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Nathalie Roger-Cottet (productrice de Je t’aime etc) : « Faire venir Daphné Bürki à un horaire déserté était un gros pari »

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Rédacteur - Expert TV
Publié le 02/02/2018 à 14:55 Mis à jour le 30/06/2019 à 11:42

La productrice de Je t’aime etc se confie sur son challenge d’installer un rendez-vous quotidien dans la case difficile des après-midis de France 2. Elle évoque l’évolution et les audiences de l’émission face aux objectifs fixés par la direction de la chaîne.

Benoît Mandin : Avez-vous eu des appréhensions d’installer une quotidienne dans la case sinistrée des après-midis de France 2 ?

Nathalie Roger-Cottet : Pas spécialement, car j’avais déjà relevé ce challenge quand j’ai créé Comment ça va bien ! avec Stéphane Bern. L’émission avait démarré après des années de programmation de fictions. C’était la première fois que France 2 remettait des émissions avec un contenu directement lié aux téléspectateurs. L’appréhension était plus d’arriver derrière une grille désertée. La télé avait été vidée à cette heure-là et bien évidemment on n’a pas de recette pour le succès.

Dans quel état d’esprit étiez-vous lorsque vous avez appris que Je t’aime etc allait être précédée par une émission testimoniale de Faustine Bollaert ?

On savait plus ou moins qu’il y avait encore des discussions pour un 14 heures sur le testimonial. Au départ, on ne connaissait pas le projet qui allait être revisité, car avant il y avait Mille et une vies. On savait que ça allait être du témoignage en plateau, le tout en revenant à l’ADN de ce que fait très bien Réservoir Prod. Ca commence aujourd’hui est plus une émission d’écoute alors que nous ambitionnions de créer un rendez-vous où on informe, tout en se divertissant. On souhaitait plus une émission d’accueil avec un contenu différent du 14 heures.

Pourquoi s’être axée sur l’amour et la sexualité ?

C’était un vrai constat qu’on s’est fait d’une société un peu tournée vers elle-même et assez individualiste. Il n’y avait plus vraiment de relations entre les êtres et surtout je me suis rendu compte qu’il y avait tellement de choses qui se passaient sur internet. On assiste à une espèce de déferlantes de boue sur l’amour pour les ados à travers des images pornographiques qui sont de plus en plus laides. J’ai fait un triste constat sur la manière dont on aborde les hommes et les femmes, et je me disais que l’amour est le moteur de tout dans la vie. L’éventail était assez large puisque c’est l’amour de la famille, des couples, des enfants… avec le partage et l’altruisme, que ça soit dans les domaines de la sexualité, du bien-être et de la santé. Quand je réfléchissais à tout ça, je me disais que l’amour présentait aussi la culture, le cinéma, le théâtre, la littérature, la musique… C’était assez osé de le proposer à une chaîne puisque c’est inédit dans l’histoire de la télévision. Le fait de faire venir Daphné Bürki de Canal+ et de s’installer à un horaire déserté était un gros pari pour France 2.

Le choix de Daphné Bürki s’est-il rapidement imposé ?

Oui, car Daphné est une jeune femme de son temps et elle a un ton que je ne retrouve pas ailleurs. Je trouve aussi que c’est une show woman, ce qui est assez rare chez les femmes. On ne laisse jamais une place comme ça pour une femme. Elle incarne la féminité dans un magazine, tout en étant l’étendard des femmes aujourd’hui en télé à travers l’amour et la sexualité.

« Le fait de grimper de quelques points d’audience nous permet aujourd’hui d’estimer que Je t’aime etc est repérée »

Côté audiences, l’émission a connu des débuts difficiles. Avez-vous rapidement pensé à des ajustements ?

Pour le coup, on n’a pas changé réellement l’intérieur du contenu, basé sur deux sujets : un sur les histoires d’amour des Français et un autre plus scientifique et historique. La seule différence qu’il y a eu entre le démarrage et ce qu’on propose aujourd’hui à l’antenne est que le tour de table n’était pas fini. Je n’avais pas encore trouvé le médecin qui devait incarner un chroniqueur au quotidien et je cherchais la personne disponible pour parler culture musicale. André Manoukian et Gérard Kierzek sont arrivés en décembre et j’ai enfin l’équipe que j’avais en tête dès le départ. L’osmose entre les chroniqueurs se voient certainement à l’antenne et peut-être que ce partage de générosité autour de Daphné font que les téléspectateurs ont repéré Je t’aime etc.

En moyenne, Je t’aime etc rassemble 420.000 téléspectateurs (5.8% de PDA). L’émission a signé des records d’audience en janvier, avec une moyenne de 500.000 fidèles (6.5% de PDA)…

On a un peu oublié que la télé a beaucoup évolué et qu’il fallait quand même un peu de temps pour permettre aux téléspectateurs de repérer une émission. Quand vous êtes à 15 heures, vous êtes dans une espèce de sabot entre les deux téléfilms de TF1 qui ont commencé depuis plus d’une heure. Il faut travailler, s’acharner pour se démarquer et c’est vrai que le fait de grimper de quelques points d’audience nous permet aujourd’hui d’estimer que Je t’aime etc est repérée.

Comment expliquez-vous cela ?

Je ne connais pas les clés du succès bien que je le fais avec mon expérience. Je pense que lorsqu’on est sincère, généreux et qu’on donne de la qualité à l’antenne, cela se sent et le public est intelligent. Il faut tout de même du temps parce qu’il faut faire changer aux téléspectateurs leurs habitudes et on sait que cela n’est pas toujours facile. On se doit de ne jamais lâcher en qualité et c’est à chaque fois des challenges pour nous.

Quid des ménagères de moins de 50 ans ?

Aucune des trois émissions de l’après-midi ne fonctionne sur les ménagères de moins de 50 ans ! France 2 a vraiment été désertée par ce public. Je ne suis pas d’accord quand on dit que Je t’aime etc est celle qui souffre le plus parce que c’est celle qui grimpe le plus. Les journalistes ne disent pas que le 14 heures, laissé par Frédéric Lopez, était plus puissant que celui d’aujourd’hui. On est loin d’être ceux qui souffrent le plus puisque c’est nous qui progressons le plus. La preuve, un jour on a fait plus que le 14 heures ! Quand on est à 1 point de pénétration et que le 14 heures est à 1.2 point et nous sépare de 100.000 téléspectateurs, il faut juste se rappeler que le 14 heures devrait être à 1/1.3 million.

« France 2 nous a assuré d’être présent jusqu’à la fin de la saison »

Estimez-vous être aujourd’hui à un bon niveau sur vos cibles commerciales clefs ?

Quand on a pris la case, la chaîne a été très honnête avec nous en nous disant que la téléspectatrice a complètement déserté. Le 15 heures était bien souvent à zéro, car elles étaient parties vers TF1, M6 et les séries des autres chaînes. France 2 nous a avertis que ça serait très difficile et ça l’est du 14 heures jusqu’à Nagui, qui est le seul à faire un carton sur les ménagères. Pour l’instant, ça frémit sur les cibles commerciales et elles commencent à nous repérer. Il y a des moments où on peut faire 7%, mais ce n’est pas suffisant pour vous dire que c’est un succès sur les cibles commerciales.

Faustine Bollaert a récemment confié qu’elle devrait atteindre les 10% de parts de marché. Quels objectifs vous a donné la direction de France 2 ?

On s’était dit que si l’on atteignait les 8%, ce serait déjà beau vu que l’on partait de très loin. Si on fait 10%, c’est clairement un succès. Après si on arrive à faire 8% jusqu’au bout, c’est qu’il y a vraiment un intérêt du public pour Je t’aime etc.

Prévoyez-vous de nouveaux ajustements dans les semaines à venir ?

On va conforter la formule actuelle puisque l’on a trouvé un rythme de croisière et que les téléspectateurs nous ont repérés. La formule va bien et je suis hyper contente d’être arrivée à cet objectif là. Les précédents ont procédé à trop d’ajustements, ce qui fait qu’ils ne sont pas restés aux après-midis de France 2. C’est plutôt positif pour nous d’être déjà arrivés à ce niveau de la saison.

L’avenir de Je t’aime etc est-il déjà assuré sur la chaîne ?

On a signé un contrat avec France 2 avec un nombre d’émissions bien précis. La chaîne nous a assuré d’être présent au moins jusqu’à la fin de la saison.