Toutelatele

Méghane (Les Mamans, 6ter) : « Gabriel est un enfant très facile à vivre mais la société nous enfonce au lieu de nous faciliter la vie »

Joshua Daguenet
Par
Rédacteur TV & Séries
Publié le 11/11/2019 à 15:45 Mis à jour le 27/05/2020 à 12:35

Dans l’émission Les Mamans, à retrouver du lundi au vendredi à 17h10 sur 6ter, le public peut suivre les aventures de Méghane, Florian et de leur fils Gabriel. Le quotidien de la famille n’est pas tout à fait comme les autres et ils doivent redoubler d’attention pour s’occuper de leur enfant, atteint de trisomie 21. Si Méghane est une maman heureuse, elle a aussi tenu à adresser ses messages, décriant un abandon social et financier de l’Etat à l’égard des familles qui sont confrontées à la trisomie.

Joshua Daguenet : Accoucher d’un enfant trisomique a-t-il eu des répercussions sur votre volonté d’avoir un deuxième bébé ?

Méghane : Après mon premier enfant, je n’en voulais plus. C’est vrai. Mon conjoint, lui, ça ne l’a pas bloqué. J’ai eu peur de ne plus avoir de temps à accorder à un autre enfant à cause des rendez-vous en double. Sur le coup, j’ai été refroidie alors que de base j’ai toujours souhaité avoir deux enfants. Avec le temps, j’ai digéré tout ça et j’ai pris conscience que j’étais prête pour une seconde grossesse.

Y’a-t-il eu un élément déclencheur ayant infléchi votre décision ?

Ma décision a été prise naturellement. J’ai pensé à Gabriel. Je ne voulais pas qu’il y ait trop d’écart avec lui, et en même temps, j’ai souhaité attendre que notre premier fils marche, car cela risquait d’être trop physique pour nous.

Aujourd’hui, vous en êtes à plus de cinq mois de grossesse. Comment la vivez-vous jusqu’à présent ?

Forcément, je ne suis pas très sereine. J’essaie de relativiser. J’ai été plus suivie, j’ai fait une biopsie du trophoblaste, l’équivalent de l’amniocentèse, sauf qu’on peut la faire à trois mois de grossesse. J’ai pu être rassurée par le biais de ces examens-là, mais j’ai attrapé un virus qui s’appelle le CMV, le cytomégalovirus, ce qui est assez grave si on le contracte dans les premiers mois de la grossesse. Je me suis alors dit que j’avais la poisse, mais au final, heureusement, je l’avais attrapé avant de tomber enceinte. Pendant un mois, nous n’avons pas pu nous réjouir de la grossesse, car nous ignorions si nous pourrions garder le bébé.

S’occuper d’un enfant trisomique nécessite déjà une disponibilité très importante...

Ce n’est pas sa trisomie en soi qui est difficile à vivre au quotidien : c’est l’état dans lequel on vit, car rien n’est fait pour eux. On doit se battre pour tout. Nous devons réduire notre temps de travail voire de complètement arrêter, car notre enfant n’est plus scolarisé et forcément nous avons moins d’argent. Comment fait-on pour vivre avec une bouche en plus alors que les revenus sont moindres ? Nous n’avons pas de compensation financière sachant que les frais sont beaucoup plus importants avec un enfant porteur d’un handicap. Gabriel est un enfant très facile à vivre, ce n’est pas ça le plus dur, mais la société qui nous enfonce au lieu de nous faciliter la vie.

« Pour Gabriel, un simple rhume se transforme directement en bronchite »

C’est aussi l’une des raisons qui vous ont poussée à dévoiler votre quotidien...

Nous souhaitions aussi montrer aux autres parents ce qu’est le handicap, car ça peut effrayer et certains ont des préjugés que je peux comprendre. Je voulais casser les clichés, les appréhensions, les craintes et les moqueries, car c’est facile de se moquer quand on ne connait pas. J’ai pu voir grâce à l’émission que tout le monde s’est attaché à mon fils et ils ne se disent pas « tiens, c’est l’enfant trisomique 21 ». Non. C’est Gabriel.

Pour la scolarité de Gabriel, quelles vont être vos principales préoccupations à l’avenir ?

J’aimerais qu’il puisse, dans un futur proche, en moyenne section, être à temps complet à l’école, car il y passe trois heures par jour. Il n’a même pas une matinée complète...

Qui est à l’origine de cette limitation ?

C’est le système qui est mal fait encore une fois. Pour eux, c’est un manque d’AVS ou d’AESH*, mais ce n’est pas du tout ce qui manque. En réalité, l’État a gelé les budgets et ils sont en train de nous mettre de la poudre aux yeux en assurant que l’école est inclusive, qu’ils ont tout fait au mieux, mais dans la réalité, ce n’est pas ça du tout. On déshabille Paul pour habiller Jacques en enlevant quelques heures d’AVS à un enfant qui en avait besoin pour les redonner à un autre. C’est un manque de volonté.

Gabriel a récemment subi une anesthésie générale. Comment a-t-il digéré l’opération ?

L’opération s’est bien passée. Gabriel avait déjà subi une anesthésie générale pour une opération au cœur à l’âge de trois mois, mais la deuxième a été particulièrement difficile, car il a été beaucoup perturbé au niveau du sommeil. À la salle de réveil, il s’est réveillé tout seul et cela l’a un peu traumatisé. Les médecins nous ont appelés un quart d’heure après, et pour un enfant, c’est dur. Le sommeil a été détraqué et il ne pouvait plus s’endormir sans nous. Maintenant, nous essayons de revenir petit à petit à la normale.

Votre fils est exposé plus que les autres enfants aux maladies. Comment allez-vous appréhender l’hiver et les basses températures qui s’annoncent ?

L’hiver chez nous est assez rude, car il tombe facilement malade. Et le simple rhume, on ne connait pas. Cela va directement se transformer en bronchite, bronchiolite, pneumopathie... avec des hospitalisations. La première année a été la plus difficile. Là ça commence à aller mieux même si nous avons été aux urgences il y a quinze jours, dès la première fois qu’il est tombé malade cette saison, car il a fait de l’asthme.

Vous ne connaissez pas l’expression « Mieux vaut prévenir que guérir »...

On ne peut pas prévenir. Certains parents vont chez le médecin pour un rhume, nous, non. Je suis obligée d’attendre un état assez important, car les médicaments basiques ne vont rien donner. On se demande quand cela va tomber sur les bronches et qu’il va falloir l’emmener chez les urgences. Heureusement, en grandissant, ça ira de mieux en mieux comme pour tous les enfants. Mais cette année, Gabriel a attaqué fort...

« Je ne continuerai pas au-delà de la saison 3 »

Vous avez assumé d’exposer votre fils dans les grandes largeurs puisqu’une page Facebook lui est dédiée. Ce choix a-t-il fait l’objet d’une réflexion avec votre compagnon ?

Oui, et même le choix de participer à l’émission. À la base, c’est plutôt mon conjoint qui m’a poussée à accepter. Après, nous avons eu tellement de demandes de téléspectateurs qui souhaitaient des nouvelles à la fin de la saison 1, j’ai donc décidé d’ouvrir cette page. Elle sert aussi à aider des jeunes parents comme nous et nous avons rencontré quelques familles pour les guider du mieux que nous le pouvions.

Cette page est nommée « Gabriel & son petit plus ». Un pied de nez à sa maladie ?

Pour faire simple, nous avons un caryotype de 46 chromosomes, donc 23 paires. Gabriel a un chromosome supplémentaire sur la paire numéro 21 donc il en a 3 au lieu de 2. D’où l’appellation de la trisomie 21 et de la page « Gabriel & son petit plus ».

Avez-vous fixé une limite de participation dans l’émission ?

Oui, car je ne compte pas médiatiser Gabriel durant toute son enfance. C’est aussi pour cela que l’on ne me voit pas dans tous les épisodes, car je ne souhaitais pas être autant filmée que lors de la première saison. Le tournage avait été physique et intense. Je n’ai pas envie que mon deuxième enfant soit médiatisé, donc je m’arrêterai là.

Le public ne vous verra pas au-delà de cette troisième saison ?

À priori oui. Je ne pense pas continuer par la suite parce que j’estime avoir déjà montré pas mal de choses, aidé bon nombre de personnes et réussi à faire changer le regard du handicap à mon niveau. Au-delà de toutes les difficultés, j’ai souhaité montrer qu’il y avait également énormément de bonheur, car le moindre progrès qu’ils font est une joie dix fois plus intense. En parallèle, je continuerai à donner des nouvelles sur la page Facebook.