Toutelatele

Nagui : « Le succès de N’oubliez pas les paroles je l’apprécie, mais je sais que ça ne peut pas durer »

Tony Cotte
Publié le 19/04/2015 à 18:40 Mis à jour le 26/05/2015 à 01:13

Entre deux quotidiennes à la télévision, une à la radio et une société de production qui cumule de nombreuses heures d’antenne, Nagui est une figure imparable du paysage audiovisuel français. Pour Toutelatele, l’homme qui a réussi à sauver l’access de France 2 dresse le bilan de ses dernières activités et raconte, toujours avec passion, les coulisses de sa profession.

Tony Cotte : À la fin de la saison dernière, le renouvellement de N’oubliez pas les paroles en access n’était pas forcément acquis. Aujourd’hui, vos permanences auprès des ménagères affaiblissent TF1. Quel regard portez-vous sur cette situation ?

Nagui : On peut en tirer deux enseignements : le travail paie et rien ne dure. De la même manière que ça n’avait pas duré quand je faisais N’oubliez pas votre brosse à dents, Que le meilleur gagne ou RTL. Il y a des moments où ça redescend, parfois parce que vous n’êtes plus en phase avec ce que le public attend. Ça peut aussi être une direction qui vous fait confiance ou non ; il y a des animateurs qui sont bons en étant privés d’antenne. Le succès de N’oubliez pas les paroles je l’apprécie, mais je sais que mécaniquement ça ne peut pas durer.

L’an dernier, vous aviez développé des pilotes de jeux pour remplacer N’oubliez pas les paroles. Ces projets verront-ils le jour ?

J’espère le plus tard possible. Le problème qui se pose à moi maintenant est un problème de riche avec les Irlandais. Une adaptation de leur format a plu à France 2 et nous avons renouvelé les droits pour garder le programme sous la main. Ils attendent avec impatience de le voir à l’antenne, car on l’a bloqué depuis un an. Si on ne l’avait pas fait, ils auraient pu le vendre ailleurs. Moi je pourrais le proposer à d’autres, mais comme France 2 a été la première à dire oui…

La chaîne exige-t-elle que vous soyez animateur des jeux que vous proposez en tant que producteur ?

La question ne se pose pas. De mon côté, j’adore produire sans animer, comme j’ai pu le faire avec Christophe Michalak [Dans la peau d’un chef, ndlr.] Je suis totalement profane en cuisine et pourtant j’ai la prétention de pouvoir lui donner des indications pour savoir ce qui est bon de montrer à l’écran. On travaille extrêmement bien ensemble.

Quand on fait partie d’un groupe international comme Banijay, est-on contraint d’adapter des formats étrangers ou peut-on encore faire de la création pure ?

Le point de départ de Tout le monde joue avec la mémoire vient des Norvégiens. Mais ce que l’on en a fait est de nous. On a eu le luxe d’avoir cette possibilité qui, en même temps, a été la condition sine qua non pour nous. En matière de jeux, les propriétaires des marques tiennent à ce que les mécaniques précises restent identiques. Si en France on souhaite apporter des modifications au Juste Prix, les Américains refuseront. À moins de développer les idées, de leur suggérer et d’attendre une éventuelle approbation. J’ai personnellement connu des boites américaines ou anglaises qui interdisent le moindre ajout, même pour un simple joker. On s’est battu sur N’oubliez pas les paroles pour passer au niveau jusqu’à 100 000 euros et l‘apparition du maestro. Pour eux, c’était hors de question. Mais il arrive un moment où il y a eu l’urgence de dire : soit on reste sur le format initial et on meurt, soit on tente quelque chose de différent pour exister. Ils ont fini par accepter.

« Ça m’a presque ému de voir qu’on pouvait se souvenir de N’oubliez pas votre brosse à dents vingt ans après »

La dernière édition de Que le meilleur gagne avait réalisé une bonne audience. Le jeu est-il amené à être reconduit ?

Officiellement ce n’est pas encore renouvelé. Et si c’est le cas, c’est une commande pour deux émissions compte tenu des coûts, notamment le décor extrêmement lourd à monter. Dans le cas présent, je suis en co-production avec Fremantle. Il faut donc que tout le monde, la chaîne incluse, soit partant. Mais à l’instar de Tout le monde joue avec la mémoire, j’aime l’idée que ça revienne à un rythme exceptionnel.

Avez-vous vu le divertissement Tout peut arriver sur M6 et W9 ?

Ma seule curiosité a été de suivre les audiences. J’essaie de passer mon temps libre à regarder des choses que j’aime, comme House of Cards et Homeland. Mais des jeux de M6, il faut vraiment me pousser, avec tout le respect que je peux avoir pour Jérôme Anthony.

Beaucoup de commentaires ont fait le lien avec N’oubliez pas votre brosse à dents

Ça m’a presque ému de voir que l’on pouvait s’en souvenir vingt ans après. Mais je sais très bien que c’est un format anglais et qu’ils sont les rois du recyclage et de l’autopompage. Même La brosse à dents a été fortement inspirée d’un autre jeu, Noel House’s party, qui avait rencontré un certain succès dans les années 90.

Air Productions peut-elle élargir ses activités et produire de la fiction à la façon de Troisième Œil ?

On a produit des programmes courts, notamment pour Canal+, et on travaille dessus à nouveau. Mais je n’ai pas la prétention d’aller sur du film. C’est, à mon sens, un autre métier et je n’ai pas ce savoir-faire.