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Melle Lareigne (Retour au Pensionnat) : « Les enfants ont pris conscience qu’ils avaient des comportements déplacés »

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Directeur de la publication
Publié le 21/10/2013 à 19:42 Mis à jour le 01/11/2013 à 15:42

Professeure d’Espagnole à Angoulême, Mademoiselle Lareigne a marqué cette saison du Retour au Pensionnat sur M6. La surveillante, qui n’hésite pas hausser le ton, privilégie cependant l’échange. Pour Toutelatele, Mademoiselle Lareigne fait tomber le masque...

Jérôme Roulet : Comment vous êtes-vous retrouvée dans l’aventure du pensionnat de M6 ?

Mademoiselle Lareigne : J’ai vu par le plus grand des hasards une annonce de M6 en salle de professeurs de mon établissement. J’ai répondu le soir même ! L’expérience TV m’attirait ainsi que l’immersion dans les années 50.

Qui est véritablement Mademoiselle Lareigne dans la vie de tous les jours ?

Quelqu’un de très coquette (rires). Je suis une professeure d’Espagnole, directe, humaine et très attachée aux valeurs. J’aime la franchise et l’échange. C’est pour ça aussi que j’ai participé à l’émission, car on est dans un processus d’échange. Même si au départ on me voit plus vociférer, on apprend ou on réapprend aux enfants à échanger.

La mademoiselle Lareigne du Pensionnat de 1950 est-elle si différente de celle de 2013 ?

Bien sûr, je ne me reconnais pas avec le costume et la coiffure des années 50. Il fallait bien recréer une ambiance. Mais ce qui peut paraitre une caricature ne l’est pas. Je ne me suis pas trouvée très différente : Je suis une besogneuse, j’aime que les choses soient bien cadrées et, finalement, je me reconnais quand je me vois.

Y’a t-il eu un travail de préparation et de répétitions avec la production pour ce programme ?

Il y a un rôle et une prestation. Je ne pense pas blesser quelqu’un en disant que j’ai bâti ce rôle seule avec l’aide de mes proches, sans celui des professionnels. Par le passé, j’ai fait une année de théâtre au conservatoire de Limoges. J’ai également lu de nombreux ouvrages qui retraçaient la vie des années 50. Quand on est enseignant, on est aussi acteur. II faut faire passer le savoir et, pour y arriver, il faut croire en ce qu’on fait même si on n’est pas à l’abri d’un échec.

« J’ai bâti ce rôle seule avec l’aide de mes proches »

Vous a-t-on cependant demandé de vous glisser dans le rôle de la « méchante de service » ?

Non pas du tout ! On ne m’a rien imposé, la production nous a laissés faire comme on l’entendait. Après les élèves n’étaient pas toujours faciles. Il fallait donc agir et démontrer une certaine autorité qui se manifestait aussi par des cris... Mais petit à petit, on sent que Mademoiselle Lareigne est plus humaine et plus détendue.

Partie 2 > La vie au Pensionnat avec les élèves


Le montage n’aide-t-il pas aussi à tout cela ?

Je ne pense pas que le montage fasse que les enfants soient plus agréables. Pour moi, il s’agit du résultat dû à leurs progrès. Ils sont arrivés au départ comme des petits chefs en vainqueurs. Il a fallu remettre de l’ordre dans tout ça, rappeler que les chefs étaient les adultes. Avec Monsieur Gautier, on s’est imposé. Et les enfants ont pris conscience qu’ils avaient des comportements déplacés. Au départ, les remarques étaient vécues comme des agressions. Pourtant, c’était pour les faire avancer. Finalement, ils ont énormément progressé.

On remarque que l’isolement de Dylan et Mathias a fait prendre un tournant à l’aventure des élèves. Comment l’expliquez-vous ?

L’idée d’isolement n’a pas été du tout facile à prendre. Après, ils l’ont été dans des conditions excellentes. On n’est pas des bourreaux non plus, on venait les voir et on les faisait travailler ! Mais c’est terrible... Quand vous êtes enfermé seul dans quelques mètres carrés avec votre seule tête pour réfléchir, vous prenez conscience de l’ampleur du problème. J’avais un peu peur personnellement du ressenti du téléspectateur et je me suis même demandé s’ils allaient oser le montrer. Finalement, j’ai trouvé ça très bien. Je n’ai eu aucune remarque négative au contraire. L’isolement leur a fait changer d’attitude.

Comment avez-vous vécu les expéditions nocturnes des élèves du Pensionnat ?

Je n’en garde pas un bon souvenir. Je suis peut-être un peu naïve, mais j’avais tout envisagé, sauf ça ! Ils ont pensé que ce programme était une colonie de vacances. On n’apprécie pas d‘être réveillée brutalement en pleine nuit. Il a fallu leur courir après... avec mes chaussons bleus et ma tenue, c’était formidable, un vrai remède à l’amour (rires).

A certains moments, on ressent que vous êtes plus sur le point d’exploser de rire que de colère...

(Sourire) Les élèves me l’ont dit également. Heureusement que je me permettais de tomber un peu le masque pour être bien dans ma tête. Je suis humaine...

Avez-vous été déstabilisée à un moment donné par les élèves ?

J’ai le souvenir d’une anecdote extraordinaire : lorsque j’ai dispensé le cours de maintien, je m’étais entrainée pour marcher avec un livre sur la tête pendant une semaine. J’avais pris un manuel qui n’était autre qu’une ancienne méthode de latin des années 50 appartenant à mon grand-père. J’ai gardé ce livre pour faire ma démonstration au Pensionnat et j’en ai donné un autre aux élèves pour faire la même chose. Et une petite m’a alors dit : « Ah vous trichez madame, ce n’est pas le même format ! » J’ai donc dû refaire la démonstration. Après, je leur ai avoué : « Je ne veux pas que vous marchiez avec ce livre parce que si vous le faites tomber, je le prendrais très mal, car c’est un livre qui appartenait à mon papy. » Elles ont donc compris... Mais elles ont quand même eu le culot de dire que je trichais. Ça m’a un peu déstabilisée, mais je suis retombée quand même sur mes pattes.

« L’idée d’isolement n’a pas été du tout facile à prendre »

L’attitude des élèves au pensionnat est-elle le reflet de ce que vivent les professeurs aujourd’hui ?

Les élèves du pensionnat sont ceux qu’on a au quotidien en classe, car la production avait choisi un panel très large, du plus charmant au plus désagréable. Les élèves ne sont pas tendres même si, au pensionnat, il y avait un folklore normal pour la télé. Aujourd’hui, les boulettes c’est désuet, ce qui est récurrent, c’est l’agressivité. Ils veulent toujours avoir le dernier mot.

Partie 3 > Quel bilan personnel pour cette émission ?


Le métier est-il de ce fait de plus en plus difficile ?

Je ne veux pas tomber dans le pathos, mais c’est difficile nerveusement. On entend souvent « Ils ont trop de vacances ! » Mais croyez bien que si on n’avait pas quinze jours à la Toussaint, on passerait quinze jours en hôpital psychiatrique et ça couterait beaucoup plus cher... Les vacances sont nécessaires.

Finalement, les élèves du pensionnat sont-ils des durs au cœur tendre ?

Oui, et certains sont très attachants. Plusieurs élèves m’ont touchée par des situations particulières très personnelles que j’ai découvertes en fin de programme. Certains vivent des choses atroces... Et on ne parle pas de divorce là, car, aujourd’hui, c’est monnaie courante. Au pensionnat, un élève m’a beaucoup touchée à cause de ça. J’appréciais également beaucoup Lauryne.

Les rôles sont inversés : vous êtes élève au pensionnat. Qu’auriez-vous détesté par-dessus tout ?

Les cours de sport et de mathématiques ! J’aurais rechigné sur l’huile de foie de morue, car je suis très sensible aux odeurs, mais j’aurais fait des efforts sur les rognons. Mes parents ne m’ont pas toujours demandé mon avis, il fallait filer droit, que ça plaise ou non. Et jamais je n’aurais osé rétorquer. J’avais du caractère certes, mais à notre époque, on était plutôt bienveillant... En tout cas, j’aurais bien aimé être punie comme Mademoiselle Jeanne pour avoir des cours de tricot ! Je m’en serais donné à cœur joie (rires).

Êtes-vous satisfaite du résultat en tant que téléspectatrice ?

J’éprouve une certaine fierté à pouvoir dire que j’ai participé à ce programme. Je découvre le résultat chaque lundi en direct et je rigole comme une imbécile... Et puis, avec cette expérience au Pensionnat, on peut dire que j’ai rétorqué vingt ans après, et j’espère avoir surpris beaucoup de mes anciens enseignants. J’ai d’ailleurs fait en sorte qu’ils sachent que je participais à l’émission...

« Ce pensionnat est une photographie de ce que sont les jeunes d’aujourd’hui »

Quels enseignements avez-vous tirés de cette aventure ?

Nous étions là pour vivre une expérience pédagogique originale. Ce pensionnat est une photographie de ce que sont les jeunes d’aujourd’hui. Et même si on ne parvient pas toujours à redresser la barre, il faut toujours croire en eux.