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Jarry (Eurovision 2017) : « Cette année, je trouve le niveau un tout petit peu en dessous. Si Amir avait été candidat, il aurait sans doute gagné »

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Rédacteur TV - Expert Eurovision
Publié le 11/05/2017 à 16:27

Sébastien Das Almas : En 2016, vous commentiez l’Eurovision depuis la Suède, le pays où cet événement est roi. La transition avec l’Ukraine, qui a eu de grandes difficultés à organiser le show, n’est-elle pas trop brutale ?

Jarry : C’est comme lorsque l’on assiste à une Coupe du monde au Brésil puis on va dans un pays où ce n’est pas le sport national. C’est forcément moins festif, moins prestigieux, mais on sent la même énergie et la même envie d’être ensemble. Moi, quel que soit l’endroit, je me sens chez moi... même si ici je fais plus attention à ce que je dis. Je ne vais pas courir nu dans la rue, chose que je faisais en Suède, pour le bien-être de la population !

Ces dernières années, est-il plus difficile de rire aux dépens des candidats de l’Eurovision ?

L’an dernier, je suis venu pour m’amuser et faire n’importe quoi. Je me suis fait avoir : j’ai été séduit par l’émission qui est loin du côté totalement kitsch que j’avais à l’esprit. Jamala (vainqueur l’an dernier pour l’Ukraine, NDLR) qui chante en hommage à sa grand-mère déportée sous Staline, je trouve ça courageux, ça me touche. L’Eurovision, ce sont des gens qui mettent leur cœur sur la table et leur carrière en jeu. Je suis très respectueux de ça. Cette année, je trouve que le niveau est un tout petit peu en dessous. Si Amir avait été candidat, il aurait sans doute gagné. Mais j’ai tout de même quelques coups de cœur : l’Australie, les Pays-Bas et le Portugal. Ils sont à l’image de la diversité que l’événement souhaite célébrer.

Mardi dernier, Jarry commentateur de l’Eurovision sur France 4 a battu Jarry sur scène sur CStar. Faut-il y voir comme un symbole d’un tournant que prend votre carrière ?

Je prépare une émission avec Arthur sur laquelle je serai animateur. Après, je ne serai jamais qu’humoriste, que danseur ou qu’animateur télé. Je veux que ma vie soit chaque jour différente, je ne veux surtout pas m’ennuyer ! Au final, j’ai été deux fois très content, car, en cumulé, j’ai fait un million de téléspectateurs ! Alors que je n’ai fait de la presse qu’au sujet de l’Eurovision sur France 4, Cstar a multiplié son audience par cinq avec la rediffusion de mon spectacle.

« Je prépare une émission avec Arthur sur laquelle je serai animateur »

Qu’apporte Jarry à l’Eurovision ?

J’espère que j’apporte sur l’Eurovision une dimension émotionnelle, mais aussi un peu de distance. Je suis acteur, je fais de la scène donc je sais distinguer ce qui est volontairement drôle et ce qui ne fonctionne pas. Par exemple, ce soir, vous verrez le duo biélorusse sur un bateau blanc avec des hélices d’avion dessus : une mise en scène qu’on ne voit plus depuis les années 80. À l’inverse, en Roumanie, il y a un mec qui s’est dit : « Les gars, on va mettre des canons-boules à facette derrière une chanteuse de yodel et un rappeur ! » On pourrait penser qu’il était complètement défoncé, car on mélange deux styles qui ne vont pas ensemble, des accessoires qui ne servent à rien. Et pourtant, c’est du premier degré. L’Eurovision est un espace de liberté absolue, loin des jugements. Si je le regarde en portant un jugement négatif, c’est moi qui suis dans la mauvaise position.

Pour cette deuxième demi-finale, quels sont vos pronostics ?

Israël est sûr de passer. Les Pays-Bas. La Roumanie, et la ballade de Malte, très soft, c’est très bien. Inutile d’en faire des tonnes. Ce soir encore, la Fashion Police aura du travail : la plupart des garçons ont des pantalons trop courts et toutes les filles sont en blanc, souvent en robe de mariée. C’est intéressant cette recherche de la pureté, de la virginité... C’est comme si l’Europe avait besoin de se laver de tous les conflits, de toutes les tensions géopolitiques du moment. Je suis très content qu’Alma se démarque de ce choix avec une robe très classe.

Quel regard portez-vous sur la prestation d’Alma ?

Le metteur en scène que je suis aurait travaillé quelque chose plus théâtral. Mais ici, je ne suis que présentateur, je respecte totalement le choix qui a été fait. On défend l’image de Paris, une ville régulièrement attaquée par des attentats : ça fait du bien d’avoir cette vision-là de la Ville Lumière.

« Je pense qu’Alma sera dans les cinq premiers »

Ce 11 mai, les téléspectateurs européens vont découvrir trente secondes de la chanson française, ce qui reste assez peu…

Le « Big 5 », c’est un peu une injustice. Quand on est sélectionné d’office, il faudrait arriver avec des projets encore plus forts, pour être deux fois plus convaincant. Ce qui serait génial, c’est qu’une sélection puisse vraiment avoir lieu sur une année, comme le font la Suède et d’autres grandes puissances de l’Eurovision. Cela permettrait que l’artiste arrive avec encore plus de maturité.

Malgré tout, Alma peut-elle tirer son épingle du jeu ?

Je pense qu’elle sera dans les cinq premiers. Je lui souhaite pour qu’elle puisse avoir une belle carrière après, elle le mérite. Il faut qu’elle vende des albums, son premier single est formidable. Les Français sont chauvins, ils aiment gagner donc si elle finit 25e, ce ne sera pas de sa faute, mais c’est à elle qu’on va en vouloir.

Quels sont vos favoris pour la victoire finale ?

Mon top 3 : Italie, Portugal et Australie.

-Découvrez l’interview d’ALMA