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La saga 2007 > Les Destins enchantés (7/7)

Joseph Agostini
Publié le 26/08/2007 à 14:00

Cinq ans après la première saga de l’été, qui racontait l’histoire de la télévision des années 80 à nos jours, Joseph Agostini revient sur ces cinq dernières années cathodiques, entre guerres d’audience et nouvelles tendances.

Ces cinq dernières années, la tendance n’a pas été à la tendresse à la télévision, et c’est peu de le dire. Evelyne Thomas la première sait ce que signifie le mot « désenchantement » dans cet univers sans pitié, qui se fiche bien de savoir si la pauvre animatrice était atteinte du syndrome de Cendrillon, comme elle l’a écrit dans son autobiographie. Mais les vainqueurs sont là. Ils se dressent sur le champ de bataille à l’heure où d’autres se meurent, exsangues. Avec l’audience pour fer de lance, ils peuvent se féliciter d’un « destin enchanté ».

Jean-Luc Delarue, quand il animait Une page de pub sur TV6, en 1986, était loin d’imaginer que vingt années plus tard, il serait à la tête du groupe Réservoir, premier producteur indépendant d’émissions de flux en France et, avec 120 millions de revenus mensuels, le producteur le mieux payé de France ! L’empire Delarue... Tout au long de sa carrière, le loup le plus aguerri du paysage audiovisuel national a résisté à tous les coups bas, à tous les quolibets, à tous les creux de vague. Le scandale des animateurs producteurs en 1994 ? Un détail. Les attaques virulentes d’Evelyne Thomas, dont il était le producteur à l’époque de C’est mon choix ? Une broutille. L’agression du personnel d’un avion sous l’emprise de l’alcool ? Futilité ! Jean-Luc Delarue reste dans le cœur du public, d’une manière étonnamment constante, quand d’autres périclitent pour bien moins que cela.

Ca se discute existe depuis treize ans maintenant tandis que Toute une histoire, son talk show quotidien, a vu son audience progresser, jour après jour, la saison passée, pour dépasser les 20% de part de marché. Ces cinq dernières années, Jean-Luc Delarue n’a fait que confirmer son incroyable capacité à faire feu de tout bois, se moquant des polémiques, qui, précisément, contribuent à sa popularité. Celui qui tient à ce que ses collaborateurs le surnomment le « boss » règne sur son domaine de prédilection qui est le débat de société en public.

Comme Delarue, Marc-Olivier Fogiel est évidemment passé par la case Canal +. Il y était, de 1992 à 1998, le spécialiste de la télévision, d’abord avec Michel Denisot puis en solo dans TV+. Et le jeune Marco s’est transformé en roi des arènes cathodiques, en véritable pape du talk show en direct, avec des invités par dizaines à sa table. De France 3 avec On ne peut pas plaire à tout le monde (1999/2006) à M6 avec T’empêches tout le monde de dormir (depuis la rentrée 2006), le petit Fogiel, dont la société de production a été absorbée par le géant Endemol, fait aujourd’hui partie des grands qui comptent... mais aussi des personnalités les plus détestées des Français, selon de nombreux sondages ! Paradoxe assumé... Pour Marc-Olivier Fogiel, mieux vaut la liberté de ton que l’amour immodéré du public. Celui qui a fait ses classes avec Patrick Sabatier, dont il a été l’assistant, sait que le statut de « gendre idéal » ne peut durer qu’un temps, sauf si on s’appelle Michel Drucker.

Un autre qui est bien placé pour le savoir est Laurent Ruquier. Avec son physique de bande dessinée et sa voix radiophonique, ce dernier n’avait pas une carrière télévisuelle toute tracée, c’est le moins que l’on puisse dire. Pourtant, avec Laurent Ruquier, Stéphane Collaro, Pierre Bonte et Pierre Desproges, les chansonniers les plus célèbres des années 70, ont trouvé aussi populaire qu’eux ! La saison dernière, alors que Thierry Ardisson quittait France 2 et laissait vacante la case du samedi soir, beaucoup étaient sceptiques concernant l’arrivée de Laurent Ruquier dans ce créneau. Si, depuis 2001, il animait On a tout essayé à 19 heures, allait-il savoir séduire les noctambules branchés dont l’addiction à Ardisson ne faisait aucun doute ? Avec On n’est pas couché, il a prouvé que oui ! Désormais, c’est au quotidien et le samedi soir que Ruquier sévit...


L’ascenseur télé s’emballe parfois et hisse au sommet ceux qu’on attendait le moins. En 1993, Gérard Louvin fait un drôle de choix pour l’animation du magazine anti-arnaques qu’il doit produire sur TF1. Le regard de l’ancien attaché de presse de Claude François se porte en effet sur l’un des acolytes de Jacques Martin dans Ainsi font, font, font, l’émission satirique de France 2 : Julien Courbet. Le titre de l’émission : Sans aucun doute. De cette époque, il ne reste plus grand monde. Le Doc, Amanda Lear, Isabelle Quenin... Tous ces animateurs qui ont traversé la Une des années 90 ont quitté la chaîne depuis moult années. Julien Courbet, quant à lui, est plus présent que jamais, non seulement en tant qu’animateur de Sans aucun doute et d’une pléiade de magazines dans la même veine, mais aussi en tant que producteur, à la tête de sa propre société (à l’origine, en outre, de l’émission Confessions intimes). Une montée en puissance aussi exceptionnelle qu’impressionnante, qui fait de Julien Courbet un véritable un véritable self made man...

Dans la catégorie « Ascension fulgurante », toujours sur TF1, Cauet n’existait pas en 2002. En 2007, il a un volume horaire d’antenne annuel bien supérieur à celui d’Arthur ! La méthode Cauet est devenue le talk show incarnant le mieux la chaîne. Humour potache, invités rieurs, interviews taillées sur mesure pour le grand public, si féru de séries, de jeux et de blockbusters... Cauet, originaire de Picardie, n’avait pas envie de taquiner la betterave dans sa région mais bien de titiller Eve Angeli sur un plateau télé. Une Cauetidienne débute à l’automne 2007, après un Muppets TV passé relativement inaperçu. TF1 aime Cauet. Elle a trouvé en lui l’idole des 15/34 ans et ne le lâchera pas de sitôt.

France 3 aussi a trouvé un être catalysant toutes les passions de son public cible, un être capable de devenir le réceptacle des projections les plus kaléidoscopiques. Son nom : Mireille Dumas. Avec Vie privée, vie publique, Mireille continue sa quête, celle entamée avec Moi, je dans les années 80, qui s’est poursuivie avec Bas les masques et La vie à l’endroit, dans les années 90. Pour certains, elle est à la psychologie ce que Valérie Damidot est à la déco. Pour d’autres, comme Guy Bedos, Bernadette Lafont, Valéry Giscard d’Estaing ou encore Brigitte Bardot, elle est la plus grande intervieweuse de Paris.
En tous les cas, Mireille Dumas a trouvé une légitimité que plus aucun ne lui conteste à la télévision et qui la met au rang des plus grands.
Si les recettes de la longévité télévisuelle existaient, beaucoup seraient prêts à tout pour les acquérir et enfin se forger une carrière idyllique, à l’ombre de l’audience en fleurs.

Malheureusement, ces recettes n’existent pas et n’existeront jamais. Le festin de certains fait la disette de la plupart, voilà la triste vérité... Les roses pour Mireille Dumas et les épines pour Christine Bravo, qui ne trouve décidément pas d’émissions à succès depuis Union libre. Et tandis que Cauet explose l’audience des jeudis soirs, Vincent Lagaf’ n’est toujours pas sur la grille de rentrée de TF1, lui qui avait fait les beaux jours de la chaîne au temps du Bigdil.

Les destins enchantés ne sont pas légion à la télévision... Afin de clore cette saga 2007, il fallait bien rendre à César ce qui était à César et décerner les trophées de la victoire à ceux qui ne sont pas des princes déchus mais des monarques assis sur leurs trônes... en se souvenant toutefois - et Victoria le sait mieux que personne - que la roue tourne toujours.