Toutelatele

Laure Adler

Joseph Agostini
Publié le 05/03/2007 à 00:20 Mis à jour le 14/03/2010 à 19:30

Récemment écartée des éditions du Seuil qu’elle dirigeait, Laure Adler songe sérieusement à refaire de la télévision, en plus de son émission cinéma sur France Culture. Pour Toutelatele.com, la présidente du Festival du documentaire océanien à Tahiti évoque, lors de son passage à Papeete, sa passion rageuse pour la diversité, toutes les diversités à l’écran.

Joseph Agostini : Qu’est-ce donc, selon vous, qu’un mauvais documentaire ?

Laure Adler : C’est le cliché de la représentation la plus banale de la réalité. C’est un documentaire qui passe à côté de l’émotion, de l’implication personnelle. C’est un film qui ne vous empoigne pas le cœur, sans sincérité, sans loyauté, sans bonne structure narrative. Et puis, surtout, c’est un documentaire qui parle trop, qui ne laisse pas la part belle à la suggestion.

Et un documentaire moderne... ?

J’aime le mot moderne, mais dans le sens « modernité rageuse », travaillée par une esthétique qui s’éloigne du conventionnel, de l’hagiographique, du déjà vu dans les années 70. Aujourd’hui, il y a un retour au réel, qui s’apparente un peu à la fiction, souvent sous la forme de voyages initiatiques. J’aime cette modernité.

Vous avez été en charge des documentaires sur France 2, à l’époque de la Présidence d’Hervé Bourges, au début des années 90. Êtes-vous fière de ce que vous avez accompli alors pour ce genre télévisuel ?

Je dois dire que j’ai eu la chance de pouvoir à la fois produire, coproduire et acheter des programmes. Pendant quatre ans et demi, j’ai cherché à travailler en profondeur en imposant des documents parfois en première partie de soirée, avec des audiences étonnantes. On arrivait même leader certains soirs ! Il ne faut pas venir m’expliquer que ce genre là est minoritaire, ne fait pas d’audience, est mal maîtrisé, impossible à financer car cela est parfaitement faux. Le fruit d’une démarche personnelle, artistique, morale est toujours à défendre. C’est un combat à mener.

Quand vous voyez Des mots de minuit à 2 heures du matin, qu’espérez-vous pour le service public ?

D’abord, je me dis que c’est dommage et qu’à l’inverse de ce que pensent certains directeurs de programme, ça intéresse les gens. A l’époque où je présentais le Cercle de minuit, nous étions toujours au dessus de 500 000 téléspectateurs, jamais en dessous de 300 000, parce que nous étions encore programmés à une heure à peu près décente, même si c’était en troisième partie de soirée. Mais l’avenir se trouve aussi et surtout sur les chaînes du câble et du satellite. France 5, France O, Histoire...


Et d’une manière générale, comment jugez-vous la télévision française ?

Je ne suis pas du tout procureur et ne porte pas un jugement négatif , surtout quand je compare notre télé à celle d’Italie ou d’Espagne... J’aime beaucoup de gens qui font des émissions plutôt populaires, comme Isabelle Giordano, Daphné Roulier, Laurent Ruquier, Catherine Ceylac... Thierry Ardisson, même si je me suis beaucoup engueulée avec, a beaucoup de talent.

Frédéric Taddei anime une émission quotidienne sur France 3 consacrée à la culture. Est-ce un pari impossible à mener quand on connaît les enjeux de l’audience, même sur une chaîne du secteur public ?

L’aventure est très intéressante. Je lui souhaite bonne chance. Taddei, Frédéric Ferney sont de jeunes hommes brillants promis à un bel avenir.

Quelles ont été références à l’époque à laquelle vous avez débuté en télé, à l’âge de vingt-deux ans ?

Je parlerai plutôt de figures tutélaires comme Pivot, Desgraupes, Dumayet... Ce sont eux qui m’ont donné l’envie de travailler à la télévision.

Frédéric Mitterrand, Bernard Rapp... ?

Laure Adler : Je les adore tout autant. Ce sont mes frères de métier. Tout comme Michel Field. Ce sont tous les trois des êtres que j’aime infiniment. Contrairement à d’autres, la télévision m’a apporté beaucoup d’amour et de solidarité tout au long de ma carrière. J’ai vraiment rencontré des gens qui sont devenus des personnes très chères à mes yeux.

Joseph Agostini : Un souvenir de vos débuts cathodiques ?

Le souvenir le plus marquant de mes débuts à la télé date de 1974. Pascale Breugnot m’avait proposé de présenter Aujourd’hui Madame, à l’époque un programme absolument incontournable ! J’ai osé lui tenir tête et démissionner parce que je n’aimais pas son choix de sujets. Breugnot m’a hurlé dessus en disant : « On ne démissionne pas en télé » Je lui ai répondu que c’était mal me connaître et que je n’étais peut être pas tout à fait normale. J’ai claqué la porte.