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Julien Cohen (Affaire conclue) : « Quand on saigne quelqu’un sur une enchère, ce n’est pas toujours très sympathique... »

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Rédacteur - Expert TV
Publié le 05/12/2018 à 15:28 Mis à jour le 05/12/2018 à 20:25

Ce mercredi 5 décembre à 16h15, France 2 proposera deux nouveaux numéros d’Affaire conclue : tout le monde a quelque chose à vendre. Julien Cohen se confie sur sa participation au magazine de brocante. Il évoque également le succès sans cesse grandissant de l’émission et ses projets.

Par rapport au format original allemand, quelle clé la France a-t-elle apportée à Affaire conclue ?

Je ne sais pas si c’est la France, nos producteurs ou plutôt les acheteurs. Cette émission est transcendée par la salle des acheteurs où ça peut dérailler assez facilement. Quand j’ai vu le format allemand, je me suis dit qu’on allait s’ennuyer. Thomas Burnichon (producteur d’Affaire conclue) nous a donné beaucoup de libertés. Je suis quelqu’un de très joueur et indiscipliné donc j’ai commencé à faire des enchères au dernier moment. Le serrage de mains n’existait pas au début. J’ai initié ce genre de choses et Pierre-Jean Chalençon a rajouté sa folie naturelle quotidienne. Il faut savoir que l’on se renouvelle vingt-trois fois dans la journée. Cela parait facile quand on nous voit à l’écran, mais c’est un exercice difficile. On a commencé à déconner et on a vu qu’il n’y avait pas de barrière au niveau de la production. La version française d’Affaire conclue est beaucoup plus sexy que celle d’Allemagne.
Diriez-vous que Sophie Davant contribue à ce succès sans cesse grandissant ?
C’est l’une des icônes du PAF français. Elle apporte énormément de choses à l’émission grâce à son empathie naturelle qu’elle a pour le public. On le voit sur le Téléthon qu’elle présente depuis de nombreuses années. Elle tient très bien la salle des acheteurs et elle a de moins de moins un regard innocent sur l’objet, car elle en a vu passer 2000. Sophie Davant a toujours le mot pour rire et ce petit côté grivois qui peut plaire. Elle est aussi fraîche et amusant qu’au départ. Le public apprécie cet ensemble.

Quelle stratégie mettez-vous en place pour remporter une enchère ?

Dans mon entourage proche, on me dit que je pratique la stratégie de l’épuisement. « T’es un mec épuisant qui ne lâche rien ». Dans une récente interview à Toutelatele, Pierre-Jean Chalençon a dit : « Julien Cohen nous pousse dans nos limites ». Quand un objet me plaît, je me fixe rarement de limite bien que je me dois d’être raisonnable sur le plan économique. Je remets en vente les objets pour la plupart, mais j’en garde aussi pour moi de temps en temps. Dans ce cas, je n’ai pas de limite, mais quand je remets en vente, il faut que je m’y retrouve à un moment ou un autre. J’arrive très souvent à mes fins et le seul gros grain de sable dans l’histoire est Pierre-Jean Chalençon. Quand lui et moi, on veut un objet, on n’a pas de limites. Il aura toujours l’ascendant parce que j’ai une relation économico-financière liée à l’objet que je vais remettre en vente. Pierre-Jean ne l’a pas, car il le garde et le met dans sa chambre. Bien qu’il y en a qui me plaisent pas, je surenchère sur des objets parce que l’argent est une denrée rare. Même si j’ai peut-être plus les moyens que certains de mes camarades. Aller au bout des moyens de chacun dans la journée pendant vingt-trois objets, ça peut coûter très cher. Vu que je leur ai fait dépenser beaucoup d’argent, ils vont s’épuiser et me foutre la paix.

Comment jouez-vous sur le fait d’avoir plus de moyens qu’Anne-Catherine Verwaerde et les autres acheteurs ?

Il est évident que je ne vais pas monter à 500 euros sur un vieux service à café. On a des situations de boutiques qui sont différentes les uns des autres. Je suis à Paris et je vends à des touristes qui ont peut-être l’habitude de payer des objets beaucoup plus chers que dans le nord de la France. Je monte les enchères en fonction des caractéristiques futures de mes clients. Je suis quasiment sûr qu’on a tous commencé avec les mêmes moyens. J’ai débuté cette entreprise sans taper dans mes autres activités et avec un budget tout à fait raisonnable. On a démultiplié rapidement, car on a bien géré les choses. C’est le talent de chaque chef d’entreprise de réussir ou ne pas y arriver du tout.

« Je suis un buvard, j’absorbe très vite ce qu’on me dit et je m’en sers de leçon »

Les enchères sont parfois émaillées de tensions. Comment le gérez-vous ?

Cela ne fait pas partie du jeu. Les tensions qu’il y a entre nous sont celles qui sont liées au contexte économique. On parle avec notre argent personnel. Au même titre que mes camarades, je l’ai gagné durement. Quand on saigne quelqu’un sur une enchère, ce n’est pas toujours très sympathique. Après, il faut savoir faire la part des choses. On doit rester copains, mais dès que les enchères débutent, ce n’est plus forcément le cas.

Lors de la vente record du Rodin, l’acheteur a fait « Affaire conclue » avec Pierre-Jean Chalençon pour 7.100 euros alors que vous proposiez 7.500. N’y a-t-il pas un sentiment de frustration ?

J’ai bien vécu cette séquence. On a fait un record d’enchère pour une belle pièce. Je ne réagis pas seulement en tant qu’acheteur d’Affaire conclue. Je commence à connaître les principes de la télé donc je me suis dit qu’on avait fait une belle séquence. Je suis satisfait de la qualité télévisuelle de ce qu’on vient de faire. J’ai très peu de frustration dans cette émission. On voit tellement d’objets passer donc si on devait être frustré dès que l’on ne remporte pas l’enchère, on irait directement consulter un psychologue. Un objet passe, je l’ai, je ne l’ai pas tant pis. J’en ai 11.000 en stock donc ça ne va pas changer ma vie.

Comment réagissez-vous lorsque vous découvrez un objet ?

Pour la plupart que je connais bien vu qu’ils sont dans mon registre, je les extrapole facilement soit en les transformant, en les restaurant ou en les vendant. J’ai aussi pris goût à d’autres objets grâce à mes collègues acheteurs. Alexandra Morel m’a donné envie de la pâte de verre, Pierre-Jean Chalençon me donne goût aux manuscrits historiques et Anne-Catherine Verwaerde au rotin. Au départ, je suis le plus innocent de tous puisque je suis dans ce métier depuis seulement quatre ans et demi. Mais je suis un buvard, j’absorbe très vite ce qu’on me dit et je m’en sers de leçon.

« Affaire conclue est une alchimie entre le savoir et la bienveillance de Sophie Davant »

Pourquoi se mettre sur les mêmes créneaux qu’eux ?

Dans le cas de la pâte de verre, Alexandra Morel m’a initié et aujourd’hui je suis un des plus gros acheteurs de pâte de verre dans Affaire conclue. J’adore donner la parole à Pierre-Jean Chalençon et de le lancer sur un discours historique. Je fais tout pour qu’il raconte l’histoire de l’objet. Au départ, l’objet manuscrit je m’en tape, mais une fois que c’est raconté par Pierre-Jean, ça change tout. Il vous donne envie de commencer une collection donc je me retrouve en frontal avec lui. Lors du prime, il y avait deux panneaux qui provenaient du cercueil de Napoléon. Il pensait que ça allait être du tout cuit et c’est moi qui l’ai acheté. Ça m’a couté cher et à la fin, il m’a dit que cela ne valait pas ça. Il était à cent euros de moins que moi. Il n’y a que les cons qui n’évoluent pas et je me sers de cette doctrine pour aller maintenant vers quasiment tous les types d’objets.

À un moment donné, est-ce qu’on ne laisse pas aller dans une compétition pour arriver à un prix un peu trop élevé ?

Cela nous est arrivé sur quelques objets. Un papa et sa fille sont venus nous vendre une mappemonde pour une association. C’était un bel objet qui suivait un autre sur lequel il y avait une vraie guerre d’enchères. Ça s’était mal passé et le ton était même monté. Quoi qu’il arrive, j’ai dit à Pierre-Jean Chalençon que ce globe allait lui coûter très cher. Il valait 500 euros et il l’a payé 1.600 parce qu’il y avait aussi une guerre d’égo. De temps en temps, on déconnecte et l’esprit reptilien prend le dessus. Dans ce type de cas, mon principal adversaire est Pierre-Jean Chalençon.

« A un moment ou à un autre, on ira chercher les 2 millions et demi »

Affaire conclue atteint aujourd’hui les 2 millions de téléspectateurs. Comment l’analysez-vous ?

Il y avait une place à prendre. Quand on regarde les après-midis à la télé, c’est assez pathétique. Derrick est heureusement sorti de l’écran. Ma mère, qui a 85 ans, ne regardait plus la télé l’après-midi, et aujourd’hui elle ne décroche pas le téléphone entre 16 heures et 18 heures. Je pense qu’il y avait un manque et un besoin. Affaire conclue est une achilmie entre le savoir, car les experts et les acheteurs nous initient à l’histoire des objets, et la bienveillance de Sophie Davant. C’est une animatrice transgénérationnelle. À tout cela s’ajoutent la déconnade et l’adrénaline des enchères. L’émission est très addictive et quand vous la regardez, vous avez envie de connaître la fin.

Elle est multirediffusée sur l’antenne de France 2. Ne redoutez-vous pas une lassitude des téléspectateurs ?

Je crois qu’on a encore un gros potentiel de téléspectateurs. À un moment ou un autre, on ira chercher les 2 millions et demi. Ce n’est pas les mêmes personnes qui regardent Affaire conclue à 16 heures et à 2 heures du matin. Ça fait de l’audimat et ça ne coute pas cher, car cela a déjà été payé pour la séquence de 16 heures. À la place d’une chaîne, je mets du Affaire conclue parce que ça rapporte.

Quid de votre projet d’émission ?

On discute souvent avec Jean-Louis Blot (directeur de Warner France, ndlr). Il me dit que la télé est un jeu de patience. On en parle souvent et je lui dis : « J’ai 52 ans, je n’aimerais pas faire une émission seule à 65 ans… ». Il me répond : « On verra. S’il y a un créneau qui se libère, t’as le potentiel pour faire quelque chose ».