Toutelatele

Marie-Ange Casalta (Enquête d’Action) : « Nous sommes dans l’antithèse du spectacle »

Joshua Daguenet
Par
Rédacteur TV & Séries
Publié le 16/02/2018 à 19:05 Mis à jour le 17/02/2018 à 12:42

Depuis 2009, Marie-Ange Casalta est aux commandes du magazine Enquête d’Action, porté par de très bonnes performances d’audience chaque vendredi soir sur W9. Pour Toutelatele, la journaliste, également remplaçante de Nathalie Renoux pour les journaux de M6, a commenté ce succès et évoqué la dure réalité du terrain.

Joshua Daguenet : Chaque vendredi, Enquête d’Action et W9 sont en tête de la TNT avec, depuis le début de l’année, 840 000 Français et 3.7% des téléspectateurs au rendez-vous. Quelle est la recette du succès du magazine ?

Marie-Ange Casalta : Enquête d’Action a un temps d’avance car c’était le premier magazine de la TNT. Il a crée un genre, avec des reportages en action même si par la suite, on a été imité sans être égalé. Nous avons su nous renouveler avec du terrain, du plateau et des interviews. Nous nous remettons toujours en question pour surprendre le téléspectateur ! Nous sommes partis en zone de guerre au Mali et nous avons beaucoup mis en avant le local.

Les rediffusions en nocturne sont très puissantes. Est-ce que la seconde partie de soirée est plus adaptée au format et au ton d’Enquête d’Action ?

Je ne pense pas car la première partie de soirée cartonne. Le succès sur W9 est installé et le public ne cesse de s’élargir. Après, en seconde partie de soirée sur M6, cela pourrait fonctionner.

Ce rendez-vous a-t-il encore une marge de progression ?

Oui, parce que l’environnement est de plus en plus concurrentiel et pourtant, nous avons toujours autant de succès. Les audiences vont continuer à progresser et nous continuons à élargir nos horizons pour satisfaire le public. Depuis que je présente ce magazine, les chiffres d’une saison sur l’autre sont toujours en amélioration et j’aimerais rendre hommage à mon équipe. Mon rédacteur en chef adjoint, Sébastien Dias, est incroyable et il est à mes côtés depuis mes débuts. J’ai aussi une pensée pour le rédacteur en chef Bertrand Deveaud et le producteur exécutif Jean-Marie Tricaud.

« L’une de nos journalistes a été touchée et violentée »

Est-ce une lignée éditoriale, comme le stipule le titre du magazine, de filmer les reportages comme un spectacle ?

Nous sommes dans l’antithèse du spectacle. Nous nous faisons tout petits et nous suivons des policiers, des pompiers, du Samu … des professions qui sont dans l’action. Nous sommes les témoins de ce qui se passe. La promesse de l’action est complètement respectée et je vous mets au défi de vous ennuyer une seule fois devant Enquête d’Action.

Les thèmes sont très variés. De la police aux urgences, on peut suivre un sujet sur les tatouages. Pourquoi une telle diversité ?

Pour notre volonté de surprendre malgré notre lignée éditoriale. Les tatouages nous ont attirés, car ils sont à la mode et moins marginaux que dans les années 70. Ils sont tendances et l’existence de kits pour se tatouer soi-même nous a interpellés. Le sujet s’est avéré passionnant et notre côté rebelle nous a poussé à s’y intéresser.

La sécurité est le maître mot du magazine. La société est-elle si dangereuse telle qu’elle est présentée dans celui-ci ?

Nous présentons uniquement la réalité. Nous filmons les faits qui s’y déroulent et les diffusions tels quels. Dans une petite ville de Lorraine, nous avons découvert une police fatiguée, avec beaucoup de tensions aux abords de la cité.

Les nombreux thèmes consacrés aux uniformes sont-ils, aussi, un moyen de rendre hommage aux métiers les plus difficiles de France ?

J’ai construit de forts liens avec ces gens-là et je connais bien leur quotidien. J’ai plusieurs chiffres édifiants : le nombre de morts dans la gendarmerie et la police nationale en 2016 a doublé par rapport à 2015. Les agressions sur les policiers et gendarmes en service ne font qu’augmenter donc j’ai d’autant plus de respect envers ces professions là. Et les blessures par arme ont augmenté de 60% durant cette même période avec près de 20 000 cas. Cette montée de la violence et de l’incivisme les use alors qu’ils donnent tout sans être payés des milles et des cents.

« Les audiences vont continuer à progresser et nous continuons à élargir nos horizons pour satisfaire le public »

Sans les chiffres, avez-vous constaté cette hausse de la violence en près de dix ans de présentation ?

J’ai été marquée à deux reprises, une fois avec la BAC et une autre avec la police des violences urbaines dans le 93. Ces deux équipes m’ont expliqué que très peu de policiers souhaitaient être filmés car ils vivent, bien souvent, dans des quartiers populaires. Dans ces quartiers, ils ont peur pour leur famille que l’on sache qu’ils sont policiers. C’est le monde à l’envers !

Des journalistes de terrain ont-ils déjà risqué leur vie lors de reportages au cœur des pompiers ou forces de l’ordre ?

Oui bien sûr ! Au Mali, un militaire est tombé sur une mine et a été très gravement blessé. Mais sans aller aussi loin, dans le cadre du reportage en Lorraine, à Woippy, une journaliste nommée Cindy Barnes est restée sur place deux mois. Elle a été insultée, suivie à la sortie du commissariat, a reçu des menaces de mort puis a été touchée et violentée même si elle n’a pas voulu nous en dire plus.

Après plus de huit années à la présentation, quels sujets souhaiteriez-vous traiter en 2018 ?

J’ai un sujet qui n’est pas d’actualité mais c’est une envie personnelle : je souhaiterais traiter la sécurité du Chef de l’État à l’Élysée. Je ne sais pas si ça peut se monter mais c’est un thème très mystérieux. En attendant, il y a d’autres surprises et notamment un numéro sur les familles nombreuses.

« Pour surprendre les téléspectateurs, nous nous remettons toujours en question »

Comment convaincre les téléspectateurs de suivre un numéro supplémentaire consacré au Samu de Toulouse ce vendredi 16 février et un autre sur le Samu de Lyon le 9 mars ?

Il n y a jamais deux reportages qui se ressemblent car les situations sont toujours inédites. L’effet de surprise sera toujours présent avec des séquences surprenantes. Le public peut difficilement être déçu, la preuve, il est de plus en plus présent.

Vous avez travaillé aux États-Unis pour CNN. Quelles sont les différences de traitement de l’information entre ce géant américain et des chaînes françaises comme M6 ou TF1 ?

Les différences sont nombreuses. Là-bas, j’ai apprécié l’exigence de qualité et les journalistes sont très polyvalents. Quand j’y ai travaillé un an, la journaliste partait seule sur le terrain avec son caméraman, elle se maquillait et se coiffait toute seule, se faisait son plateau et, en rentrant, elle montait son sujet. Pour ma part, quand je partais en reportage, j’étais totalement indépendante et il fallait tout savoir faire. Dans la manière de traiter l’information, le spectaculaire est davantage recherché aux États-Unis qu’en France, où le traitement est plus sobre.

Durant les vacances, vous êtes le joker de Nathalie Renoux pour les journaux de M6 qui, elle-même, présente Enquêtes Criminelles chaque mercredi soir sur W9. Comparez-vous vos performances aux siennes ?

Non, pas du tout (rires). Nous sommes un maillon de la chaîne et la qualité des reportages fait les bonnes audiences. Ce serait prétentieux de comparer nos performances car ce n’est pas une présentatrice qui fait les audiences, elles sont très complexes à analyser. Nathalie est titulaire et je m’occupe calmement de mes journaux où je reviens fin février pour les vacances.