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Pink TV > Marie Labory & Christophe Beaugrand

Catherine Nardone
Publié le 16/08/2005 à 00:42 Mis à jour le 27/05/2022 à 00:41

Marie Labory et Christophe Beaugrand sont les animateurs du Set, le programme phare de Pink TV. Produit par Michel Field (et dès septembre par Nova Productions), ce magazine fait un tour d’horizon du monde culturel. Le Set représentera la première chaîne gay et gay friendly du PAF lors d’une fenêtre diffusée en clair dès septembre. En attendant, Marie et Christophe reviennent pour Toutelatele sur la première saison du Set et Pink TV. Interview sans tabou...

Catherine Nardone : Comment définiriez-vous Le Set ?

Christophe Beaugrand : C’est un talk-show quotidien sur l’actualité culturelle et les modes de vie avec une tripotée de chroniqueurs. On a également une pastille humoristique faite par le comédien Eric Gueho où l’humour est plutôt gay. Dans cette émission, on essaye d’avoir un ton assez cool et sans prise de tête pour que les invités se sentent à l’aise.

Marie Labory : La dominante est culturelle mais il y a aussi une envie de s’amuser. C’est la touche gay qui s’exprime dans des sujets comme la décoration ou le billet d’humeur.

Catherine Nardone : Votre émission s’adresse-t-elle uniquement au public homosexuel ?

Marie Labory : Non pas du tout, ça serait pas très intéressant. Elle est destinée à tous les gens qui veulent bien nous regarder car il faut faire la démarche de s’abonner pour recevoir Pink TV. Dans la mesure où c’est une émission culturelle, c’est tout public. Cela peut arriver qu’on décrasse les oreilles de certains mais tant mieux ! En revanche, sur le panel des évènements culturels, on fera certains choix qu’on ne trouvera pas dans d’autres programmes justement parce qu’on est sur une chaîne homo et gay friendly. Sur Pink, on ne va pas traiter de l’homosexualité comme un évènement car c’est dans l’ordre des choses. Quand on reçoit un invité homo, on va bien sûr lui en parler mais on ne va pas se battre pendant toute l’émission pour qu’il s’exprime dessus.

Christophe Beaugrand : Ma mère regarde Le Set et elle n’est pas lesbienne ! (rires). C’est vraiment accessible à tous mais on parle différemment d’un certain nombre de choses. Je pense notamment à Jin Xing, le danseur étoile transexuel de Shangaï qui joue dans Carmina Burana. Il avait une aisance à parler de la question du transexualisme, un naturel qu’il n’a pas eu dans d’autres émissions. Parce que de la part de l’intervieweur, il y avait une certaine gêne. Nous, on est assez déculpabilisé de toutes ces questions là, donc on y va franchement ! Comme les invités savent qu’ils sont sur une chaîne pédé, gouine, et autres, ils sont beaucoup plus libres dans leur manière de s’exprimer.

Catherine Nardone : Dans votre duo, on dit que Marie est la fille sérieuse et Christophe, le garçon déluré. Cela vous semble juste ?

Marie Labory : On écrit les émissions ensemble mais les gens ne le savent pas forcément. Très souvent, Christophe va dire des choses que j’ai écrites et inversement donc il n’y a pas de rôles prédéfinis. Après qu’à l’antenne ce soit ça qui ressorte, c’est assez logique car c’est selon la nature de chacun. On est deux personnalités complètement différentes.

Christophe Beaugrand : J’ai tendance à être plus déconneur à l’antenne. Dans la forme et dans le caractère, on est très différent mais on se complète dans l’écriture. Et puis maintenant on se connaît par cœur, on sait à quoi s’attendre de l’autre !


Catherine Nardone : Pink TV est la chaîne des gays et gay friendly. Qu’est-ce qu’un gay friendly ?

Christophe Beaugrand : Ma mère ! (rires). Des personnes décomplexées par rapport à toutes les questions sexuelles qui savent bien que les homosexuels ne font pas partie d’une espèce de caste ou de secte. D’ailleurs dans Le Set, je n’ai pas le sentiment qu’on véhicule cette image de groupe particulier. On fait les cons comme tout le monde mais parfois, on a des références et des blagues différentes de celles sur les chaînes généralistes.

Marie Labory : Ce sont nos potes, tous ceux qui ont des amis homos et qui sortent avec eux. Car ce qu’on ne comprend pas est toujours intriguant et attirant. C’est justement le teasing de Pink : la curiosité.

Catherine Nardone : Vous pensez que Le Set aurait pu être diffusé sur une chaîne généraliste ?

Christophe Beaugrand : C’est possible. En tout cas, cela aurait été bien de le faire mais je ne sais pas si cela aurait marché. Je pense qu’aucun directeur de chaîne n’aurait pris ce risque là.

Marie Labory : Sur Pink, il y a énormément de débutants qui n’ont jamais fait de télé à cause de leur physique qui ne correspond pas à celui qu’on voit d’habitude. Chez nous, il y a des gens qui ont des gueules qu’on n’aurait jamais vu ailleurs si on ne leur avait pas donné leur chance. Je parle par exemple de Brigitte Boréale qui est transsexuelle mais aussi des filles lesbiennes dont on ne voit pas du tout le physique à la télé. Aujourd’hui, pour faire de la télé quand on est une fille, il faut avoir les cheveux longs jusqu’aux fesses et avoir l’air très féminine.

Christophe Beaugrand : Et un beau décolleté ! Finalement, c’est tout ce que tu as gardé Marie ! (rires). Dans Le Set, on voulait mettre à l’antenne de nouvelles têtes. Le revers de la médaille est qu’on a ramé au début puisqu’on n’avait jamais présenté de talk-show Marie et moi. J’ai présenté des journaux télévisés sur LCI et Marie sur France 3 régions. La plupart des chroniqueurs n’avaient jamais fait de télévision. On était tous un peu coincés et on a mis du temps à se lâcher. Mais maintenant l’émission fonctionne !

Catherine Nardone : Il y a une certaine liberté de ton dans votre talk-show, avez-vous des tabous ?

Marie Labory : Aucun tabou ! On n’est pas là pour pousser les invités à faire leur coming out et je pense que beaucoup s’attendait à ça. Si les gens ont envie de raconter leur vie sexuelle, il n’y a aucun problème mais ce n’est pas ce que l’on cherche.

Christophe Beaugrand : Par exemple, on dit souvent « pédé » sur le plateau et c’est logique car on s’adresse à un public de pédés et de gouines. C’est une émission très ouverte donc on s’exprime librement.


Catherine Nardone : Il y a des artistes qui ont refusé de venir parce que c’est Pink TV ?

Christophe Beaugrand : Pas directement mais on ne peut jamais savoir ! Il y a des gens, qu’on a invité plusieurs fois, qui ne sont pas venus pour « des raisons d’agenda ». Des personnes qui, par exemple, ont eu des rôles de lesbiennes à l’écran mais n’ont pas eu envie d’en parler sur le plateau de la chaîne. C’est dommage !

Catherine Nardone : Le magazine est reconduit à la rentrée. Va t-il y avoir des changements ?

Christophe Beaugrand : Le décor va changer et il y aura davantage de vignettes comiques, de petits sujets pour rythmer l’émission. En fait, on va essayer d’évoluer beaucoup sur le rythme et sur le ton car on a de la marge. Je pense qu’on peut être plus irrévérencieux et se lâcher davantage. On veut donner « plus de gueule » à l’émission !

Catherine Nardone : La chaîne est regardée par 65% des provinciaux, à votre avis pourquoi ?

Marie Labory : Non seulement 65% des provinciaux nous regardent mais 1/3 d’entre eux vivent dans des villes de moins de 2000 habitants ! Ce sont des personnes qui n’ont pas d’endroits pour sortir, pour se regrouper. Ils ont besoin de se reconnaître et de se dire qu’ils ne sont pas seul au monde.

Christophe Beaugrand : Ça ne me surprend pas du tout. On reçoit beaucoup de mails pour nous dire que les gens se sentent proches de la chaîne, qu’ils ont l’impression de la construire avec nous. J’ai reçu un message de quelqu’un habitant à la campagne qui disait que, depuis qu’il recevait Pink TV, il avait découvert pleins de choses. Mais surtout, il n’avait plus honte d’être homosexuel. Ça m’a touché car on essaye de faire du divertissement tout en offrant une bouffée d’oxygène pour ces personnes...