurs). Quelques jours plus tard, la nouveauté accuse une érosion avec un taux de 3.7% auprès des 18-49 ans. Le 27 février 2006, le concours de patinage de FOX s’achève devant 8.7 millions de fidèles et un taux médiocre de 2.8%. Le verdict est sans appel...

En 2010, ABC remet le couvert et croit au format de BBC WorldWide. Elle diffuse dès le 22 novembre 2010 Skating with the stars. Alors que 23.7 millions d’Américains ont les yeux rivés sur la version américaine de Danse avec les stars à 20 heures, le coup d’envoi de Skating with the stars ne fédère « que » 9.4 millions de curieux. Le programme est considéré comme l’un des plus gros échecs de l’hiver, toutes chaînes confondues, avec tout un taux moyen de 0.8% auprès des 18-49 ans pour le reste de la compétition. L’aventure du patinage s’arrête ici pour les networks.

À l’automne 2006, RTL et Prosieben s’affrontent sur la glace. Tandis que la première mise sur Dancing on Ice produite par Granada Studios (ITV), la concurrente décide de se rabattre sur Stars auf Eis, proposée à partir de la licence vendue par Fox Studios à With Witt Sports & Entertainment et Pro7. Cette dernière s’offre pour l’occasion les services de Katarina Witt, double championne olympique, quatre fois championne du monde et six fois championne d’Europe. Une belle opération que le directeur des programmes de la chaîne privée n’hésite pas à utiliser pour railler la concurrence : « Le patinage artistique sans Katarina Witt, c’est comme diffuser la Formule 1 sans Michael Schumacher ». Le ton est donné...

Dancing on Ice est lancée le 9 octobre 2006 en prime time pour 7 numéros. 4.86 millions d’Allemands sont au rendez-vous, pour 18.2% des 3 ans et plus. Un score en dessous du Danse avec les stars local diffusé sur la même chaîne qui, lui, culmine à 7 millions de téléspectateurs. Avec 14.3% de part d’audience en moyenne, dont seulement 15% chez les 18-49 ans, le programme n’est pas reconduit. La finale, proposée le 2 décembre 2006, totalise seulement 12% de part d’audience chez les jeunes, un score décevant pour cette chaîne commerciale.

Prosieben lance sa version 9 jours après RTL. Le concours de patinage est ici plus orienté sur les documentaires avec, notamment, des reportages approfondis sur les préparatifs, tandis que la chaîne concurrente mise essentiellement sur le show avec les prestations en direct. Le programme peut compter sur deux saisons. La première totalise 2.5 millions de fidèles, pour 11% des 14-49 ans (contre 11.4% en moyenne pour la station cette saison-là sur la cible commerciale). La seconde, proposée en 2007, est une déception avec 1.9 million de téléspectateurs et moins de 9% sur les 14-49 ans(12.1% de moyenne cette année-là). Stars auf Eis est annulée.

À noter que le divertissement aura cumulé de nombreuses blessures chez les patineurs : dislocation de l’épaule en direct, fracture du péroné ou encore ligaments déchirés ont rythmé les deux saisons du programme allemand.

En Italie, alors que la chaîne privée Canal 5 envisage une adaptation de Dancing on Ice, le service public dégaine le plus vite pour surfer au maximum sur le succès des Jeux olympiques de Turin, qui avaient réuni jusqu’à 7.13 millions de téléspectateurs sur RAI 2 (27% de PdA) en prime time. Diffusé dans la précipitation, le show adapté par Endemol s’attire les foudres des critiques : la scénographie est jugée désastreuse -un comble pour un tel programme-, les interventions des présentateurs sont trop longues, le jury n’est pas connu du grand public, tandis que la technique est trop mise en avant au détriment de l’aspect artistique.

Le 21 avril 2006, le lancement Notti sul ghiaccio séduit alors 6.16 millions d’Italiens, pour 30% de part d’audience le vendredi soir. La finale diffusée un samedi face au Qui veut gagner des millions sur Canal 5 (3.49 millions de fidèles / 19.3%) attire 4.93 millions d’Italiens, ce qui représente 29.4% de part de marché. Une saison 2 voit le jour, mais les audiences déclinantes du divertissement et les restrictions budgétaires du service public poussent RAI Uno à annuler le programme en avril 2007.

Le 13 septembre 2006, la chaîne privée espagnole leader Telecinco se lance dans l’aventure et diffuse en prime time Desafío bajo cero. Parmi les candidats, les téléspectateurs peuvent retrouver Beatriz Luengo de la série Un, dos, tres (M6). La première du concours attire 2.72 millions de curieux, soit 19.2% de part d’audience. Des scores juste satisfaisants pour le canal. L’émission change alors de case. En vain, le deuxième numéro attire 17.9% du public, tandis que l’érosion se poursuit la semaine suivant avec une part d’audience de seulement 14.7%. Telecinco écourte l’aventure et diffusera dans la précipitation une finale afin d’élire un gagnant.

Les Anglais restent les plus friands de la compétition sur glace. C’est le service public qui a ouvert les hostilités outre-Manche avec la diffusion, le 26 décembre 2004, de Strictly Ice Dancing, la version sur glace de Danse avec les stars. Entre 18h30 et 20h30, le divertissement réunit 7.24 millions de téléspectateurs (audience consolidée) contre 9 millions pour Danse avec les stars le mercredi précédent. Deux ans plus tard, la chaîne privée ITV crée Dancing on Ice. Avec un pic d’audience à 11.1 millions d’individus pour le coup d’envoi, le samedi 14 janvier 2006, le pari est réussi.

Le programme est découpé en deux parties, à l’instar de Danse avec les stars sur BBC One, avec les performances dans un premier temps et les résultats des votes révélés un peu plus tard dans la soirée. Le programme draine plus de 40% du public lors des premières saisons et créé l’événement avec la participation de stars internationales, dont Pamela Anderson. La 7e saison du programme en 2012 marque son déclin avec 7.24 millions d’Anglais en moyenne pour les performances des patineurs contre 9.62 millions trois ans auparavant. Le samedi soir, Incroyable talent draine plus de 10 millions de curieux sur la même chaîne.

Le 27 janvier 2013, le programme passe pour la première fois sous la barre des 5 millions de téléspectateurs. Le concours de patinage n’est plus capable de se placer en tête des audiences. Avec une conclusion suivie par 6.63 millions d’individus le 10 mars 2013, ITV décide d’annuler Dancing on ice au terme de sa neuvième saison en 2014.

Si dans les années 90, TF1 rayonnait avec le Trophée Lalique (plus de 34% de part d’audience en seconde partie de soirée), le service public peine aujourd’hui à rassembler un nombre important de téléspectateurs autour de cette discipline. Il faut remonter à 2006 pour retrouver des audiences records. Les Championnats d’Europe de patinage dépassaient à peine les 8% de part d’audience en 2010 sur France 3. Si TF1 est parvenu à faire entrer la danse de salon dans les ménages français, M6 parviendra-t-elle a en faire autant avec le patinage ? Mis à part ITV, aucune chaîne de télévision en Europe n’a réussi à relever un tel défi.