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Muriel Montossey (La Classe) : « On n’demande qu’à en rire, c’était une vraie guillotine ! »

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Directeur de la publication
Publié le 14/06/2015 à 17:21 Mis à jour le 04/07/2015 à 00:37

Avec sa voix si particulière, Muriel Montossey a su ensorceler le public pendant plusieurs années dans l’émission culte « La Classe ». Actrice, elle a joué sur petit et grand écran, et depuis les années 2000 enchaine les pièces de théâtre. Après le succès du « Choc d’Icare », elle se retrouve seule en scène, du 4 au 25 juillet au festival d’Avignon dans la peau de la mère d’Oedipe, Jocaste. Rencontre.

Jérôme Roulet : Vous avez joué dans Les reformés se portent bien, Voulez-vous un bébé Nobel, Belles, blondes et bronzés..., des films considérés comme des nanars. Avec le recul qu’en pensez-vous ?

Muriel Montossey : Au départ, comédienne n’était pas ce que je rêvais de faire. Je travaillais sur Paris, et un jour, j’ai découvert qu’enchainer des petits rôles, des photos, etc., c’était bien plus amusant et bien mieux payé. Je me définissais en fait comme une « comédienne VRP ». A un moment, j’étais dans une pièce de théâtre, à un autre je partais tourner au soleil Belles, blondes et bronzées. Au final, j’ai trouvé ça amusant comme métier !

Referiez-vous ces films aujourd’hui ?

Si je n’avais pas fait tout ça, je travaillerais sûrement à l’usine ou derrière un bureau. Je n’aurais pas connu les Bahamas, j’aurais eu une petite vie. À l’époque, j’avais 20 ans et tout ça m’a amené où je suis aujourd’hui...

Dans votre filmographie, un film vous a-t-il particulièrement marqué ?

Non ! (rires) Mais j’ai fait plusieurs rôles pour Yves Boisset. Et lui m’a marqué parce que c’est quelqu’un qui s’investit. Il fait partie de cette génération de metteur en scène qui choisit vraiment ses comédiens, il se déplaçait pour les voir jouer au théâtre par exemple, etc.

Comment êtes-vous arrivée sur scène ?

J’ai participé à l’émission Les habits du dimanche, animée par Léon Zitrone. J’avais tenu trois semaines. Et j’ai gagné une pièce avec Jean Lefebvre. Nous sommes partis ensemble six mois en tournée, puis après trois ans sur la scène du Théâtre des Nouveautés à Paris. Si toute petite, je m’étais battue pour le Conservatoire ou la Comédie française, je n’aurais pas du tout eu le même parcours...

À la télé, vous avez joué dans l’un des feuilletons qui a eu le plus de succès en prime time dans les années 80 : Chateauvallon. Comment vous êtes-vous retrouvée dans le rôle de Gabrielle Berg ?

Paul Planchon, le réalisateur, m’a dit : « On a le rôle d’une star à vous proposer ! ». Certes, c’était le rôle d’une star de films muets (rires). Je jouais la mère de Chantal Nobel. J’étais donc l’épouse de Jean Davy et la maitresse de George Marchal. Je faisais, en fait, toutes les scènes hors de l’époque contemporaine. Quand Jean Davy pensait à moi, j’apparaissais dans les flashbacks. J’ai donc tourné en costumes. Dans le générique, je suis celle qui galope à cheval. (rires)

« Je me définissais comme une comédienne VRP »

En 1987, Guy Lux crée La Classe sur FR3. Et vous êtes intégrée dans l’équipe...

Un jour au téléphone, alors que je patientais pour avoir Francis Lax, qui dirigeait le plateau sur lequel je faisais des doublages, un type m’a dit que j’avais une jolie voix. Il s‘agissait de Claude Lambert, le directeur de production de La Classe. Je ne connaissais pas du tout l’émission. Au début, on m’a donc demandé d’y aller pour faire la jolie plante, vraiment « la blonde » !

Comment a évolué votre place dans l’émission ?

Un jour, j’ai dit : « Je veux parler, je suis comédienne, je joue au théâtre... » Et Claude Lambert m’a répondu « Non.... faudrait trouver une idée géniale... mais bon... » (rires) Il voulait que je reste dans le décor en fait ! Et en cherchant avec un copain, on a trouvé l’idée des « Petites fables ». On m’a donc mis un micro, et je suis enfin devenue comédienne dans La Classe. Dès lors, Fabrice a dit qu’il me voulait tout le temps dans l’émission. Comme quoi, ça ne tient à pas grand chose...

La Classe a-t-elle été un boosteur de carrière ?

En fait, là-bas, j’ai découvert que tout le monde faisait le point virgule comme si c’était un métier (rires). Et grâce à ça, j’ai donc réussi à monter au point virgule. La chance m’a amené jusque-là... Après j’ai compris que des dizaines de comédiens se battaient pour passer dans La Classe, mais je n’en avais pas conscience au départ...Tout le monde débutait, c’était vraiment très sympa, on était sincère, on rigolait bien, on enchainait les émissions à la suite et on ne répétait pas sur le plateau, le travail se faisait en amont.

Après avoir mis votre carrière entre parenthèses suite au décès de votre fille, comment avez-vous opéré votre retour sur les planches ?

Je m’étais cloîtrée dans un château dans le fin fond du Loiret... Dans les années 2000, j’ai voulu reprendre un peu le métier. Et un metteur en scène, Gérard Savoisien, m’a retrouvée pour me proposer un rôle dans une pièce pour faire la maîtresse de Christian Marin. Et pour moi, j’allais rencontrer un des « Chevaliers du Ciel », donc j’avais ce regard émerveillé... Puis, j’ai enchaîné avec Christian Morin, Bernard Menez, Jean Lefebvre, Henri Guybet, que des prix de beauté ! (rires). En moment, je fais la femme de Jean Sarrus, un des anciens Charlots, dans « Une clé pour deux ».

Pourquoi avez-vous tenté un passage dans On n’demande qu’à en rire en 2012 ?

Je n’avais pas réellement envie de le faire, mais j’ai cédé... Le thème était la jalousie. C’était en pleine affaire Hollande / Trierweiler. J’ai donc pris cet exemple d’actualité. Je fais la répétition où on m’a encouragé, etc. Mais une demi-heure avant le tournage, on est venu m’annoncer que Catherine Barma (productrice de l’émission et membre du jury, ndlr) voulait que je change les noms pour ne pas nommer Hollande et Trierweiler car c’était délicat... D’un coup, je me suis dit que mon sketch ne voulait plus rien dire sans ça ! On m’a cependant laissé un peu de temps pour le réécrire et on a tenté de me rassurer en disant que le texte serait sur le prompteur... Mais, je n’avais pas mes lunettes, et je n’ai pas voulu leur dire... Paniquée, j’ai fait le truc le plus mauvais de ma vie ! À côté, Belles, blondes et bronzées, c’est la palme d’or ! (rires)

« Seule en scène, pendant une heure, il faut vraiment ensorceler le public ! »

Ne tirez-vous rien de positif de ce passage ?

Si, une personne qui montait la pièce pour enfants, Pirates des petits caïds, m’a contacté par l’intermédiaire d’On ne demande qu’à en rire. Comme quoi... Mais cette émission par rapport à La Classe n’a pas le côté bon enfant, c’est assez méchant... C’est une vraie guillotine !

En juillet, vous serez au Festival d’Avignon pour Jocaste, Œdipe à la folie, écrite par Joseph Agostini. Comment cette rencontre a eu lieu ?

J’étais à un précédent festival d’Avignon et, tout d’un coup, j’entends mon nom au détour d’une discussion à une table. Un mec parlait de moi en fait ! Et là il me regarde et me dit « Je suis en train de parler de vous ! » Telle la vierge Marie, je suis apparue (rires). Il est venu voir le spectacle et m’a proposée cette pièce...

Pourquoi avez-vous accepté de relever ce challenge ?

J’ai trouvé intéressant ce rapport psychanalyste, auteur, comédienne. Ça m’a fait un peu penser à Marilyn Monroe et Claude Miller. La comédienne décortiquée par le psy, et Jocaste décortiquée par le peuple. Après je n’ai pas réalisé tout de suite que j’allais me retrouver seule avec un texte d’une heure à apprendre... Car seule en scène, il faut vraiment ensorceler le public !

Qui est véritablement Jocaste ?

La plupart des femmes ont un pauvre type comme mari qui les trompe en plus (rires). Jocaste attend que le temps passe. Jusqu’au jour où la chance lui sourit puisque son mari meurt.... et alors qu’elle est en train de prier, de faire le deuil, l’esprit d’Œdipe intervient. À partir de ce moment, elle va connaitre la sensualité, l’amour, elle va « mouiller sa culotte » comme on dit (rires). Mais le problème étant qu’elle épouse en fait son fils sans le savoir... À l’époque, ils avaient l’art de se compliquer la vie ! Et quand elle l’apprend, c’est comme si elle avait le poison en elle, sans antidote. C’est terrible, c’est un inceste... Et elle va vouloir se pendre.

Va-t-on retrouver sur la scène d’Avignon la provocante et naïve « Muriel-monte-au-ciel » ?

Oui, car elle est en moi. C’est une grande amoureuse... Maintenant, je joue peut-être un peu plus de cette candeur qui avant était tout à fait naturelle. En fait, c’est un peu le profil de la femme enfant, jouant avec cette naïveté. Mais comme on dit : « Ce n’est pas parce que j’ai l’air d’une imbécile qu’il faut me prendre pour une idiote. » (rires)