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Mes liens sacrés > Le réalisateur Olivier Boucreux revient sur son récit autobiographique

Tony Cotte
Publié le 02/09/2014 à 17:46 Mis à jour le 07/09/2014 à 18:34

A 46 ans, Olivier Boucreux, ancien rédacteur en chef de ‘L’hebdo cinéma’ (France 3), est le père d’un petit garçon de cinq ans. En vue de préparer son mariage avec son compagnon, il filme tout de son quotidien à l’heure où les manifestations contre le projet de la loi famille grondent. Celui à qui l’on doit le documentaire ‘Le cinéma français est un voyage d’affaires’, livre pour France 2 ‘Mes liens sacrés’, un récit autobiographique diffusé ce mardi 2 septembre à 22h30 dans la case ‘Infrarouge’...

Tony Cotte : Vous filmez de nombreux moments de votre intimité, jusqu’à la consultation chez votre psychologue. A-t-il été facile d’imposer une caméra auprès de tous vos interlocuteurs ?

Olivier Boucreux : Le terme « imposer » ne convient pas. Tout le monde était au courant de la présence, au jour le jour, de cette caméra. Elle n’était pas cachée et ce ne sont pas des images volées. Elle faisait partie de moi. Je me suis posé beaucoup de questions avec elle, notamment l’annonce du mariage à mes parents. Je voulais l’immortaliser, mais j’ai vite abandonné l’idée. Je ne suis pas sûr que je le ferais à d’autres personnages si j’étais en reportage, alors pourquoi le ferais-je pour moi ? Je me suis quand même posé des limites.

La présence du matériel change-t-il les rapports avec vos interlocuteurs ?

Mon travail est de rendre le tout naturel. Ce n’est pas vraiment de l’interview, c’est de la vie. Quand je pose la caméra, on l’oublie rapidement. Quand je me revois chez le psy, je me trouve très naturel. Je me demande d’ailleurs comment cela est possible...

Dès les premières minutes de Mes liens sacrés, vous dites : « Je ne suis pas militant, juste assumé et heureux ». On vous voit ensuite rapidement coller vos premières affiches en pleine période ‘Manif pour tous’. Vouloir se marier à cette période et proposer par la suite ce documentaire n’est-il pas en soi une forme de militantisme ?

Je ne suis pas militant, mais l’histoire, tout ce qui s’est passé autour de ça, m’a amené à l’être un petit peu plus. J’en suis assez fier, non pas que je regrette de ne pas l’avoir été avant. Finalement, ça a été le cas de plein de gens, même des hétéros choqués face à ces actes et qui se sont mobilisés. Si ce film peut être un acte militant, alors je l’accepte.

« Si ce film peut être un acte militant, alors je l’accepte »

Vos proches ont-ils vu Mes liens sacrés en amont de sa diffusion ?

Je sais que ma mère l’a regardé, mais elle ne m’en a pas dit plus. Je ne sais pas si mon père l’a vu. Il a le DVD entre les mains, mais j’ai conscience que c’est difficile pour lui. On en parlera après, mais il me donne déjà son avis dans le film finalement avec ce poème (il s’agit de la dernière scène du documentaire, ndlr). À la limite, ça me suffit. Quant à mon fils, il a vu quelques séquences avec l’iPhone, mais il est probablement trop jeune aujourd’hui. J’aimerais en tout cas qu’il le voie un peu plus tard et j’espère qu’il sera fier de son papa.

Partie 2 > Ses appréhensions à la suite de la diffusion, la suite de sa carrière


Allez-vous être vigilant sur les audiences réalisées par Mes liens sacrés ?

Je ne crois pas. Mais ce projet m’a tenu tellement à cœur et j’ai tellement envie de le partager que je ne sais pas comment je vais réagir après la diffusion. Après, il existe plusieurs façons de le partager autrement. Il peut avoir une vie dans les festivals ou même de manière pédagogique dans les lycées.

La conclusion de Mes liens sacrés est assez étonnante. Sans la révéler, la démarche de proposer ce documentaire vous a-t-elle permis de mieux y faire face ?

On peut dire ça. Il fallait que je le termine. Il y a eu quelques mois difficiles. Je me souviens même avoir été au montage et m’être effondré en larmes devant les images. Heureusement que la boite de production (Galaxie Presse, ndlr) comme la chaîne ont été avec moi jusqu’au bout. Petit à petit, une fois que j’ai pu aller mieux, il fallait le terminer...

Dans la note d’intention, vous dites « Je me suis interrogé, j’ai compris, j’ai manifesté, je me suis perdu, retrouvé... » Avez-vous eu envie de tout abandonner et de ne pas aller jusqu’au bout de votre démarche ?

Plein de fois je me suis dit que c’était trop dur, même sur les petits détails. On se demande ce qu’il est possible ou non de filmer, notamment en matière d’intimité. J’espère que ce n’est pas trop impudique ou égocentré, même si ça l’est de fait puisqu’il s’agit d’un récit autobiographique.

« Mon film, c’est un film d’amour(s) »

Le fait d’avoir été rédacteur en chef de plusieurs programmes télévisés a-t-il représenté une aide dans vos démarches ?

Je ne crois pas. Ce qui m’a aidé pour Mes liens sacrés a été un documentaire sur France 3 autour de la bisexualité (L’amour en tous genres : la bisexualité, ndlr) que j’avais fait à la première personne. Ça a entraîné ma démarche et la proposition à la chaîne. Et je pense que c’est la raison pour laquelle ils ont accepté. On ne trouve pas tous les jours non plus un réalisateur gay avec un enfant qui veut bien filmer son mariage. [Rires.]

Après une démarche comme celle-ci, comment aborde-t-on la suite de son parcours professionnel ?

C’est justement la question que je me pose en ce moment. J’ai encore des projets, évidemment, mais qui paraissent fades à côté, du moins à ce stade. Ce n’est pas un jugement. Dois-je faire uniquement faire des films de cette façon ? J’ai un projet sur des adolescents psychotiques qui m’ouvre les bras. J’espère que ça se fera. Moi, c’est l’humain qui m’intéresse. Quand je filme la police, je l’ai fait souvent, je me focalise sur la personne derrière l’uniforme, pas sur les courses-poursuites. Il en est de même quand je rencontre des acteurs. C’est tout ce qui m’intéresse. Mon film, c’est un film d’amour(s). Je crois que c’est assez simple.