Etienne Liebig (Les Grandes Gueules) : « Je suis passionné, surtout par les insultes et les menaces »
Depuis mai 2009, Etienne Liebig défend ses idées et se présente en farouche opposant de « l’extrême-droite » dans Les Grandes Gueules, diffusées du lundi au vendredi à 9h00 sur RMC Story. Est-il inquiet pour 2022 ?
Joshua Daguenet : Après la mort de Samuel Paty, d’autres enseignants ont été menacés et publiquement dénoncés pour des comportements jugés islamophobes. Pour vous, éducateur, qui du corps enseignant ou de ces étudiants doivent revoir leur copie ?
Etienne Liebig : Je pense que l’école est simplement le reflet de ce qui se passe dans la société. On ne soigne pas un symptôme comme celui-là uniquement dans le cadre de l’école. Les gens se raidissent sur leurs positions. Certains ont peur pour leur avenir, ont l’impression que la France qu’ils ont connue est en train de changer. Aux USA, il existe cette peur que le pouvoir noir va prendre le pas sur la tradition blanche. En France, il y a celle de perdre une identité et les politiques jouent énormément dessus.
Après « l’ensauvagement », le terme « islamo-gauchisme » devient récurrent dans les débats. Vous, qui défendez les valeurs de la gauche, vous sentez-vous un « islamo-gauchiste » d’après la définition qui en a été faite par leurs auteurs ?
Ceux qui sont morts à Charlie Hebdo sont des copains, notamment Tignous qui habitait à 20 mètres d’où je travaillais. On mangeait tous les jours ensemble. Nous n’avions pas la distance d’une feuille à cigarettes dans notre façon de penser et il est mort. Me traiter d’islamo-gauchiste, c’est comme si on l’insultait lui. C’est absurde. Derrière, il y a un mouvement politique pour casser la gauche en nous associant à des criminels. Moi qui suis universitaire, j’aimerais bien comprendre ce que cela signifie. La droite a promu des replis identitaires par son comportement et je ne connais pas une seule personne de gauche liée de près ou de loin à l’islamisme.
En douze années de participation aux Grandes Gueules, trouvez-vous que la société française s’est dégradée et que la violence est plus présente, comme beaucoup le prétendent ?
Aucun éducateur ne dira ça. Quand j’ai entamé mon parcours, c’était la période de l’héroïne, on ramassait des gens par terre et tout le monde se défonçait. En revanche, il y a plus de récupération politique. Je suis révolté, car un gamin de 11 ans s’est jeté par la fenêtre et il est mort parce qu’il avait été accusé de harcèlement scolaire dans son établissement et puni par sa mère. En ce moment, on est en train de tout simplifier, les méchants, les gentils, on n’oublie que l’on a affaire à des adolescents. Ils n’ont pas 25 ans...
« Si Marine Le Pen gagne en 2022, elle va emmerder les gens en difficulté, mais sinon, ça ne changera pas la société »
Vous faites peut-être écho à l’affaire Alisha...
Ce sont des meurtriers et ils iront en prison. La question de leur culpabilité ne se pose pas, mais plutôt qu’a-t-il été fait avant et qu’avons-nous fait de ces ados ? La petite Alisha était harcelée et nous n’avons rien fait. Quand un ado fait une connerie, celle d’harceler, l’établissement va immédiatement sortir la grande artillerie. Il manque des interlocuteurs. Madame Pécresse a indiqué qu’il fallait armer les policiers municipaux pour répondre à des gamins de 13 ans. La réponse est débile.
Avez-vous des appréhensions sur les prochains élections présidentielles ?
Je suis partagé. Je pense qu’une fois qu’on se retrouve au pouvoir, on ne fait pas grand-chose de ce qu’on avait engagé. Si Marine Le Pen gagne, elle va emmerder les gens en difficulté, mais sinon, ça ne changera pas la société. Quand on l’entend, elle n’est pas armée sur le plan conceptuel et son programme répond à des pulsions populaires. Si le Rassemblement National passe, il agira un peu plus à droite que Macron, mais ça ne changera pas radicalement les choses. J’ai peur, en revanche, que des gens manifestent dans la rue et que cela engendre de la violence.
Vous avez été l’un des rares à défendre Corinne Masiero, apparue nue et dégoulinante aux César. Comme l’a souligné Gérard Jugnot, cette cérémonie va-t-elle redonner le goût du cinéma français au public ?
Qui va faire quelque chose d’un peu rigolo, choquer, sortir de l’ordinaire ou se mettre nu pour revendiquer si les acteurs ne le font pas ? On n’entend que des politiques ou des médecins, il y’en a marre ! Au moins, elle a fait une « politique action » et je trouve ça très bien. Se mettre nu pour revendiquer, c’est une tradition qui date d’avant la Révolution.
« Les gens ont une haine sociale, car ils ne supportent pas la contradiction »
Comment avez-vous poursuivi votre passion pour le saxophone depuis l’éclosion de la crise sanitaire ?
Le 14 mars 2020 au soir, je faisais un concert et je voyais la tête du mec qui tenait la salle devenir jaune, car il devait fermer sa salle. Pour un musicien, on travaille l’instrument et je continue à m’exercer. Quand j’ai une heure ou deux, en rentrant du boulot, je joue et je continue à le faire avec des copains. On ne s’est pas arrêtés de travailler pour autant. Nous, on ne prend plus de cours depuis des années, on travaille par nous-mêmes.
Vous êtes très actif sur les réseaux sociaux et vous relevez fréquemment les messages désagréables qui vous sont adressés. Au-delà du relai, comment accueilliez-vous ces attaques ?
Je suis passionné, surtout par les insultes et les menaces. J’en reçois beaucoup. Il faut penser qu’il y a un homme ou une femme adulte qui m’insulte, mais d’une manière incroyable comme un gamin de 12 ans. Et cette personne va trouver que la jeunesse est très violente alors qu’elle ne se rend même pas compte qu’elle décharge sur une personne qu’elle ne rencontrera jamais. Je peux comprendre qu’on m’interpelle pour me faire part de son désaccord, mais m’insulter ou me menacer, cela me passionne intellectuellement.
Avez-vous trouvé une explication ?
Ils ont une haine sociale, car ils ne supportent plus la contradiction. Quand j’ai indiqué m’être fait vacciner par l’AstraZeneca, on m’a dit que j’allais crever, qu’il était horrible de pousser les gens à se faire vacciner et que je serai responsable des morts...