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Over There : la série choc s’installe sur Canal +

Cécile Raigne
Publié le 11/05/2006 à 01:46 Mis à jour le 11/05/2006 à 18:42

Attention, scud en approche : Canal + poursuit sa programmation d’exception dans la case série du jeudi. Dès ce soir 21h35, la chaîne quitte Deadwood et le Far West pour une production explosive dont le théâtre est cette fois le Moyen-Orient. Après les fondements de la société américaine, Canal s’intéresse à la politique étrangère des Etats-Unis en mettant à l’antenne une série choc sur la guerre en Irak. The Shield joue son season final, puis Over There prend le relais pour nous conduire là-bas sur le front, en terre étrangère.

Initiée par Steven Bochco, à qui l’on doit Hill Street Blues, La loi de Los Angeles, ou NYPD Blue, elle explore les histoires croisées entre une équipe de bleus fraîchement débarqués en plein conflit et leur famille restée au pays. Hautement polémique, car pionnière dans le traitement d’une guerre actuelle, elle n’aura pas eu le temps de déployer son talent pour une seconde saison. Dès la semaine prochaine et pour un mois et demi, deux épisodes hebdomadaires proposeront une apnée en enfer. Gare à l’onde de choc.

Les jeunes recrues Bo, Dim, l’Ange, Fumeur, Double XL et Madame B rejoignent leur unité en vue d’une incorporation sur le front iraquien. Ils quittent leur foyer pour une année de combat à l’autre bout du globe, sans réaliser l’ampleur de ce qui les attend. Dès leur arrivée, les six soldats sont placés sous le commandement du Sergent Chris « l’Aboyeur » Silas (Erik Palladino, Urgences) et plongés dans le vif de l’action. Stationnés en plein désert, ils ont pour mission la surveillance d’une citadelle ennemie. Premiers rapports, premières angoisses, premiers faits d’arme. Une seule certitude : personne n’en sortira indemne.

Créé par Steven Bochco et Chris Gerolmo (scénariste de Mississipi Burning) pour FX Network, l’audacieux projet Over There s’est attiré les foudres de la polémique dès son annonce publique, en mai 2005. Comment traiter sans distance un sujet aussi brûlant que la seconde guerre d’Irak, qui occupe les premières pages de l’actualité et dont les pertes humaines sensibilisent encore plus la population américaine ? Apocalypse Now ou Platoon au cinéma, L’enfer du Devoir et Band of Brothers (Frères d’armes sur France 2) côté séries bénéficient d’un recul par rapport aux événements. Quand en 1972, M*A*S*H s’en prend à la guerre du Vietnam à travers le conflit coréen, c’est pour en livrer une satire apolitique fondée sur l’absurde. Mais Over There est dérangeante car c’est un drama, un genre qui implique réalisme et analyse. Et comble de l’ambiguïté, elle est financée par le groupe Fox, qui appartient au magnat Rupert Murdoch, bien connu pour son soutien à la guerre.

John Landgraf, le président de la chaîne FX, et Bochco ont pourtant conçu un programme non engagé, une œuvre ouverte dont la finalité n’est ni de légitimer ni d’incriminer le conflit, mais d’explorer, au-delà de ce cas particulier, le fonctionnement d’une guerre. La série est subversive, sans véhiculer aucun discours d’Etat. Elle se passe en Irak, mais les allusions aux événements sont rarissimes et plus que ce pays, c’est le désert qui en est la toile de fond (le tournage a eu lieu en Californie). Un militaire est employé comme conseiller technique à la production et l’intrigue suit une poignée de soldats dans leur quotidien. Le but est de faire partager aux téléspectateurs une expérience humaine. Et à travers elle, de créer un espace de réflexion questionnant des thèmes aussi actuels que les méthodes des RG, l’hostilité des populations civiles, la mort, la douleur, les cas de conscience. Et les rapports avec les médias, dans un épisode où Mark-Paul Gosselaar (NYPD Blue) vient interpréter un journaliste fauteur de trouble.

Lancé en juillet à grand renfort de presse, le pilote réalise une excellente audience pour une chaîne du câble, avec 4,1 millions de téléspectateurs. La critique est élogieuse, mais le public ne suit pas. Déconcerté par l’intensité et la violence sans complaisance d’Over There, ou lassé par l’avalanche quotidienne de news sur l’Irak, il abandonne la série. Les scores chutent, aidés par la concurrence le vendredi à 22 heures des Experts : Manhattan et de New York District. Seuls 1,3 million de fidèles sont devant leur poste pour le season final. Loin derrière les autres séries de la chaîne (Nip/Tuck et The Shield rallient 3 millions de fans en moyenne, et Rescue Me, 2,8 millions), l’aventure irakienne se voit donc interrompue au terme de 13 épisodes en octobre.

En juin 2005, Steven Bochco avait déjà essuyé l’échec de Blind Justice, elle aussi stoppée à la fin de sa première saison. Depuis, il s’est vu débarquer de Commander in Chief, où il avait remplacé Rod Lurie. Mais l’infatigable créateur est d’ores et déjà à pied d’œuvre avec Gerolmo, son complice sur Over There. Tous deux planchent sur une série judiciaire étudiant les répercussions d’un procès sur ceux qui y participent... Un nouveau projet humaniste !