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Les Guignols de l’info dans la course à la Présidentielle

Aurélie Demarcy
Publié le 31/01/2007 à 00:34

« Vous croyez toujours ce qu’on vous dit à la télévision, bonsoir. » Pas de tergiversation, le ton est donné, dans cette assertion représentative de l’esprit satirique Des Guignols de l’info qui, depuis dix-neuf ans, tordent le cou aux personnalités de tous bords. Mené par l’incontournable marionnette de PPDA, le faux journal télévisé s’attache à poser un regard dérisoire sur l’actualité et ses acteurs. Ainsi, chanteurs, comédiens, sportifs, animateurs ou politiques sont mis en scène par la joyeuse bande de Canal Plus.

Apparue sur les écrans 1988, sur une idée d’Alain de Greef, alors directeur des programmes, l’émission originellement baptisée Les Arènes de l’Info, se place face au célèbre Bébête Show de TF1. C’est en 1991, avec les événements de la guerre du Golfe que les téléspectateurs, manifestement lassés par le traitement médiatique des autres chaînes, préfèrent se rallier devant le journal des guignols dont l’attitude satirique s’attache à désamorcer la psychose ambiante. Si l’émission remporte un franc succès depuis sa création, avec à ses commandes une succession d’auteurs tels que François Rollin, Benoît Délepine ou, plus récemment, Bruno Gaccio et d’imitateurs comme Yves Lecoq (qui durant les deux premières années doublait la quasi-totalité des personnages), Daniel Herzog et autre Sandrine Alexi, elle suscite également la polémique, lorsqu’elle parodie les politiques.

En 1995, alors que Jacques Chirac prend place à l’Elysée, on reproche à l’émission d’avoir influé sur le vote des téléspectateurs, en ayant accordé à la marionnette du chef de l’état un caractère trop débonnaire (« mangez des pommes »). Lors des présidentielles de 2002, Chirac est réincarné en « super menteur » et les Guignols sont à nouveau mis en porte à faux quant à la tournure des résultats. Plusieurs sondages démontrent que l’émission aurait conduit plus de 15% des électeurs à faire leur choix de vote.

Puis, suivant le vieil adage : « jamais deux sans trois », les marionnettes de Canal Plus, en cette année d’élections présidentielles, sont à nouveau jugées susceptibles d’aiguiller le scrutin. En effet, selon un sondage Ipsos pour Télé 7 jours : « Un sondé sur deux estime que les Guignols de l’Info auront une influence « importante » sur le vote des électeurs en 2007 (...) Chez les jeunes, le score monte même à 65%, et un phénomène identique concerne les plus diplômés : 64% des « bac +3 » estiment que l’influence des marionnettes sera importante. » Dans le quotidien Le Figaro, Rodolphe Belmer, le directeur général délégué de Canal + rétorque que les Guignols ont « réussi à intéresser les jeunes à la politique » entre autres par « leur appel quotidien à s’inscrire sur les listes électorales. » Ce dernier affirme néanmoins qu’ « ils ne déterminent pas le choix politique » des spectateurs.

Dénigrée par certains, approuvée par d’autres, la véhémence, l’insolence, et le second degré des propos de l’émission continuent de ravir les téléspectateurs. Pour exemple, le lundi 15 janvier, plus de 3 millions de fidèles ont suivi la quotidienne. Ils n’étaient pas moins de 2.4 millions pour La semaine des Guignols du dimanche 28 janvier qui a totalisé 15.1% de part d’audience. De son côté, Bruno Gaccio, désormais auteur, à mi-temps, de l’émission, a récemment annoncé son départ définitif, prévu en juin pour « ne pas rater les présidentielles. » Mais a-t-il précisé dans Var Matin que si Jacques Chirac, son personnage cible fétiche, était réélu, il reverrait sa décision.

Pour ce qui est de la dérision et des politiques, Michel Muller impose, également, son humour noir en la personne d’Hénaut, dans la fiction quotidienne de Paris Première : Hénaut Président. Tout droit sorti de l’imagination du comique, cet anti-héros virtuel, laisse voir le déroulement d’une campagne finalement menée par le staff très ambitieux du candidat aux présidentielles. Présenté comme l’alternative au choix Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal, le personnage de Michel Muller se joue d’un monde où l’apparence l’emporterait sur le contenu.

Si les marionnettes ou les fictions permettent de porter un regard subjectif et décalé sur les événements politique, les présentateurs et journalistes eux sont sur le qui-vive pour ne pas faillir à leurs règles. Ainsi, à l’heure où se joue la course à la présidence, le petit écran consacre de nombreuses émissions, visant à relayer le débat politique : TF1, à compter du 5 février à 20h50, propose J’ai une question à vous poser. Présentée par Patrick Poivre d’Arvor, cette émission fera l’objet de quatre prime hebdomadaires. En direct, PPDA recevra 100 Français venus poser leurs questions au candidat invité. Sur France 2, A vous de Juger est emmenée par Arlette Chabot, tous les jeudis jusqu’au 15 mars. Sur France 3, dans Français : votez pour moi, Marie Drucker et Jean-Michel Blier, entourés de quatre invités (candidats ou représentants) animent trois prime en direct, dont le premier s’est déroulé le lundi 29 janvier à 20h50. Serge Moati, quant à lui, s’offre dans Ripostes sur France 5, chaque dimanche et jusqu’au 18 mars, un tête-à-tête avec un candidat. Sur la même chaîne, En 2 mots, le dimanche à 20h40, orchestrée par Florence Muracciole et Gérard Leclerc, propose une grille de lecture pour chacun des discours des représentants.

LCI présente Elysée 2007, les trois marches, deux à trois jeudis par mois, à partir de 18h30, mené par Christophe Barbier et Michel Field. Arte, les 3 février, 9 mars et 14 avril, consacre trois Planète Presse à l’actualité politique. Tandis qu’LCP et John Paul Lepers partent à la rencontre de ceux qui ont pris le parti de ne pas voter.

A quelques mois du premier tour, le paysage audiovisuel se met aux couleurs des présidentielles et œuvre, plus que jamais, à remplir son rôle de médiateur entre le peuple et ses représentants... Sans transition.