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L’état de Grace en sérieux ballotage sur France 2

Ariane Grassi
Publié le 04/10/2006 à 01:10 Mis à jour le 04/10/2006 à 10:11

Il n’y a pas de recette pour le succès. L’Etat de Grace en a fait la douloureuse expérience mercredi dernier. La série événement de la rentrée a en effet réalisé un score bien en deçà des espérances de France 2. Après avoir lancé il y a dix ans les premières séries de 52 minutes (PJ, Avocats & Associés...), la chaîne publique avait franchi un nouveau cap l’an dernier avec Clara Sheller, fiction qui jouait la carte de la modernité en s’inspirant de ses modèles américains, Sex and the City et autres Ally McBeal. L’audience fut au rendez-vous (plus de 5 millions de téléspectateurs) et tout laissait penser que L’Etat de grace, qui possède les mêmes atouts, obtiendrait la même côte de séduction.

Pourtant jeudi, le verdict est tombé : à peine plus de 3 millions de téléspectateurs et 12,9% de part de marché. Si la série s’est fait devancer par le téléfilm de TF1 réunissant Michèle Bernier et Arielle Dombasle, le score de celui-ci (6,5 millions de fidèles et 28% de part de marché) n’a toutefois rien d’exceptionnel pour la chaîne leader. La performance de la soirée est plutôt celle de France 3 qui, en invitant Brigitte Bardot, a attiré 4,1 millions de téléspectateurs et réalisé la meilleure audience de la saison de Vie privée, vie publique. De même M6, en programmant les rediffusions de Missing : disparus sans laisser de trace en prime time, a su s’attirer les faveurs de 4,3 millions amateurs de séries américaines.

Mercredi dernier, Grace Bellanger a donc fait ses premiers pas à l’Elysée et tout en affrontant les mesquineries de son premier ministre, a découvert qu’elle était enceinte. Si la comédie met l’accent sur la vie privée de cette jeune présidente, elle n’en oublie pas de jouer la carte de la satire politique en épinglant conseillers en communication trop zélés et rivaux aussi jaloux que misogynes. La presse est unanimement enthousiaste et le thème plus que jamais dans l’air du temps grâce à la présidentiable Ségolène Royal ; comment expliquer alors que les téléspectateurs aient déserté ? Certes l’héroïne, Anne Consigny, est encore peu connue, mais elle est auréolée de sa récente nomination au César de la meilleure actrice pour Je ne suis pas là pour être aimé. La réponse est peut-être plutôt à chercher du côté de la tradition française en matière de série.

Privilégiant les problèmes de société, la création télévisuelle hexagonale s’est toujours tenue à l’écart de la politique, contrairement à Hollywood qui, de The West Wing (A la Maison Blanche) à 24 en passant par Commander in Chief (avec aussi une héroïne présidente), n’hésite pas à explorer les faces sombres du pouvoir. L’Etat de Grace n’échappe pas à la règle. Malgré un réalisme certain concernant la place des femmes dans le monde politique, les scénaristes n’ont en effet pas résisté à la tentation du « politiquement correct » en faisant par exemple de leur héroïne une présidente sans étiquette politique. Les téléspectateurs attendaient-ils plus d’engagement ?

L’Etat de Grace a encore deux soirées pour faire ses preuves. En mettant l’accent dans ses bandes annonces sur les excellentes critiques de la presse, France 2 espère dès ce soir attirer de nouveaux téléspectateurs. Mais la mission s’annonce ardue. La présidente de la République devra en effet faire face à une nouvelle salve de trois épisodes de Missing, un Des racines et des ailes spécial gastronomie française, et surtout devra affronter l’une des figures de proue de la première chaîne. Véronique Genest, plébiscitée par 8 à 10 millions de téléspectateurs pour le rôle récurrent de Julie Lescaut, est en effet l’héroïne du téléfilm Un transat pour huit. Quant aux deux derniers épisodes de la première saison de L’Etat de Grace diffusés face aux éliminatoires de l’Euro 2008 France-Iles Féroé le 11 octobre, ils peuvent espérer faire le plein de... téléspectatrices.