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Jacky Ido (Taxi Brooklyn) : « Les Américains évitent de trop s’impliquer émotionnellement sur un projet »

Tony Cotte
Publié le 14/04/2014 à 19:02 Mis à jour le 22/04/2014 à 13:54

11 mars 2014. Rendez-vous est pris à l’Hôtel Lancaster avec l’équipe de la série Taxi Brooklyn, le nouveau pari fiction de TF1. Très américaine sur la forme, celle-ci est pourtant réalisé, produite et financé par des Français. A l’écran, si la distribution est essentiellement étrangère, la tête d’affiche s’appelle Jacky Ido. A 36 ans, celui qui est né en Seine-Saint-Denis a déjà tourné pour Quentin Tarantino et aujourd’hui pour Luc Besson. Rencontre

Tony Cotte : Qu’est-ce que l’expérience Inglourious Basterds a changé dans votre carrière ?

Jacky Ido : Tout. [Rires.] C’était une aventure humaine exceptionnelle. J’ai pu travailler avec un chef opérateur que j’admirais depuis la sortie de la fac. Au contact de tous ces professionnels, même si on se plante, on sait qu’on ne peut que progresser. C’était une expérience très enrichissante.

Comment un acteur français, qui a déjà eu certes de l’expérience à l’international, se retrouve à être engagé sur un projet comme celui de Taxi Brooklyn ?

J’ai été contacté directement par Luc Besson. Au début de l’année 2013, le projet était secret. Il m’avait juste indiqué de me préparer pour « une série à New York et un super rôle » sans entrer dans les détails. C’était suffisant pour me motiver et me concentrer uniquement sur ça. C’était une époque où j’avais besoin de faire quelque chose un peu plus sur la longueur. Un rôle comme celui de Leo est une belle exposition et une opportunité de montrer ce que je peux faire. Ce n’est que quelques mois plus tard que j’ai eu connaissance de cette adaptation de Taxi. J’étais encore plus excité.

À quelle occasion avez-vous rencontré Luc Besson pour la première fois ?

À l’époque d’Inglourious Basterds, à Cannes, Yassine Belattar, un ami commun, nous a présentés. J’admirais son travail. Avec la fougue de la jeunesse, je l’ai abordé assez franco. Avec lui, on peut parler sincèrement. Au-delà de l’admiration que j’avais pour ce qu’il a réalisé, j’ai également été époustouflé par l’homme. Nous avons en commun une vraie passion pour le cinéma. Par la suite, sans que je ne lui demande quoi que ce soit, il a aidé mon frère à mettre en place son moyen métrage en nous prêtant notamment du matériel et une salle de montage. Il n’a jamais rien demandé en retour, pas la moindre participation. Mais je ne dis pas ça pour que tout le monde l’appelle pour se faire prêter des affaires. [Rires.]

En campant un Français, deviez-vous garder un accent fort prononcé sur le tournage ?

C’est une question qui s’est posée. Mais l’accent ne fait pas l’origine, il y a d’autres caractéristiques. On a une touche qui n’appartient qu’à nous. On a voulu qu’il y ait un petit accent sans pouvoir l’identifier. J’ai l’habitude de travailler avec Tanya Blumstein sur mes tournages en anglais, elle est la coach de Jean Dujardin. Naturellement, je pense que mon accent tend plus vers celui de New York pour avoir été bercé par le rap et les films de Martin Scorsese.

Il y a une notion très importante dans ce milieu : « chacun son métier, il faut laisser la place »

Quelle est la valeur ajoutée d’un tournage à New York par rapport à une autre ville américaine ?

On a coutume de dire que New York n’appartient pas aux États-Unis. C’est l’entrée dans le pays, mais c’est un carrefour où on parle toutes les langues. C’est un monde qui donne envie de croire en tout et de toute réussir. Les gens sont fiers d’être new-yorkais avant tout. Quand j’y pense, ça ressemble beaucoup à Marseille. [Rires.]

Pour la version diffusée sur TF1, vous avez dû vous doubler...

J’ai insisté pour le faire. J’ai déjà eu des regrets, notamment sur La Massaï blanche (Die weisse Massaï en VO, ndlr), où on m’a doublé avec une personne qui a pris un accent africain. C’est frustrant, d’autant plus quand on en a l’envie. J’aime cet exercice : c’est comme réinterpréter son rôle mais dans un autre esprit. C’est un véritable challenge.

Les réalisateurs et le producteur étant eux aussi français, entreteniez-vous un rapport privilégié en coulisse par rapport aux autres membres de la distribution ?

On a la culture de l’aventure humaine et une certaine sensibilité. Les Américains, eux, ont l’habitude de tourner dans des pilotes à la même période chaque année et seuls 10% sont retenus pour intégrer une grille des programmes. Les acteurs et les équipes évitent donc de trop s’impliquer émotionnellement sur un projet. Mais on a compris très vite qu’il fallait se souder pour faire quelque chose de bien, ni trop américain, ni trop français. Aujourd’hui, on forme une vraie petite famille.

Dans le pilote, on évoque les problèmes d’immigration. Quel type de visa possédiez-vous en tant qu’acteur ?

Les artistes ont droit à un statut particulier. Le visa O-1 permet de rester entre trois et sept ans sur le territoire américain et de travailler avec une possibilité de regroupement familial. C’est un aspect que l’on développe d’ailleurs dans la suite de la saison et qui est assez réaliste. Quand un sans-papier a des dons exceptionnels et qu’il peut faire, notamment, office de consultant pour une institution, on lui fait des faveurs. C’est ce que l’on appelle le « brain drain » aux États-Unis.

À quel degré avez-vous été impliqué dans la réalisation des cascades ?

Il faut distinguer deux types de cascades : celle derrière le volant, qui n’est pas pour moi, et une autre qui est un engagement physique avec des bagarres et des chutes. Ça, j’adore le faire. Quand ça devient plus dangereux, je laisse les professionnels exercer leur métier. Il y a une notion très importante dans ce milieu : « chacun son métier, il faut laisser la place ». Je le comprends parfaitement. J’ai quand même eu le droit à un stage de conduite de précision pour appréhender un peu l’engin et j’espère pouvoir pousser davantage cet apprentissage en cas de saison 2. Pour le tournage, on a utilisé un top driver, une vraie attraction dans la ville. C’est un chauffeur posé sur le toit de la voiture qui permet à l’acteur de simuler la conduite et à la caméra de tourner à 360 degrés.