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Marco Prince (Music Explorer) : « Il faut que France Télévisions donne des moyens plus conséquents »

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Rédacteur - Expert TV & Séries
Publié le 27/06/2014 à 19:00 Mis à jour le 27/06/2014 à 20:37

Le leader de la FFF (Fédération Française de Fonck) a eu un parcours singulier. Autodidacte, DJ au Palace dans les années 90, juré de ’Nouvelle Star’, il a réussi dans la chanson et s’est présenté comme acteur. Il a récemment été à l’affiche de ’Divin Enfant’ d’Olivier Doran. À l’orée de la finale, le parrain qui s’est rendu à Fort-de-France et Port-au-Prince transmet les richesses vues et dévoile son attente pour le programme...

Clément Gauthier : Vous avez dit à certains talents de Music Explorer ne pas vouloir les confronter aux réalités du marché. Comment détermine-t-on l’aptitude à y faire face ?

Marco Prince : C’est une question de maturité. Ce n’est pas forcément lié à l’âge, mais plutôt au monde de la musique, à l’idée qu’on se fait du business et à la façon dont on est entourés. Si je vois que le talent a une famille solide, on peut l’envoyer presque partout, et les gens suivront. S’il est un peu seul au monde, perché sur un nuage, qu’il chante pour les petits oiseaux et est passionné de bruits de mouette, j’aurais tendance à éviter. J’exagère un peu, mais c’est l’idée...

Au bout de combien de temps remarquez-vous cela ?

C’est un sentiment. On travaille sur ces projets avec de l’intime conviction. On est rarement loin du fait. Très vite, on repère le type malin qui a déjà un manager et le gars qui est un soleil magnifique, mais qui est totalement perdu. On peut ne jamais avoir pris l’avion et être totalement prêt ou être urbain et vivre dans le monde de Oui-Oui.

« On peut être urbain et vivre dans le monde de Oui-Oui »

Par quoi avez-vous été le plus séduit chez les artistes ?

La faim, l’engagement et l’absence de vertige. On les sent vivants. Je suis en train de repartir en tournée en ce moment et j’ai été extrêmement motivé par eux.

Y a-t-il des candidats que vous n’avez pas pu amener à Paris, mais avec qui vous voudriez collaborer ?

J’ai gardé quelques contacts de personnes qui n’ont pas été pris. Peut-être qu’on se croisera. Les vies de chacun sont toujours pleines. Les coups de cœur que j’ai eu ne sont pas forcément des personnes avec qui je ferais de la musique. Des fois, je découvrais seulement des gens talentueux. À côté de ça, il y en a avec qui j’ai eu envie de collaborer et qui n’ont pas été choisi à cause d’univers différents. Par contre, j’ai rencontré des Haïtiens et j’ai envie de faire des enregistrements percussions là-bas. C’est parce que ça m’intéresse dans le futur immédiat pour ma musique.

Partie 2 > Son appel à France Télévisions


Avez-vous été surpris d’entendre des réinterprétations de chansons populaires françaises comme « Couleur café » de Serge Gainsbourg ?

Ce que j’aime bien, c’est de m’en prendre une à chaque fois. On y va pour les montagnes russes et avoir une poussée d’émotion. On court après ça, c’est vraiment ce qu’on souhaite.

Qu’avez-vous découvert de nouveau sur Port-au-Prince et Fort-de-France ?

J’ai affirmé quelque chose que je pensais. J’étais déjà allé aux Antilles mais jamais à Port-au-Prince. En Haïti, j’ai découvert que la culture africaine yoruba et vaudou qui vient de mon pays, le Bénin, est très présente. C’est drôle, car ils ont des expressions qui viennent de ma langue paternelle, le fon. J’hallucine d’entendre ça alors que ce sont des Créoles. Ils parlent français. Ça m’a beaucoup plu et j’ai vraiment envie d’y retourner.

Pensez-vous que vous avez eu suffisamment de temps pour vous intéresser aux différents parcours des talents ?

C’est trop court pour s’immerger réellement. Il faudrait que France Télévisions donne des moyens plus conséquents à cette émission. Je pense qu’elle le mérite. Par les temps qui courent, avec les votes européens qu’on commence à récolter, c’est un challenge. C’est même presque un devoir de faire cette émission-là. De montrer une France XXL. On fait des milliers de kilomètres et les mecs parlent français. On ne va pas voir des étrangers, mais on va voir des Français dans tous ces pays-là. C’est bien que France Ô l’ait faite, mais elle devrait être sur France 2. Personnellement, je paie aussi mes impôts pour ça. Je veux bien que les mecs fassent des taux d’audience monstrueux, que ce soit leur challenge, qu’ils avilissent les gens et fassent n’importe quoi à la télévision, mais il faudrait qu’il y ait aussi une volonté d’élever le débat.

Mais si l’émission fait la navette, changera-t-elle ?

Je veux plus de moyens et plus de personnes. Mais ne pas transformer l’émission en un show de variété. Il faut assumer. J’espère que le patron de France Télévisions [Rémy Pflimlin, ndlr] qui est venu me voir en me disant qu’il adore l’émission, va nous prouver qu’il l’aime vraiment.

« Music Explorer devrait être sur France 2. Je paie aussi mes impôts pour ça »

De quelles émissions « avilissantes » parlez-vous ?

Je suis mal placé pour parler de télévision puisque ça fait sept ans que je ne l’ai pas. Ce que je vois, c’est la retranscription des choses sur le net. On est obligés d’aller chercher quelque chose. J’avais une tante venue d’Afrique à une période. Il y avait très peu de chaînes à l’époque en Afrique, donc elle restait tout le temps devant la télévision en s’endormant. Je lui disais : « Tantine, pourquoi tu ne vas pas te coucher ? ». Elle répondait qu’elle laissait la télévision la regarder. J’aimais bien cette idée. Ça voulait dire quelque chose sur l’interactivité.

Vous avez émergé à une époque où la télévision était plus sommaire. En quoi est-ce différent aujourd’hui ?

À notre époque, il y avait un business de la musique plus efficace. Un peu tout-puissant, mais en même temps qui avait voix au chapitre. Avec la multiplication des outils de communication, on a aussi tout et n’importe quoi. Il y a un désintéressement général jusqu’à ce que quelque chose perce. L’époque n’aide pas forcément à avoir les meilleures choses. C’est ce que les Anglais disent : « You get you give people what they want. » Moi, je ne suis pas d’accord avec ça. Je pense qu’il faut donner aux gens ce qui fait du bien. Je pense que la diversité fait du bien. Pas la diversité qui parle des gens de couleur, mais le fait de diversifier les choses. Si tu te rends compte que sur une émission de variétés, il y a toujours les mêmes personnes, un désintéressement naturel se produit. Dans les chaînes et dans les directions des programmes, il faut mettre des gens qui en ont. Je parle du service public, pas des chaînes commerciales. On doit élever le débat sur le service public.