Fréderic Joly / Exclusif : « L’arrivée de Loft Story a été une déflagration considérable »
Pour les 20 ans de Toutelatele, Frédéric Joly, actuel dirigeant de 909 productions, est revenu sur le destin d’Exclusif, l’émission quotidienne de TF1 qu’il a animé pendant quatre ans.
Toutelatele : Le 18 mai 1998, TF1 révolutionne ses fins d’après-midi en supprimant son jeu Touché gagné et en installant un nouveau magazine quotidien, Exclusif, à 18h25, face à la concurrence de France 2, Hartley cœur à vif. Vous souvenez-vous du lancement d’Exclusif avec le duo Thierry Clopeau et Emmanuelle Gaume ?
Frédéric Joly : Je m’en souviens très bien. TF1 voulait faire un vrai journal avec un présentateur qui incarnait la profession, vêtu d’un costume aux côtés d’une Emmanuelle Gaume très habillée. Le ton était assez froid et formel. À l’époque, j’étais sur France 2 à l’animation de Séries illimitées. J’étais très attiré par cette thématique axée sur les séries, les films et l’actualité des gens célèbres, comme on disait en ces temps. Il y avait un décalage énorme entre l’image du présentateur et le contenu du programme. C’est effectivement un souvenir qui m’a marqué.
Le 28 septembre 1998, vous arrivez sur TF1 dans Exclusif, en lieu et place de Thierry Clopeau. Pourquoi un tel changement si soudain ?
Il y avait un véritable choc entre le fond de l’émission et le ton des animateurs avant mon arrivée. Je pense que la direction de TF1 avait l’envie claire de changer cela en cassant les codes du journal classique, pour en faire une émission de divertissement beaucoup plus légère et plus spontanée.
Le changement d’animateur a eu lieu après la rentrée, le vendredi 25 septembre, le public a eu rendez-vous avec Thierry Clopeau et le lundi suivant avec vous. Pouvez-vous revenir sur ce point ?
Pendant l’été précédent, j’étais parti dans les coulisses de la série Urgences à Los Angeles afin de raconter comment ce show pouvait exister. On avait une interview exclusive de George Clooney. Sans véritablement le savoir, on reprenait le concept d’Exclusif sur France 2, le tout avec un ton assez léger adapté au divertissement. En revenant en France, cette émission a cartonné sur France 2 en battant TF1. Quelques jours plus tard, j’ai reçu un appel de Stéphane Courbit, dirigeant de Case Productions (producteur d’Exclusif, ndlr). À mon arrivée dans l’émission, il fallait tout changer. Notamment, Emmanuelle Gaume a complètement changé de look. Le vendredi, elle avait une robe longue et les cheveux attachés, puis le lundi, elle est arrivée en jean et les cheveux lâchés.
Un nouveau ton s’est mis en place, TF1 est passée de la présentation du JT à de l’animation…
Oui, on est passé de quelque chose de très formel à quelque chose de plus léger en veine de la thématique abordée chaque soir.
« À mon arrivée dans Exclusif, il fallait tout changer »
Emmanuelle Gaume est restée toute la saison avec vous, puis des évolutions ont été opérées, avec de nouvelles co-animatrices comme Flavie Flament en septembre 2000 et Valérie Bénaïm à la rentrée 2001. Pourquoi de tels changements ?
Emmanuelle Gaume était très attirée par la musique classique. Je pense qu’à partir d’un moment, parler de la vie de Brad Pitt ou Julia Roberts devait la « gonfler » un peu. À cette époque, elle a eu une proposition de Canal + pour animer Nulle part ailleurs, elle est partie assez rapidement. Avec Flavie Flament, cela a été une petite tornade dans la vie d’Exclusif grâce à son peps et son envie. Elle apportait un ton à cette émission et il y avait une véritable complicité entre nous. En parallèle, elle animait Stars à domicile et cela a dû être compliqué de gérer ces deux programmes en même temps. Elle a donc fait le choix de partir. Enfin, Valérie Benaïm est arrivée pour la dernière année.
Pouvez-vous nous égrener d’autres talents passés dans Exclusif ?
Beaucoup de talents sont passés par Exclusif avant de briller à la télévision. L’une des plus connues est Valérie Damidot. Elle était journaliste. Il y a également eu Jonathan Lambert. Ils étaient tous les deux à l’antenne. Du côté de la rédaction, Alexia Laroche-Joubert était la rédactrice en chef et a démarré sa carrière télévisuelle avec Exclusif.
Exclusif est l’adaptation du format américain Entertainment Tonight. Comment s’est passée la relation avec les États-Unis ?
Entertainment Tonight existait depuis bien longtemps. On avait un lien direct avec les États-Unis. Chaque jour, notre équipe récupérait des images envoyées par les Américains. Le lien était quotidien entre l’Amérique et la France. Une grande partie des sujets nous arrivait directement d’Hollywood. C’est ce qui a donné de la force et de la couleur à l’émission. On avait des images que personne d’autre n’avait.
Le programme a vécu quatre ans et a connu une certaine stabilité, notamment les trois premières années. Le 27 avril 2001, vous affrontez pour la première fois ce qui allait devenir le phénomène Loft Story. Vous souvenez-vous de cette période ?
Exclusif cartonnait en audience avec 3 à 3.5 millions de téléspectateurs chaque jour. À l’époque, tout le monde connaissait la bonne alchimie entre Flavie Flament et Benjamin Castaldi. Il est alors arrivé sur M6 en face d’Exclusif avec Loft Story, produit par la même société de production, Case productions. Cela a été une déflagration considérable, on a perdu près de 2 millions de téléspectateurs. C’était même devenu une blague, car on se demandait qui nous regardait au moment où 80% des téléspectateurs étaient rivés devant le phénomène Loft Story.
« Exclusif a duré une année de trop »
Le 22 octobre 2001, TF1 lance Star Academy. Exclusif est alors mis en veille pour la quotidienne du programme musical. Comment avez-vous vécu cette période plutôt trouble pour le magazine ?
Pour moi, Exclusif aurait dû durer trois ans au lieu de quatre. La tendance des programmes avait considérablement évolué avec l’arrivée de Star Academy et de Loft Story. Mais aussi, le genre du magazine quotidien commençait à s’essouffler. Finalement, c’est la vie de la télé. L’aventure a duré quatre ans avec une année en trop. Cela a été une période extraordinaire où j’ai appris beaucoup de choses. Je n’ai aucun regret, car elle a aidé de nombreuses personnes à grandir dans le monde de la télévision.
Le 18 mars 2002, la stratégie est modifiée à TF1, un mois après le retour d’Exclusif, la chaîne décide de basculer le programme à 16h25 en direct. Connaissez-vous la raison de cette décision ?
On savait très bien que la saison allait bientôt se terminait et que l’émission ne serait pas reconduite. En tant que professionnels, on a fait le travail nécessaire afin de terminer dignement. À la fin, l’émission s’est terminée dès le mois de mai.
Comment avez-vous appris l’annulation d’Exclusif par TF1 ?
Avec Valérie Bénaïm, on a été invité par Stéphane Courbit à venir dans son bureau. Cela a été assez direct. Il nous a annoncé la fin d’Exclusif. « On s’est bien marrés pendant quatre ans, mais le monde de la télé-réalité a changé beaucoup de choses et TF1 estime qu’il n’y a plus de place pour une émission dans ce format quotidien » nous a-t-il dit. Il n’y avait aucune tristesse, c’était juste un moment qui s’arrêtait. Il a fallu rebondir et repartir à l’aventure. Au-delà de l’usure du format, le genre n’était plus en adéquation avec les besoins des téléspectateurs. Je pense qu’ils voulaient découvrir les histoires de personnes anonymes, d’où le succès des télé-réalités.
Le format d’Exclusif existe encore en Allemagne, tous les soirs à 18h30. Sur une chaîne française, ce genre de programme pourrait-il revenir ?
Le journal quotidien n’a pas vraiment sa place. En revanche, TF1 remplit tout à fait cette mission avec 50 minutes Inside. Donc, il y a toujours de la place pour traiter du monde des stars. Par contre, je n’en suis pas si certain en quotidienne, sauf si on met beaucoup plus d’humeur en plateau avec plusieurs chroniqueurs. La force d’Exclusif était sa capacité de passer d’un sujet à l’autre comme lorsque l’on feuillette les pages d’un magazine. D’ailleurs, Jenifer a fait sa première télé sur le plateau d’Exclusif. On était vraiment connecté à l’industrie du spectacle.
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« Toutelatele, vous avez désormais 20 ans, je pense que c’est le plus beau des âges. Je vous souhaite un merveilleux anniversaire, je vous dis bonne chance pour les 20 prochaines années. » Frédéric Joly, dirigeant de 909 Productions