Toutelatele

Ombline Rousseau, Jérémy Henriet (producteurs The game of love, NRJ12) : « Nous allons révéler des choses qui peuvent se passer dans les coulisses de ce type d’émission »

Léopold Audebert
Publié le 03/01/2017 à 17:52 Mis à jour le 09/01/2017 à 13:17

Producteurs de Qui veut épouser mon fils ? (TF1) et À l’état sauvage (M6), Ombline Rousseau et Jérémy Henriet ont récemment rejoint FremantleMedia France, en tant que Directeurs généraux artistiques en charge de la coordination des productions et du développement. À l’occasion de la mise à l’antenne de la première télé-réalité du groupe en France, The game of love, rencontre avec ceux qui ont de nouveau endosser leur costume de producteur en vue, cette fois-ci, d’une programmation sur NRJ12.

Léopold Audebert : Avec cette nouvelle production, FremantleMedia lance sa première télé-réalité en France. Face à une concurrence toujours plus rude pour ce qui concerne ce type de programme, quelle est la « plus-value Fremantle » ?

Ombline Rousseau : Je pense vraiment que l’authenticité différencie ce programme des autres. Notre idée a vraiment été de raconter aux téléspectateurs tout ce dont ils n’ont pas l’habitude de voir dans les autres émissions de télé-réalité. De nombreux rebondissements, assez improbables, vont d’ailleurs apparaître très rapidement à l’écran. Nous allons notamment révéler des choses qui peuvent se passer dans les coulisses de ce type d’émission, avant de les expliquer aux téléspectateurs.

Jérémy Henriet : Il est difficile d’expliquer en quelques mots ce que pourrait être la « signature Fremantle » par rapport à ce type de programme. Mais, avec Fremantle, que nous avons rejoints il y a quelques mois, nous nous sommes reconnus dans une valeur essentielle : le respect des candidats. Dans L’amour est dans le pré (autre production de FremantleMedia France, ndlr), le respect des agriculteurs est, par exemple, primordial. Personne n’est mesquin avec eux. Il s’agit réellement de raconter leur histoire. Cette confiance commune est également le socle de notre manière de travailler avec les candidats de The game of love. De cette manière, nous estimons pouvoir recevoir de réelles émotions, selon nous plus fortes que des comportements très produits et recherchés. Des faits de ce type sonnent faux, d’autant plus que le téléspectateur décrypte désormais très bien la télévision et ses codes.

En 2017, est-ce une erreur de miser sur une scénarisation et une narration très écrites et mécanisées en amont du tournage d’un programmes de télé-réalité ?

Ombline Rousseau : Certaines boîtes de productions le font très bien. Mais, quand on commence à voir un candidat hurler parce qu’un autre n’a pas mis une fourchette dans le lave-vaisselle, j’ai, personnellement, du mal à être cueillie... Par contre, si un participant commence à pleurer car il a l’impression d’avoir perdu son conjoint ou s’il est tombé amoureux de quelqu’un d’autre et qu’il se sent perdu entre deux feux, l’émotion est plus forte. De même, si certaines personnes ne se supportent plus, mais que cela n’est pas provoqué, l’engueulade a plus de poids que celle qui serait apparue si on avait voulu la déclencher plus tôt. Après visionnage, les équipes de NRJ12 ont vraiment trouvé dingue tout ce qui se passe dans The game of love ! Oui : c’est dingue ! Et nous adorons quand le réel dépasse la fiction. Tout ce que nous avions imaginé s’est effondré comme un château de cartes... et quelque chose d’encore plus fort est ressorti de ce programme !

Au fur et à mesure des épisodes de The game of love, il est possible de constater un certain crescendo narratif lié à l’évolution des relations entre les candidats. Cette intensification dramaturgique est-elle également le reflet de votre volonté de laisser les participants prendre leur temps pour, in fine, agir plus spontanément ?

Jérémy Henriet : L’émission monte effectivement crescendo au fur et à mesure de sa diffusion à l’antenne. Au début, on entre dans le jeu « piano piano », avec des moments marrants et légers. Il faut du temps pour que les relations s’installent et que les candidats se découvrent. Bien sûr, nous les mettons en situation : ils se retrouvent très vite en rendez-vous, en tête-à-tête, ou encore dans des chambres séparés. Mais, malgré tout, comme dans la vie, il faut d’abord apprendre à se connaître, et cela nécessite du temps. La séduction peut se provoquer, mais l’attirance relève d’une sorte de petite alchimie. Au bout d’un moment, ce jeu d’affinités se met en place. À l’image d’un soufflet, tout va monter toujours plus haut, avant de révéler des réactions et des conséquences parfois inattendues.

« Des comportements très produits et recherchés sonnent faux, d’autant plus que le téléspectateur décrypte désormais très bien la télévision et ses codes »

Après cette première création, d’autres horizons dans l’univers de la production de programmes de télé-réalité sont-ils désormais dans la ligne de mire de FremantleMedia en France ?

Jérémy Henriet : Pour Fremantle, il s’agit d’un nouveau pari. Aujourd’hui, pour toutes les boîtes de production, ne pas vouloir s’adapter et ne pas proposer de programmes pour la TNT serait une erreur. Avec The game of love, nous avons cette opportunité. Nous savons aussi que cela est difficile : il existe une très forte concurrence et le public est expert et exigeant. Nous n’avons pas la prétention de révolutionner la télévision ; humblement, nous allons essayer de proposer autre chose.

Face à une concurrence s’étant positionnée très tôt sur la production d’émissions de télé-réalité, pourquoi arriver si tardivement sur ce type de programme ?

Ombline Rousseau : Il existe différentes vies dans les boîtes de production. Je pense qu’il y en a eu beaucoup chez Fremantle. À un moment donné, les équipes ont eu envie de travailler avec des personnes issues d’univers très différents. Je parle notamment d’Olivier Henry, ayant intégré l’équipe de développement, avec sa forte culture en matière de télé-réalité. Nous avons ensuite rejoint l’équipe, et avons aussi l’envie d’explorer ce territoire. Ce n’est pas le seul, car Fremantle sait faire beaucoup de choses aujourd’hui.

Jérémy Henriet : Pendant longtemps, je crois aussi qu’il a existé une télévision ayant la possibilité de mettre des formats à l’antenne. Quand on s’appelle Fremantle, et qu’on est une société présente aux quatre coins de la planète, on est puissant sur ce point, avec des formats internationaux qui permettent d’exister. Le problème est qu’il existe aujourd’hui de moins en moins de formats. Il faut donc être de plus en plus créatif. Par ailleurs, il existe une évolution économique qui nous oblige à nous adapter aux changements. Fremantle a donc pris conscience de la nécessité de prendre ce virage.

Aujourd’hui, malgré de nombreux projets en cours développement, une faible quantité de créations trouve pourtant sa finalité avec une diffusion sur le petit écran…

Jérémy Henriet : Il s’agit d’un travail de longue haleine, car de nombreuses créations terminent dans des tiroirs. Cela prend du temps. Nous avons eu la chance d’avoir eu la confiance de NRJ12 pour ce programme. On espère que The game of love va plaire au public, et que cette émission est le début de nombreuses autres créations, car l’économie et la télévision demandent ce genre d’adaptation.

« Il existe aujourd’hui de moins en moins de formats. Il faut donc être de plus en plus créatif »

Tout en étant une création originale, The game of love partage certaines similitudes avec deux autres programmes, emblématiques de la télé-réalité. Tout d’abord, Secret Story, en raison de l’intégration de couples dans le casting, couplée à la notion de secret à défendre, tout en enquêtant sur celui des autres...

Jérémy Henriet : Pour l’anecdote, lorsque l’on a demandé à Guitry « Quoi de neuf ? » par rapport au théâtre, il avait répondu « Molière ! ». En télévision, nous n’avons pas non plus la prétention de réinventer la roue. Tout a déjà été créé et pensé. Même le plus gros format de ces dix dernières années, probablement The Voice, n’est qu’un talent-show avec une idée intelligente : des sièges qui se retournent. De notre côté, certains éléments font peut-être penser à Secret Story, mais cela est assumé. Nous estimons ce programme à succès. Mais nous sommes aussi très différents : nous ne proposons pas un enfermement standard, et ne nous sommes pas uniquement concentrés sur l’idée de secrets. La place du dating est également importante.

Ombline Rousseau : En plus des secrets, nous sommes vraiment focalisés sur les couples.

Avec la présence d’un groupe de célibataires déterminés à tester les autres candidats, n’avez-vous également pas peur de la comparaison que les téléspectateurs pourraient immédiatement établir avec L’île de la tentation et qui pourrait réduire la force de frappe de The game of love ?

Jérémy Henriet : Par rapport à L’île de la tentation, je pense qu’il y a vraiment une différence de traitement. Au tout début de la télé-réalité, les candidats savaient moyennement où ils mettaient les pieds. La production avait trois ou quatre coups d’avance par rapport aux candidats. On peut dire que certains candidats n’avaient pas compris les règles du jeu et étaient un peu bernés. Chez nous, certains candidats connaissent presque mieux la télévision que nous ! Dans Koh-Lanta, on retrouve la même idée : lorsque la bouteille arrive sur la plage, les candidats lisent seulement trois mots sur la parchemin, et ils connaissent déjà le jeu qui va leur être proposé ! Dans The game of love, tous les participants savent où ils sont, personne n’a été pris en traître et chacun assume complètement le jeu. Là où, sur L’île de la tentation, le jeu était sulfureux et parfois pervers, celui de The game of love est sulfureux mais plutôt sain, et pleinement assumé. Personne ne s’est plaint d’avoir été trompé « par la marchandise » ; c’est une grosse différence.

Ombline Rousseau : On peut dire que nous sommes à mi-chemin entre L’île de la tentation et Secret Story, avec une pointe de modernité et de nouveautés que nous apportons. Nous en sommes très fiers. Ce programme 2.0 est peut-être la bonne idée que personne n’avait eu jusqu’à présent. Il y a une carte à jouer.

En tant que coproducteurs de The game of love, comment pitcheriez-vous finalement ce nouveau programme ?

Ombline Rousseau : Cette télé-réalité est un jeu. On a proposé un pari un peu fou à différents candidats en leur disant : « Êtes-vous prêt à jouer à un jeu un peu dangereux ? Si vous êtes en couple, de mettre celui-ci en danger pour potentiellement essayer de gagner 50 000 euros ? Si vous êtes célibataire, de tout faire pour aller bousculer ces couples afin d’obtenir cette somme ? » On est tombé sur des super joueurs ! À partir du moment où les règles étaient très claires entre eux et nous, nous sommes partis filmer cette histoire incroyable. Le tout en étant droits dans nos baskets et en respectant les valeurs que nous portons depuis toujours : l’authenticité et la transparence.

« Là où, sur L’île de la tentation, le jeu était sulfureux et parfois pervers, celui de The game of love est sulfureux, mais plutôt sain et pleinement assumé »

Concernant le casting, pourquoi n’y a-t-il pas couple gay ou lesbien dans l’aventure ?

Ombline Rousseau : Nous avons voulu inclure un couple gay ou lesbien. Nous avons cherché, mais nous n’avons trouvé aucun couple assez fort ou emblématique par rapport aux autres candidats que nous avions rencontrés. Nous pouvions faire un buzz, brouiller les cartes, faire de la communication dessus : mais nous nous sommes entendus sur ce point.

Jérémy Henriet : Nous ne voulions pas tomber dans une caricature. Nous n’avons pas trouvé le bon casting, mais cela est tout à fait dans notre culture. Nous le ferions avec grand plaisir dans une saison 2.

Avez-vous déjà des nouveautés en tête dans l’hypothèse d’un renouvellement de The game of love pour une nouvelle saison ?

Ombline Rousseau : Il est encore un peu tôt concernant l’ambition de produire une saison 2 ; tout dépend, évidemment, des audiences. Mais, si cela se concrétise, nous brouillerons les cartes ! Nous avons déjà plein d’idées...

Jérémy Henriet : Dans le cas d’une saison 2, il faut aussi prendre en compte un autre paramètre importante ; certaines choses qui peuvent être faites en saison 1 ne peuvent plus l’être par la suite. C’est la grande chance des premières saisons ! À partir du moment où nous avons été vus par les téléspectateurs, nous sommes obligés de penser comme eux afin de les surprendre de nouveau.

Le choix de Salomé Lagresle à la présentation de l’émission s’explique-t-il également par votre volonté de proposer un programme entièrement frais ?

Jérémy Henriet : Absolument. Lorsque nous avons discuté avec NRJ12, leur premier réflexe a été de nous proposer des personnes ayant déjà fait de la télé-réalité.

Amélie (Secret Story, Les Anges), récemment à la tête de La revanche des ex ?

Ombline Rousseau : Par exemple ! Nous avons alors dit : « Non », pour différentes raisons.

Jérémy Henriet : Non pas contre Amélie ! Mais nous voulions, quitte à être nouveau, l’affirmer sur beaucoup de choses. Salomé n’est pas connue par le grand public, mais elle n’est pas une inconnue pour le monde des médias. Pour nous, c’est aussi un pari. Mais un pari assez facile, du fait qu’elle était déjà beaucoup plus expérimentée qu’une chroniqueuse ou qu’une ancienne candidate de télé-réalité.

Ombline Rousseau : Après avoir passé un essai chez Fremantle, Salomé nous a tout de suite séduit. C’était une évidence : elle est intelligente, fraîche, a de l’esprit, du recul, et connaît la télé-réalité. La magie des premières fois a opéré !

« Aujourd’hui, NT1 et W9 sont un peu devant NRJ12. Mais, avec de belles marques, le public peut rebasculer d’une chaîne à une autre »

Pour son arrivée dans la grille de NRJ12, The game of love hérite d’une case sinistrée depuis de nombreux mois. Toutefois, avec son nouveau programme, la chaîne innove en proposant deux épisodes inédits par soirée. Cette nouvelle stratégie de programmation est-elle LA bonne idée encore non testée ?

Jérémy Henriet : Il s’agit d’un gros challenge. Encore une fois, nous commençons humblement, et savons que la case n’est pas très forte en ce moment. Nous allons donc certainement démarrer là où elle en est : doucement, ce qui est logique. Toutefois, NRJ12 a effectivement une stratégie offensive, avec la programmation de deux épisodes inédits par jour. Pour nous, il s’agit d’une preuve de leur confiance dans le programme. Nous les soutenons à 100%, et sommes très fiers d’être proposés dans des cases exposées et stratégiques. Ensemble, nous allons essayer de relever la barre. Aujourd’hui, sur ce type de format, on sait qu’il faut faire parler de soi ; il faut être vu. Au bout d’un moment, cela ne sert à rien d’être tiède, il faut être fort et prendre des risques. Nous allons peut-être nous prendre un gros gadin, mais, au moins, nous aurons tenté la possibilité d’être exposés et que les gens apprécient.

Ombline Rousseau : La peur n’évite pas le danger ! (rires) Comme nous avons dit à la chaîne, nous sommes très contents d’attaquer ces cases difficiles. Il est peut-être très illusoire de penser cela, mais nous partons aussi du principe que, si de bons programmes font parler d’eux, sont chouettes, et contiennent quelque chose d’un peu nouveau et différent, il n’y a aucune raison que les téléspectateurs ne viennent pas, au moins par curiosité. Après, le seul défi est de les prendre par la main et de les garder avec nous. On y croit, vraiment !

Avant son changement de ligne éditoriale, NRJ12 enregistrait des performances plus fortes avec ses programmes de télé-réalité. Depuis la baisse de régime de la chaîne, NT1 et W9 ont profité de la situation pour fidéliser de nouveaux téléspectateurs sur ce type d’émission…

Jérémy Henriet : Je crois que l’audience peut encore changer. Avec les cases de 18h15 et 19h00, nous sommes vraiment au carrefour de l’access : hyper casse-gueule, mais hyper excitant ! Effectivement, NRJ12 était très puissante il y a deux ans. Après un changement de leur ligne éditoriale, la salle a été un peu vidée, et NT1 en a profité pour se positionner sur le créneau. Aujourd’hui, cette dernière et W9 sont un peu devant NRJ12. Mais, avec de belles marques, le public peut rebasculer d’une chaîne à une autre. Pour récupérer les téléspectateurs, il faut alors être fort, et trouver de bons programmes. Sur les chaînes historiques, certaines cases sont tellement fortes qu’il est difficile de changer la donne.

Dans ce contexte de forte concurrence, et en dépit de leurs inconvénients, misez-vous davantage sur les réseaux sociaux pour accentuer la visibilité et la communication autour de The game of love ?

Jérémy Henriet : Les réseaux sociaux peuvent évidement « spoiler » ou abîmer le programme. Bien sûr, il existe des inconvénients avec ces nouveaux moyens de communication... mais aussi de gros avantages ! Ils sont avant tout des outils pour nous aider à nous faire connaître très vite. Nous pouvons ainsi véhiculer des informations importantes. Le bouche à oreille que nous recherchons aujourd’hui est plus simple qu’auparavant.