Toutelatele

Jérôme Mouscadet (réalisateur de Heidi) : « On renoue avec notre enfance »

Par
Rédacteur - Expert TV & Séries
Publié le 24/01/2015 à 15:40

Clément Gauthier : Comment s’est créé le lien entre TF1 et Studio 100 ?

Jérôme Mouscadet : Studio 100 avait envie de faire une nouvelle adaptation de Heidi, ils l’ont proposée à TF1, et ça a fonctionné. Je connaissais Studio 100, et j’avais déjà réalisé avec une autre société de production pour TF1, Sherlock Yack, l’histoire d’un inspecteur dans un zoo.

Est-ce difficile de reprendre le flambeau après les précédentes adaptations en dessin animé diffusés à la fin des années 70 et au début des années 80 ?

On a refait un travail d’adaptation du livre. On a rajouté quelques éléments et ingrédients, afin de nourrir les histoires et les personnages. C’est assez réaliste et calme. On est très proches de la nature. C’est à rebours d’autres programmes, car ce n’est pas très vif. On est dans un rythme plus contemplatif. En fait, on propose une autre offre.

Heidi se démarque t-elle de ce qu’il se fait en ce moment en animation jeunesse ?

Oui car c’est feuilletonnant, l’histoire suit son cours et les personnages ont une mémoire. Il y a un résumé au début de chaque nouvel épisode. On renoue avec des choses que l’on connaissait dans notre enfance. Ça permet d’enrichir les histoires. Et puis, c’est assez réaliste et ça s’appuie sur de fortes recherches graphiques. C’est censé se dérouler en 1885, et de fait, on va voir la préparation du fromage, le travail du bois. Et enfin, c’est mélodramatique, il y a de l’émotion et rares sont les séries qui jouent sur cette corde-là. On a souvent des séries d’humour, de fun, de divertissement un peu rapides. Là, Il y a de vrais sentiments, de vraies émotions. Ça n’empêche pas la gaieté et la joie.

Est-ce un parti pris de conserver la véritable époque de Heidi ?

On avait envie d’adapter ce qui faisait le sel du livre. Mais c’est une histoire tellement atemporelle que ça reste moderne. Ça me permettait de réaliser de façon cohérente avec les équipes créatives. Ils ont trouvé comment les chalets étaient construits à l’époque, ce qu’ils avaient comme charrettes et quels étaient les animaux. Ça m’intéressait d’avoir toute une matière iconographique et historique. TF1 a bien voulu qu’on reste au cœur même de l’histoire de Heidi écrite par Johanna Spyri en 1880, c’était un avantage.

Retrouve-t-on également les mêmes références ?

Oui car ca reste très fidèle au livre. On a simplement ajouté des détails sur l’enfance de la petite Heidi. J’avais besoin de savoir pourquoi elle avait été arrachée à sa montagne, et pourquoi elle y revient. Il fallait connaître l’histoire véritable de son grand-père, de sa famille... Tout ça, on va l’apprendre dans la série par des flashbacks, une backstory.

« Dans Heidi, il y a de vrais sentiments et de vraies émotions »

De quoi est tirée cette backstory ?

On l’a élaborée au fur et à mesure de notre réflexion. C’est quelque chose de plutôt personnel, mais qui, en fait, est contenu en sous-texte dans le livre. Si on le lit bien, on peut comprendre ce qui est arrivé aux parents de Heidi. Il y a une part interprétative du livre. Tout le monde a réfléchi pour savoir comment créer au mieux l’univers et avoir suffisamment de matière pour raconter 39 épisodes de 26 minutes, soit plus de 15 heures de programmes, ce qui est très long.

Comment les équipes travaillent-elles ensemble ?

À Paris, on est une équipe de 50 à 70 personnes. On fait toute la préproduction, c’est-à-dire le film non animé avec les cadres, les caméras. Ensuite, comme dans tous les studios français, on sous-traite, on travaille en collaboration avec des studios indiens ou chinois. En l’occurrence, c’est un studio indien pour Heidi. Ensuite, on récupère les plans, on les corrige, on a beaucoup de superviseurs, d’animation notamment. Notre particularité par rapport à l’image, c’est qu’on fait beaucoup de 3D peinte. Nous, on est sur une 3D proche de la 2D donc on fait beaucoup d’interventions en postproduction, quand on reçoit les plans.

Comment choisir le rendu de la 3D ?

Jean-François Ramos, directeur de production à Studio 100 animation : Il y a une volonté chez Studio 100 d’essayer de casser la chaîne de fabrication de la 3D classique en intervenant un peu partout. On maîtrise bien tout ce qui est fabrication des personnages, des textures, des univers. Ensuite, il y a une partie sous-traitée qu’on maîtrise en essayant de prendre l’animation plus compliquée sur place pour retoucher des choses. Au final, on va casser l’aspect 3D qui est parfois un peu gênant, car ça fait un peu « plastique », en venant rajouter des coups de peinture sur photoshop, au moment du compositing [faire un plan unique, à intégrer dans le montage, à partir de plusieurs sources d’images, ndlr.]. On peut rajouter aussi des fleurs et repeupler l’image.

Comment faire pour convaincre le nouveau jeune public ?

Je pense que la nouvelle jeunesse est comme l’ancienne, si on lui raconte de belles histoires et qu’on prend le téléspectateur avec respect, pour son intelligence et ses capacités à faire des déductions ou à entrer en empathie avec les personnages, ça fonctionne tout autant. Aujourd’hui, on a une qualité de production beaucoup plus importante qu’elle ne l’était il y a 20 ans.