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Stéphane Collaro raconte toute l’histoire du Bébête show

Alexandre Raveleau
Publié le 02/11/2011 à 12:30

« Et voici le « Bébête show »... Pour les RI (hein), les socialos... Les RPR (crack !) et les fachos... Ce sont tous des rigolos ! (ouf ouf ouf !) ». Plus de quinze ans après leur disparition, les marionnettes de TF1 refont surface à l’occasion de la sortie DVD d’un coffret 3 DVD, édité par l’INA. Créé par Stéphane Collaro, Jean Roucas et le regretté Jean Amadou, Le Bébête show s’est moqué de l’actualité politique pendant sept ans, entre 1988 et 1995. Jusqu’à de 15 millions de téléspectateurs leur ont été fidèles un peu avant le 20 heures. Stéphane Collaro raconte l’histoire d’une émission culte.

Alexandre Raveleau : Vous souvenez-vous de la toute première émission du Bébête show ?

Stéphane Collaro : La première fois que les marionnettes sont apparues, ce n’était pas du tout avec la formule de l’avant 20 heures. Au début des années 80, dans nos émissions (Coco-Boy et Cocoricocoboy ndlr), il y avait déjà la grenouille, et aussi Marchie la cochonne, l’aigle et l’ours Barzy de mémoire. Dans la quotidienne, ils accueillaient nos invités. Et une fois par semaine, nous avions une séquence politique.

Le ton était-il déjà le même ?

Elles pouvaient tout dire ! Il y avait une grande liberté de ton parce que ces marionnettes n’avaient pas de gêne vis-à-vis des stars de la chanson ou du cinéma. Et c’était surtout drôle parce que c’était toujours des énormités destinées à des personnes physiquement présentes. On sortait de ces trucs ! En même temps, ils savaient où ils étaient. Tout le monde venait avec beaucoup d’humour.

Comment avez-vous eu l’idée de créer des marionnettes animalières ?

J’ai toujours remercié énormément les créateurs du Muppets show. C’est grâce à cette émission, dont je suis un admirateur, qu’est née l’idée. Kermit, Kermitterrand... Et pourquoi on ne ferait pas nous aussi une grenouille ? C’est venu comme ça. J’ai d’ailleurs appelé Jim Hanson pour lui dire. Il croyait qu’on était en train de pomper son Muppets show au départ. Je lui ai ensuite envoyé la cassette et il m’a dit « Bravo. Ok ça va, c’est pas du tout pareil ».

En 1988 est apparue la formule qui a connu un véritable triomphe. Comment régissaient les politiques ?

Savoir ce qu’ils pensaient n’était en aucun cas notre préoccupation. Je crois qu’il y en avait qui était plus content que d’autres. Mais, attention, certains étaient vraiment contents ! D’autres étaient contents à des moments et puis plus à d’autres... Prenez l’exemple de Chirac. Il adorait sa marionnette. Et puis, à un moment donné, pour des raisons qui m’ont complètement échappé, au lieu de m’appeler « mon cher Stéphane », ça a été un « Bonjour, monsieur Collaro » très froid. Je n’ai jamais voulu savoir pourquoi. Je l’aimais bien moi Chirac. On a dû dire une grosse connerie qui ne lui a pas plu...

Avez-vous beaucoup côtoyé le monde politique durant cette période ?

J’avais rencontré Mitterrand au mariage de la fille de Guy Ligier (ancien pilote automobile français ndlr). Un souvenir horrible ! On était à Puy-Guillaume, chez Michel Charasse. Il avait une foule de 5 000 ou 6 000 personnes. Le Président était là à serrer des mains quand je suis sorti de la mairie. Un crétin qui s’est alors mis à crier « Collaro Président ! ». Ç’a été repris par les 5 000 personnes ! Alors, Deferre est venu me voir et il m’a dit : « Dites donc mon cher Collaro, je ne savais pas que vous étiez aussi populaire, mais tout à l’heure, à l’église, vous attendrez que le président soit parti pour sortir ! » (rires)

Il a beaucoup été répété que Les Guignols de l’info ont pu jouer un certain rôle politique. Pensez-vous avoir eu également une influence quelconque sur des élections ?

Le Bébête show avait sans doute une petite influence sur la politique, mais ce n’était pas le but recherché. S’il faut faire une comparaison avec Les Guignols de l’info, je pense que nous ne nous adressions pas du tout au même public. Nous, c’était la France profonde, celle du café du commerce. Et notre grande qualité par rapport à eux était que les marionnettes étaient très décalées par rapport à la réalité. Les animaux étaient un choix important. Et d’ailleurs, lorsque TF1 a insisté pour qu’on abandonne le système animalier, ça n’avait plus le même charme. Roucas ne voulait pas et c’est lui qui avait raison.


Le Bébête show aurait-il pu durer au-delà la campagne de 1995 ?

Je pense que dans sa forme « animaux », l’émission aurait pu durer. TF1 a fait une erreur de jugement en voulant coller aux Guignols. On aurait dû continuer comme avant. Mais, Mougeotte et Le Lay (PDG et DG de TF1 à l’époque, ndlr) prenaient leur petit déjeuner avec la clientèle de Canal+. Pas la nôtre. Ils étaient impressionnés par l’effet mode des Guignols.

Durant toutes ces années, avez-vous été victime d’une forme de censure ?

On a toujours été obligé de se censurer un petit peu ! Dans ce genre d’écriture, la gymnastique est d’être en équilibre, sur la corde raide, et toujours à la limite du dérapage. Je dirais même que parfois on a dérapé. Mais TF1 ne nous a jamais censurés. Il faut d’ailleurs les remercier pour ça. Je pense que Mougeotte et Le Lay devaient avoir des grosses pressions de leur côté. Ils avaient la délicatesse de ne pas nous les communiquer.

N’y a-t-il jamais eu d’incompréhension ou de frictions entre vous ?

Une fois, Étienne Mougeotte m’a demandé si je ne trouvais pas qu’on exagérait avec Édith Cresson. Il ne m’a pas dit d’arrêter pour autant, juste « Faîtes comme vous voulez ». Et c’est vrai qu’on exagérait. J’ai donc décidé de lever le pied vis-à-vis d’elle. Sauf que le lendemain, elle a donné une interview avec la presse anglo-américaine où elle a dit : « il faut arrêter Le Bébête show, c’est une honte d’avoir des émissions comme cela ». Conclusion : elle en a repris plein la tête ! Y a des gens qui le cherchent quand même (rires).

En 1987, vous avez quitté TF1 pour La Cinq, avant de revenir en 1988. Ont alors été lancées d’autres marionnettes, les Vingt corruptibles, au sein du Collaricocoshow...

Et c’était un bide ! On avait créé quelque chose de magique avec l’univers animalier, à la fois Fables de la Fontaine et en référence Aristophane... Au passage, on avait des références culturelles très solides, quoiqu’on en dise ! Sur la Cinq, on était loin de la même idée...

Aujourd’hui sort un coffret DVD, Le Bebest of !. À qui revient l’initiative de ce projet ?

L’INA a la paternité totale du projet. Ils font un travail extraordinaire sur toutes les émissions. Il faut savoir que si nous n’avions pas l’INA, la moitié des trésors de la télé serait perdue. Car, croyez-moi, les chaînes sont incapables d’archiver quoi que ce soit.

Le Bébête show est-il un programme qui appartient au passé ?

Au contraire. Je pense même qu’il peut reprendre. On se disait, avec Roucas, que démarrer un Bébête show pour trois ou quatre mois au moment des Présidentielles, on adorerait ! Quel régal ! Ségolène serait une oie et DSK un lapin ! Seule TF1 peut prendre cette décision parce qu’ils possèdent les droits des marionnettes et du titre.