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Marwan Berreni (Plus belle la vie) : « Avec Abdel, j’ai l’impression d’avoir une série à l’intérieur de la série »

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Directeur exécutif en charge des contenus
Publié le 22/04/2016 à 19:44

Benjamin Lopes : Vous êtes nommé dans la catégorie Meilleur acteur à la première édition des Soaps Awards France. Comment le personnage d’Abdel est-il devenu incontournable dans Plus belle la vie ?

Marwan Berreni :Incontournable, je ne sais pas. C’est vrai qu’à l’origine je ne devais rester que six semaines dans Plus belle la vie et finalement ça fait sept ans que j’y suis. Donc c’est certain qu’Abdel a réussi à se faire apprécier assez pour qu’on ait encore envie de lui écrire des histoires. C’est plutôt un atout. Ce qui fait la force de mon personnage c’est que j’ai toujours des intrigues qui sont dans une continuité depuis sept ans. Ce n’est pas toujours le cas en général, que ça soit dans Plus belle la vie ou encore dans d’autres séries. J’ai cette chance-là. Petit à petit, Abdel est devenu de moins en moins gentil. Il a toujours cette attirance pour la pègre et la mafia et dans le même temps ce besoin de justice et le droit qu’il a toujours voulu représenter.

En 2015, vous avez été au cœur de trois arcs narratifs de plusieurs semaines parmi les plus forts de Plus belle la vie, on peut donc tout de même dire que vous êtes inévitable dans la série ?

J’ai presque l’impression de l’apprendre (rires). On a tellement la tête dans le guidon qu’on ne s’en rend pas forcément compte. Avec Abdel, les scénaristes jouent presque sur des intrigues à l’américaine. L’histoire actuelle se terminer en suspend, et plus ça va, et ils la jouent comme ça. J’ai l’impression d’avoir une série à l’intérieur de la série. Mes intrigues ne ressemblent pas tellement à ce qu’il y a pour les autres comédiens. Après je ne suis pas le seul à représenter ces intrigues, dont notamment Barbara.

Vous êtes également nommé dans la catégorie Meilleure scène de l’année lorsqu’Abdel tue Manu, le frère de Coralie, pour sauver Elsa. Était-ce une scène difficile à jouer ?

Il faut dire que l’intensité de mes intrigues va crescendo depuis mon arrivée dans la série. Au début j’avais à jouer des histoires de lycéen, plus légères et quotidiennes. Au fur et à mesure, les scénaristes ont apporté une noirceur à mon personnage que je trouve génial, mais qui n’est effectivement pas toujours évidente à jouer. Plus ça va, et j’ai des scènes dramatiques à jouer, dont des meurtres. La scène de la tentative de viol de Manu sur Elsa et de son meurtre par mon personnage a été tournée après une très grosse journée de travail avec le réalisateur Christian Guerinel. Il s’avère qu’on était très en retard sur le planning de tournage. On a donc eu un quart d’heure pour tourner cette séquence. On a fait uniquement deux prises ce qui est assez rare. Sur Plus belle la vie, on dit qu’on va très vite mais ce n’est pas toujours le cas, et de moins en moins surtout. Sur ce genre de scène, la spontanéité, ça marche bien je pense, la preuve puisqu’elle est nommée dans cette catégorie.

Combien de temps avant la captation avez-vous pris connaissance de cette scène tragique ?

On reçoit les scénarios tous les mardis durant l’année. On les a presque un mois avant le tournage. Entre le moment où on tourne et la diffusion, il y a cinq semaines. Il s’est donc passé deux mois entre le moment où j’en ai pris connaissance et sa diffusion sur France 3.

Il y a eu beaucoup de rebondissements pour Abdel en 2015 : la rupture avec Barbara, le meurtre de Manu Blin et la mise en danger de Karim, ainis que l’arrivée de Claudia qui drogue Abdel dans la bataille autour de l’hôtel Ravello. En 2016 ça se corse encore. N’aspirez-vous pas à plus de légèreté pour le personnage d’Abdel ?

C’est vrai que c’est très sombre. En ce moment, c’est plutôt la déchéance pour mon personnage. Et en même temps, j’ai eu des périodes où j’avais uniquement des scènes très légères. Ce n’est pas forcément péjoratif de dire ça de notre part, mais des fois on dit qu’on a des intrigues qui servent la soupe. Depuis un moment, je n’ai pour ma part que des périodes d’intrigues qui durent deux à trois mois dans le registre policier. Les premières années, je faisais quasiment des tournages toutes les semaines durant l’année. Je suis content d’arriver à des choses plus dramatiques même si ça ne veut pas dire que je n’aimerai pas jouer des intrigues plus légères. Avec Vanessa, mon personnage aspire notamment à plus de légèreté et je pense que les scénaristes ont tout intérêt à rendre ce couple crédible.

Vous mettez en avant la crédibilité et le réalisme des intrigues d’Abdel. Comment défendez-vous sa réaction limitée après avoir subi un viol par Claudia ?

J’avoue que j’ai été un peu surpris quand j’ai découvert le script de cette scène. Je ne remets jamais en question ce que l’on nous écrit. Il n’y a jamais de mauvais scénarios mais des mauvais comédiens. C’est toujours en challenge en tant qu’acteur de composer avec ce que l’on a. En l’occurrence, aucune scène ne montrait réellement le viol et nous-mêmes on a joué une certaine ambiguïté. Ce qui m’a étonné personnellement c’est plus la réaction de Barbara, elle s’en fiche un peu en fait (rires). Au final, Abdel n’a que des petits souvenirs et c’est donc resté anecdotique. L’impasse a été faîte très rapidement et on n’en a plus jamais reparlé. Mine de rien, il y a eu un jeu pervers entre Claudia et Abdel. En l’occurrence, il était attiré par elle, même si il n’aurait jamais couché avec. Avec Margherita Oscuro qui jouait Claudia, on a donc préféré joué sur la complicité et la tendresse de l’un pour l’autre.

Abdel n’est-il pas devenu un impulsif dangereux ?

On peut carrément le dire. Tout ça a été bien construit. Les scénaristes avaient prévu ce virage avec plusieurs déceptions entre sa mère, son père, et Barbara. Tout ça l’a marqué et un jour à force de s’en prendre plein la face, il a décidé de faire ce qu’il voulait. En grandissant, il assume plus ses choix et c’est sûrement ce qui le rend impulsif, et je trouve bien qu’il aille enfin au bout de ses idées, quitte à prendre des risques car il n’a pas tellement à perdre.

Abdel n’est-il finalement pas dans les traces de son père ?

Totalement. On a justement eu une très belle scène avec Rachid Hafassa où il continue à me faire la morale et je lui balance « tel père, tel fils ». C’est quelque chose que les scénaristes avaient presque prémédité depuis le départ pour mon personnage. Ils avaient envie d’amener ce virage. Quand ils m’ont fait revenir après mon premier passage, ils m’ont fait comprendre qu’Abdel avait des tentations pour le milieu de son père. Déjà, quand Karim était en prison, il a côtoyé certains membres de la pègre. Il s’est à chaque fois rangé sous les conseils de son père. Petit à petit, il a suivi les pas de son père mais je crois de manière plus rationnelle. Il a l’impression de pouvoir jouer avec la loi et c’est ce qui lui permet d’avoir un peu moins d’ennuis même s’il se met finalement en danger.

Abdel est arrivé au Mistral en 2009 et a découvert ses véritables origines. Comment évaluez-vous l’évolution de votre personnage au fil des années ?

C’est sûr qu’il sera difficile pour Abdel de retrouver une vie normale. Je trouve ça assez passionnant. C’est ce que les gens attendent aussi. Les gens veulent-ils qu’Abdel se range et retrouve une petite vie d’avocat dans son cabinet ? Je ne pense pas. On aime le savoir tiraillé entre deux mondes qui s’opposent, entre la pègre et la justice. Les auteurs ont tout intérêt à continuer dans cette voie. Abdel a quand même la tête sur les épaules. Malheureusement, il n’est pas le seul en jeu et certaines choses lui échappent.

Peut-il finalement trouver la stabilité avec Vanessa grâce à des racines communes ?

Par rapport avec Barbara, ils se comprennent un peu plus facilement. Il y a eu quand même pas mal de problèmes entre Barbara et le père d’Abdel. Il s’avère que Vanessa a perdu son père, ce qu’Abdel a toujours craint pourle sien. De base, ils ont quand même une histoire commune donc. Barbara a beaucoup grandi depuis qu’elle n’est plus avec Abdel. Elle a plus de responsabilités, et il lui manquait ça auparavant. Alors certes, à présent il est attiré dans le monde de la mafia, mais ce n’est pas tellement Vanessa qui l’a décidé. Ils essayent de sauver leur peau et ils avaient sous-estimé la situation. Avec Shemss Audat qui incarne Vanessa, on a vraiment joué sur le gain de maturité d’Abdel. Sur cette intrigue j’ai eu des partenaires de jeu incroyables, dont Pierre André Gilard (Novak), Martin Barlan (Greg), et Shemss Audat (Vanessa). J’ai adoré travailler avec eux.

Quelle scène vous a le plus marqué après tant d’années de tournage ?

La scène qui m’a le plus marqué reste celle de la rupture entre Barbara et Abdel. Elle a été particulièrement réussie grâce notamment au travail de la réalisatrice Claire de La Rochefoucauld. C’est une très bonne directrice d’acteurs. Elle nous a hyper bien mis en scène et ça nous a bouleversé de la jouer. On a eu vraiment beaucoup de temps pour la préparer. Pour le coup, on a presque mis un mois, voire un mois et demi, à se remettre de notre rupture dans la fiction. C’est sept ans d’amitié avec Léa François, de travail en commun, de partage de scènes et de texte. Le fait d’apprendre que l’on séparait nos personnages et qu’on allait moins travailler ensemble, ça nous a totalement chamboulé. Ça a été limite plus difficile à supporter que certaines scènes de meurtres malgré le fait que j’ai une histoire personnelle qui fait que tout ce qui a un rapport à la mort ne m’anime pas forcément au niveau de l’intrigue. On traverse des histoires totalement différentes et c’est en quoi Plus belle la vie est magique.

Comment vivez-vous les polémiques qui encadrent parfois la série, à l’instar de l’intrigue autour de l’inceste ou encore le plan à 3 ?

Nous le vivons de l’intérieur donc c’est forcément différent. Il arrive qu’on soit parfois perturbés par ce qu’on a à jouer. Ce que je trouve super c’est que les auteurs osent aborder tous les sujets. Parfois France Télévisions ne veut pas parler de certaines choses mais c’est cohérent car certains sujets sont plus difficiles à aborder. Ils le font toujours avec beaucoup d’intelligence et je trouve qu’il n’y a pas de sujet tabou. Les polémiques je les entends mais je trouve qu’il est nécessaire d’aborder certaines thématiques. La polémique, elle existe surtout par rapport au créneau horaire de diffusion. C’est plus ça qui choque les gens. Un enfant de moins de 10 ans qui voit une grand-mère en train de fumer un joint ou qui voit des adolescents prendre de la drogue, c’est sûr que ça peut être gênant.

Avez-vous déjà eu des difficultés à appréhender une intrigue dédiée à Abdel ?

Ça peut arriver mais ce qui est réellement étrange pour moi c’est que, parfois, la vie de mon personnage et ma propre vie finissent par se ressembler. Ça peut devenir très perturbant. Parfois on perd quelqu’un dans la vie et on se retrouve avec son personnage qui doit également faire face à une perte, ça apporte forcément des moments troublants. Après, mon personnage reste différent de moi par rapport à ce qui lui arrive avec le milieu de la pègre.

Quel regard portez-vous sur les soaps, un genre qui reste prisé par les Français ?

Pour tout dire, je ne regarde que très peu la télévision car je ne l’ai pas. Je regarde pas mal de films et de séries cependant. Je n’ai pas ce rapport quotidien avec la télévision. J’avoue avoir du mal avec le côté rendez-vous télévisuel. Pour Plus belle la vie, ça m’arrive de rattraper un mois d’épisode et une ou deux journées. Je regarde les copains. C’est un genre qui est ingénieux. Ils ont inventé un concept d’une efficacité et d’une intelligence qui continue de me surprendre. Ce qui est génial avec ce format, c’est que ça laisse une marge de manœuvre qui est énorme. Petit à petit, ils ont amélioré la série et le public s’en rend compte.

Si vous deviez résumer le personnage d’Abdel en un mot ?

Passionné. Il fait les choses à fond depuis tout le temps. Je le joue comme ça en tous les cas. Il prend très à cœur les choses.

Quelle est votre actualité en dehors de Plus belle la vie ?

Je joue une pièce qui s’appelle Les anciennes odeurs, écrite par Michel Tremblay. Je joue avec Yannick Debain, qui jouait aussi dans La philo selon Philippe. Elle est mise en scène par Richard Guedj, qui est également directeur d’acteur sur Plus belle la vie. Ça parle d’amour, de mort. C’est très poétique et universel. C’est une pièce de théâtre pertinente. On peut la retrouver au Théâtre du Marais, le vendredi et le samedi à 21h30 et le dimanche à 15 heures.