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Sans aucun doute : fin des négociations pour l’émission culte de TF1

Alexandre Raveleau
Publié le 21/12/2009 à 13:00

Voilà. C’est fini. Depuis ce samedi 21 décembre 2009, arnaqueurs de tout bord, médecins crapuleux et voisins acharnés ont pu reprendre leur quotidien. Un brin fleur bleue, ils dormiront, désormais sur leurs deux oreilles, n’ayant plus la crainte du téléphone qui sonne et de la porte qui claque... TF1 a décidé de mettre un point final aux joutes verbales, tractations exaltées et caméras cachées de Sans aucun doute, l’un des piliers de sa grille des programmes. Le concept, né de l’imagination de Julien Courbet, n’aura finalement pas survécu à l’appel des prédicateurs de la concurrence. Le glas a sonné pour le magazine de seconde partie de soirée, alors que tintinnabule toujours le carillon du chapelet des séries et divertissements de la concurrence, M6 et la TNT en tête.

Après une saison et demie de balbutiements, l’émission du vendredi soir disparaît dans le scintillement des fêtes de fin d’année. En janvier 2010, Christophe Moulin et son escouade d’avocats et spécialistes n’opéreront plus. Depuis l’automne déjà, après une rentrée moribonde, un ultimatum avait été posé : ou Sans aucun doute remontait la pente, ou bien l’émission s’arrêtait. Mi-novembre, 1.35 million de fidèles étaient toujours au rendez-vous, soit tout juste 21.1% du public. Le 27 du même mois, la courbe passait même en dessous de la barre symbolique des 20% de part de marché, affichant très exactement 19.6% au compteur. Décembre ne sera pas plus glorieux. Si l’arrêt de Sans aucun doute est un événement en soi, l’émission s’éclipse pourtant bien sur la pointe des pieds. Le 548e et dernier numéro a convaincu 1.34 million de Français, représentant 20.2% du public.

Le 8 septembre 1994, Julien Courbet ouvrait le premier numéro du nouveau magazine dédié aux consommateurs de TF1. C’était l’époque où Arthur découvrait tout juste les archives du petit écran - encore inédites - avec Les Enfants de la télé, où Jean-Luc Delarue démarrait dans l’arène de Ca se discute, pendant que Nagui jouait à la Brosse à dent... Entouré d’une équipe de spécialistes des questions de consommation, Sans aucun doute traiterait des petits déboires du quotidien, au rythme de quatre mini-débats par quinzaine. Aux cas pratiques, l’humeur de Sophie Favier, le courrier de Marie Lecoq et les conseils de Maitre Didier Bergès se sont rapidement imposés comme les récurrents du concept.

Dès la rentrée suivante, Sans aucun doute s’installe définitivement sur la case du vendredi. Les invités en promotion, ainsi que les caméras cachées de Pascal Sellem, apportent alors la dose nécessaire de divertissement pour que le cocktail explosif agisse sur les cibles fétiches de TF1. Avec des moyennes dépassant les 40% de part de marché, le rendez-vous domine la concurrence, entre Bouillon de culture (France 2), Faut pas rêver (France 3) et les fictions de M6.

Les saisons suivantes, le concept évolue en toute discrétion, sans faire de vague, flirtant avec les tendances à la mode du moment. Thèmes à la Ca se discute, dossiers aux couleurs de Capital, TF1 et Julien Courbet s’inspirent de l’air du temps pour relancer la locomotive, avant une potentielle perte de vitesse. Jusqu’aux années 2000, aucun rival sérieux ne semble en mesure de bousculer le désormais poids lourd de l’antenne.

Marc-Oliver Fogiel et On ne peut pas plaire à tout le monde vont venir changer la donne. Sur France 3, l’animateur-producteur campe à son tour en fin de soirée. Les interviews de stars, billets d’humeur de Stéphane Blakowski et compliments d’Ariane Massenet donneront rapidement un nouveau souffle aux vendredis soirs du service public, au point qu’en septembre 2002, ils n’étaient plus que 26.3% à suivre les conseils prodigués sur TF1, soit tout juste 1.1 million de téléspectateurs. Le talk-show en direct ne détrônera pourtant jamais le roi Courbet, bientôt surnommé, le « Zorro du PAF ».

Au petit jeu de la concurrence, l’animateur de TF1 revoit alors une fois encore la copie de son émission. Son idée ? Offrir au public un spectacle mêlant reconstitution, négociations en caméra cachée et coups de gueule par téléphone. Son fameux « la régie fait le numéro » va très vite devenir une marque de fabrique en vogue. Enregistré en plusieurs jours de tournage, pendant plus de 10 heures selon les cas, Sans aucun doute riposte, et dicte sa propre loi. Les avocats menacent. Les invités craquent. Les arnaqueurs trinquent.


Devant le show hebdomadaire, le public en redemande. Dès 2003, les audiences moyennes se situent à 1.8 million de fidèles, représentant plus 40% de part de marché. Lors de la rentrée 2004, Sans aucun doute peut asseoir tranquillement sa suprématie. Marc-Olivier Fogiel a été prié de booster les soirées du dimanche. En remplacement, la série NYPD patine. Avec un train de retard, M6 tente à son tour le coup du talk-show, avec Emmanuel Chain. Soyons directs ne résistera pas longtemps avec ses 700 000 curieux. Cette année-là, 2 millions de Français auront préféré TF1, soit 45% de part de marché.

Avec parfois plus d’un téléspectateur sur deux devant les résolutions de cas, l’émission poursuit un parcours sans faute. L’heure est même aux dérivés, qui touchent eux-aussi les ménagères de moins de 50 ans en plein cœur. Julien Courbet est au centre de la grille de TF1. Sa Grande soirée anti-arnaque ou les 7 péchés capitaux mènent la danse à 20h50, pendant que les larmes des victimes coulent à 23 heures. Confessions intimes et le Grand frère, deux autres de ses productions, cartonnent aussi en seconde partie de soirée. Radio, presse, télévision : en dix ans, l’animateur a fait de l’arnaque un marché lucratif.

Au moment de son 500e numéro, au premier semestre 2008, Sans aucun doute rime toujours avec leadership. Même si la TNT a déjà grignoté quelques précieux points de part de marché, le rendez-vous touche toujours 30% du public. Au printemps, Julien Courbet offre même le classement des 14 affaires les plus incroyables à son public. Quelques jours plus tard, l’annonce imminente de son départ vers l’access de France 2 changera radicalement la donne.

Sans même faire ses adieux, il quitte TF1, littéralement poussé vers la sortie. A la surprise générale. Sans aucun doute disparait subitement de l’antenne. La promesse est toutefois faite aux fidèles que le programme sera bien présent à la rentrée, avec un nouveau présentateur en lieu et place du créateur.

Le 12 septembre 2008, Christophe Moulin et une nouvelle équipe d’avocats faisaient donc leur apparition. 1.47 million de curieux assistent alors aux premiers coups de téléphone du journaliste de LCI. Des 32.2% de part de marché du redémarrage, les scores déclineront mois après mois, lentement, mais sûrement. Passé la barre des 25%, les premiers murmures et bruits de couloirs se font entendre. A l’automne 2009, la limite des 20% s’approchant, TF1 tire la sonnette d’alarme. Si toutes les secondes parties de soirée de la semaine caracolent en tête des audiences, sur les cibles des ménagères et des jeunes, celle du vendredi décime les foules. Ce 18 décembre, Magali, Sébastien, Angélique et Jean-Claude ont donc été les derniers invités à profiter de l’expertise de l’émission.

Sur le PAF, Sans aucun doute n’a toutefois pas complètement disparu. En plus de 15 ans, le concept a fait des petits. Actuellement sur RTL9 par exemple, Elsa Fayer présente chaque week-end Il faut le savoir, entouré de spécialistes conso, ceux-là même qui ont vécu les grandes heures de TF1, Sylvie Noakovitch et Eric de Caumont en tête. NT1 a quant à elle déjà fait appel aux talents de Bernard Sabbah pour les besoins du Négociateur et de Cas de litiges : ils vont vous aider.

Reste que pour TF1, un nouveau chapitre s’ouvre en matière de programmation. A la rentrée de janvier, Carole Rousseau sera la première à apparaître le vendredi soir, avec C’est quoi l’amour ?. Les semaines suivantes, de nouveaux concepts devraient faire leur apparition, pour tenter de rétablir les audiences de la case, au-dessus des 25% de part de marché. De son côté, Christophe Moulin est maintenant invité à retrouver son rang au sein de la rédaction du groupe. Il travaillerait pourtant actuellement déjà en étroite collaboration, avec Julien Courbet, pour revenir rapidement sur les devants de la scène.