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Philippe Urraca (Qui sera le prochain grand pâtissier ?) : « J’ai été surpris par le choix des finalistes »

Marion Olité
Publié le 03/06/2014 à 18:49

Chef pâtissier à la tête de ses propres boutiques mais aussi président des Meilleurs Ouvriers de France dans ce domaine culinaire, Philippe Urraca apporte une vraie crédibilité à l’émission « Qui sera le prochain grand pâtissier ? ». Il a rempilé comme juré pour la saison 2 actuellement diffusée sur France 2, supervisant au passage le casting des candidats. Rencontre avec un passionné, qui n’a pas la langue dans sa poche.

Marion Olité : Que pensez-vous des candidats de cette nouvelle saison de Qui sera le meilleur pâtissier ? par rapport à ceux de l’année passée ?

Philippe Urraca : Je les sens beaucoup plus homogènes en niveau. De nombreux pâtissiers ont regardé la première saison pour voir si elle était sérieuse. Ils ont postulé en masse cette année. Le niveau est impressionnant. Au milieu de l’émission, on ne savait pas qui pourrait être le gagnant. Certains candidats, un peu plus faibles au début, sont montés très vite en niveau, et sont restés longtemps dans la compétition. Ils nous ont tenus en haleine.

Aviez-vous prédit les finalistes de cette saison ?

Je ne vous cache pas que j’ai été surpris par les candidats restants, mais je ne vous dirai pas dans quel sens ! J’attendais des gens en finale, qui n’ont pas été au rendez-vous.

Vous avez géré la partie des castings. Quelles sont les différentes étapes du recrutement ?

Les candidats sont convoqués dans une école à Paris. Ils doivent arriver avec un gâteau déjà réalisé. Ils ont ensuite une épreuve « panier ». On leur donne des ingrédients et ils ont deux heures pour sortir un gâteau. On note les deux réalisations, sachant que celui fait sur place est le plus important. Je regarde aussi la technique pendant qu’ils cuisinent, comment ils peuvent réagir sur le visuel et sur les goûts en peu de temps. On est trois jurys pendant les castings, et c’est moi qui manage le tout, car j’ai l’expérience des Meilleurs ouvriers de France. Je fonctionne d’ailleurs un peu sur les mêmes critères que pour le concours Meilleur ouvrier. On met des points. Les dix premiers du tableau intègrent l’émission. On n’élimine personne, on prend juste les meilleurs.

Quel est le profil du candidat idéal à Qui sera le prochain grand pâtissier ?

Il doit avoir un comportement digne d’un pâtissier français : être fier de faire ce métier et passionné. Il va se retrouver sous le feu des médias pendant un an, donc il doit représenter au mieux notre savoir-faire français. Il faut aussi qu’il amène de l’innovation, pour montrer qu’il possède une vraie signature, affirmée au fil du concours.

« Ce n’est pas parce qu’on a la faveur des médias qu’on devient un très grand pâtissier »

Ne craignez-vous pas que le gagnant ne devienne une personnalité médiatique davantage qu’un chef pâtissier ?

Non, parce que chaque année, une nouvelle émission redémarre et le soufflé retombe pour le gagnant précédent. S’il continue ensuite dans ce métier, c’est qu’il sera très pro. On ne triche pas. Ce n’est pas parce qu’on a la faveur des médias qu’on devient un très grand pâtissier. Après cet examen, il doit continuer à faire ses preuves. Je dis toujours aux Meilleurs ouvriers de France que c’est quand ils obtiennent le titre que ça devient compliqué ! Il faut rester à la hauteur du diplôme.

Comment l’émission est-elle perçue chez les Meilleurs ouvriers de France ?

Elle est super bien perçue. Pour la première saison, j’y suis allé sur la pointe des pieds, je ne savais pas ce que ça allait donner. Je ne voulais surtout pas rapprocher l’image des Meilleurs ouvriers de France de celle de la télé-réalité. Et ça n’a pas été le cas. On s’en est bien sortis. L’émission est restée très professionnelle. Tous les Meilleurs ouvriers de France me soutiennent.

Partie 2 > Philippe Urraca, son rapport à la télévision, les réactions de la profession


Certains Meilleurs ouvriers de France ont-ils tenté de participer à Qui sera le prochain grand pâtissier ?

C’est plutôt l’inverse. L’année passée, quand on a achevé le tournage de l’émission, les inscriptions aux Meilleurs ouvriers de France, qui ont lieu tous les trois ans et demi, étaient closes. Mais cette saison, j’ai des participants du Grand pâtissier qui m’ont demandé s’ils pouvaient faire le concours. C’est rassurant, et c’est la démarche que je voulais amener dans cette émission. Le pari est réussi.

Les autres acteurs de la profession sont-ils aussi enthousiastes ?

Oui, l’émission est extrêmement bien perçue. Les chefs m’appellent en me disant qu’ils n’ont jamais eu autant de demandes de jeunes qui veulent rentrer en apprentissage ! Le programme a provoqué une envie chez les jeunes d’aller vers ce métier. Et les chefs ont été rassurés par le sérieux de l’émission.

En quoi Qui sera le prochain grand pâtissier ? se distingue-t-elle des autres compétitions culinaires qui pullulent depuis plusieurs années ?

La mécanique d’élimination reste la même, mais les autres sont dans des concours pour les amateurs. Les gâteaux demandés chez nous et les techniques sont très pros. Un amateur ne pourrait pas tenir le rythme du Grand pâtissier. Nos candidats sont envoyés en formation chez des chefs, où ils sont évalués. Cette idée de la formation ramène vraiment les choses du côté professionnel. Qui sera le prochain grand pâtissier ? est en train de devenir un des concours incontournables de la profession. Il existe plusieurs concours en France qui peuvent mener vers le sommet de la pâtisserie. Ils vous mettent le pied à l’étrier. Celui-là est en passe d’entrer dans cette catégorie.

« Qui sera le prochain grand pâtissier ? est en train de devenir un des concours incontournables de la profession. »

Comment avez-vous vécu ce baptême du feu cathodique ?

Très bien. Cela m’a permis de montrer qu’il suffit de rester naturel devant les caméras. C’est ce qu’on attend d’un programme comme Qui sera le prochain grand pâtissier ?. Si on nous prend, c’est bien pour être nous-mêmes, sinon ils auraient recruté des acteurs ! C’est aussi ce qu’attendent les téléspectateurs, je pense : retrouver des gens simples et naturels. Certains passent mieux que d’autres, mais ce n’est pas grave. L’important est de bien faire son travail. Le mien est d’abord d’accompagner les candidats, de les noter et de les faire évoluer. Si ça passe bien à la télé, tant mieux, si ça ne passe pas, je ne prendrai pas des cours d’art dramatique pour y arriver !

Comment expliquez-vous le succès des émissions de pâtisserie ?

Premièrement, la pâtisserie est un art très visuel, très beau à voir à l’écran. Et puis on se rend compte qu’il faut beaucoup de technique. Toutes les personnes qui cuisinent chez elles ne savent pas obligatoirement faire un gâteau pointu. Elles sont intéressées pour apprendre des trucs et astuces. Enfin, la pâtisserie est vraiment ancrée dans la culture et la tradition française. Elle rayonne à l’étranger : tous les chefs pâtissiers des grands palaces à l’étranger sont français.