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Sylvie Tellier (Miss Univers 2016) : « Si on ne gagne pas cette année avec Iris, il faudra m’expliquer si on gagnera un jour ! »

Léopold Audebert
Publié le 29/01/2017 à 22:03 Mis à jour le 29/01/2017 à 22:05

Après six mois de préparation particulièrement intense, Iris Mittenaere, Miss France 2016, est bel et bien prête. Depuis les Philippines, la jeune femme de 24 ans défendra, dans la nuit de ce dimanche au lundi 30 janvier, les couleurs de la France au sein du concours Miss Univers. En live de Manille, rencontre avec Sylvie Tellier, directrice générale de l’organisation Miss France, pour un tour d’horizon de l’événement à quelques heures du grand show, à retrouver dès 1 heure du matin sur Paris Première.

Léopold Audebert : Après votre arrivée aux Philippines ce samedi 28 janvier, quelles sont vos premières impressions ?

Sylvie Tellier : Je suis une grande voyageuse ! Je suis très contente d’être aux Philippines, car je ne suis jamais venue à Manille. Évidemment, cela est dépaysant ; j’adore la chaleur, il y a du monde… Je ne suis pas seule ; mais avec la délégation Miss France. Au total, nous sommes huit à venir soutenir Iris, avec sa famille.

Depuis son arrivée dans le pays le 12 janvier dernier, quel regard portez-vous sur le parcours d’Iris ?

Depuis tous ces jours, je suis ravie de ce que j’entends. Elle est vraiment travailleuse et assidue. Miss Univers était un de ses rêves. Elle souhaite être dentiste, mais voulait réellement participer à ce concours. Elle a tenu le coup, et nous sommes très fiers. On ne s’en rend pas forcément compte, mais Miss Univers est une compétition très difficile à vivre. Tout est extrêmement exigeant.

Depuis de nombreuses années, vous soutenez et rejoignez les différentes Miss France à l’occasion de Miss Univers, aux quatre coins de la planète. En interne, comment est organisée la « collocation » des 86 Miss de cette année ?

Elles sont toutes logées au Conrad Hotel (proche de la Mall of Asia Arena, lieu du show, ndlr), sur des étages privatisés. Au total, elles sont deux par chambre, avec une « nounou » par groupe de candidates. Miss Univers respectant énormément les conditions de sécurité : nous n’avons pas accès aux participantes.

En conséquence, vous n’avez donc pas rencontré Iris depuis votre arrivée ?

Non. Nous le savions, et nous nous plions aux règles de Miss Univers. Nous sommes un peu dans la même situation que les délégués régionaux lorsque nous organisons le concours Miss France ! Mais nous serons présents pour la soutenir et faire du bruit pendant le show !

Quelle est, selon vous, sa qualité première dans le concours ?

Son opiniâtreté ! (rires) Elle ne lâche rien, et reste humble. Vraie travailleuse, je pense qu’elle fera la différence grâce à cela. Personnellement, si je devais me mettre à la place de l’organisation Miss Univers, Iris est un bonbon dans une équipe ! Elle a véritablement fait une année de Miss France exceptionnelle.

« Pendant Miss Univers, il n’y a rien de plus difficile que de passer inaperçu »

Depuis plusieurs semaines déjà, Iris est donnée favorite par de nombreux bookmakers, atteignant, parfois même, le « Top 3 » de la compétition...

C’est énorme ! Il s’agit d’une pression supplémentaire, mais aussi d’un sacré booster ! Dans cette compétition, il n’y a rien de plus difficile que de passer inaperçu. Par rapport, par exemple, aux Philippines, on sait que notre pays n’est pas très pro-concours de beauté à l’international. Tant que la France ne gagnera pas, on aura du mal à fédérer tout le monde, comme sur les réseaux sociaux pour Iris. Mais, cette année, je trouve que les médias ont, en nombre, relayé sa participation et le fait qu’elle soit favorite. Si on ne gagne pas cette année avec Iris, il faudra m’expliquer si on gagnera un jour ! Je ne dis pas que je serai démotivé l’an prochain, mais, pour être honnête, j’aurai du mal à y croire…

Le règlement de Miss France est très strict concernant le recours à la chirurgie esthétique ; interdite. N’est-ce pas déroutant pour les différentes Miss France de participer, par la suite, à des concours à l’approche bien différente ?

La première qualité que nous demandons à une Miss France est l’adaptation. Dans le cadre de Miss Univers, nous sommes dans le registre de l’artifice. Nous faisons donc en sorte de rentrer dans ces codes avec des faux cils et des extensions. Iris a seulement cela. Nous faisons le choix d’envoyer une jeune femme naturelle. Avec des artifices et du maquillage, personne n’est naturel, évidemment. Mais, au moins, elle n’a pas eu recours à la chirurgie esthétique. Elle n’en a pas besoin. Certains délégués ne parviennent même pas à déterminer si Iris à eu recours à la chirurgie esthétique ou non : cela est assez chouette et signifie que le pari est réussi. Tout le monde dit qu’elle a l’un des plus beaux corps de la compétition. Quelle fierté de montrer à toutes les femmes d’aujourd’hui et à toutes les petites filles qu’il est possible de participer à Miss Univers et être classée « best body » sans passer par la case bistouri ! Il s’agit de l’une de mes plus grandes fiertés.

Dans certains pays, tels que les Philippines, Miss Univers est un véritable rendez-vous, attendu par des millions de téléspectateurs. Comment expliquer que l’engouement soit si différent en France ?

Le fait que certaines filles aient recours à la chirurgie esthétique dans Miss Univers... Moi-même, quand je regarde le concours, j’ai l’impression de voir des jeunes femmes qui se ressemblent un peu toutes… Avec la même coiffure, les mêmes formes, le même cursus… Cela explique peut-être, aussi, pourquoi nous n’avons pas gagné depuis 63 ans ! (rires) Mais, je sens comme une légère envie de Miss Univers de changer son image.

Que voulez-vous dire ?

On le voit notamment dans les déclarations de Pia Alonzo Wurtzbach, actuelle Miss Univers, mais aussi dans tous les portraits des participantes. Les équipes sont notamment venues en France afin de tourner le portrait d’Iris, ce qu’elles n’avaient jamais fait auparavant.

Ces changements coïncident notamment avec 2015, année où Miss Univers a changé de propriétaire : auparavant dirigée par Donald Trump, l’organisation a été acquise par IMG…

Il s’agit effectivement d’une nouvelle organisation. Il ne faut pas voir des signes partout, mais cela nous rend relativement confiants. J’ai l’impression que Miss Univers a envie de travailler sur la personnalité des jeunes femmes. Nous avons alors tout à gagner avec Iris, en cinquième année de dentaire, diplômée, engagée dans le cadre de la sensibilisation bucco-dentaire aux côtés des enfants dans les écoles. Elle montre qu’il est possible d’avoir la tête sur les épaules, mais de rêver de paillettes et de devenir Miss Univers !

« Je sens comme une légère envie de Miss Univers de changer son image »

En amont de votre venue aux Philippines, vous avez partagé votre classement-pronostic sur les réseaux sociaux. Dans celui-ci, on retrouve de nombreux pays ayant déjà remporté le titre ultime. Comment éclairez-vous le fait que certains pays ont tendance à plus s’imposer que d’autres ?

D’abord, les filles sont bien préparées. Par exemple, au Venezuela, Osmel Sousa, le délégué, a ouvert une école ! Beaucoup de jeunes femmes en sortent, et pas uniquement Miss Venezuela. Cette année, je crois qu’il a préparé cinq ou six jeunes femmes. Osmel a l’habitude de préparer les filles dans les codes de Miss Univers. L’année dernière, je suis allé au Venezuela. J’ai dîné avec lui après avoir de demandé une rencontre officielle ; je voulais qu’il m’explique comment on pouvait gagner ! (rires) Il m’a ouvertement dit que nous avons des femmes très belles, mais qu’il leur manquait parfois de l’énergie. Durant les jours de compétition, tout le monde se lève à 5 heures du matin, doit se coiffer, se maquiller, et être prêt en dormant peu. Il faut garder la motivation, malgré le fait que les mêmes soient toujours mises en avant. Avec Iris, nous avons beaucoup travaillé sur cela cette année.

Concrètement, de quelle manière avez-vous anticipé tout cela avec Iris ?

Nous avons un coach, Arnaud. Un soutien sur la partie « préparation physique ». Nous préparons aussi les questions avec elle. En parallèle, sa maman est là, ce n’est pas anodin : nous lui montrons que nous sommes présents et que nous la soutenons. Pour être honnête, je lui ai un peu bourré le cerveau depuis six mois… Je lui ai dit que, même si elle perd ce lundi, elle aura, pour moi, tout gagner. Il faut qu’elle garde à l’esprit qu’il s’agit d’un concours de beauté qui n’est pas toujours rationnel.

Pour cette 65ème édition de Miss Univers, le public participe désormais à la compétition par le biais d’un système de vote jusqu’alors inexistant. Est-ce une bonne chose ?

Il me semble que le concours a été critiqué car le public ne participait pas au sort de Miss Univers. La volonté de IMG est désormais de modifier un peu cela, et de faire remonter son audience, pas extrêmement importante. Les équipes nous ont notamment demandé le DVD de Miss France. Nous constatons, par exemple, qu’ils se sont rendus dans les pays des différentes Miss : ils piquent un peu nos codes, et nous en sommes très fiers. Avec ce nouveau système de vote, l’idée est certainement que les gens trouvent ce concours encore plus légitime et qu’ils s’associent plus à lui. Cela est dangereux pour nous, car soixante-six millions de personnes face à la Chine et les Philippines, où l’on trouve de nombreuses affiches de soutien dans les rues et des relances permanentes dans les journaux télévisés pour appeler les gens à voter… Cela est loin d’être le cas en France. Mais nous avons d’autres atouts, et je me dis que cela suffira peut-être ! Je l’espère.

En raison du décalage horaire, impossible d’imaginer un poids plus important accordé au vote du public…

Cela serait assez injuste… Par exemple, avec l’horaire de diffusion aux États-Unis, l’élection a lieu chez nous entre 1 heure et 3 heures du matin. Par ailleurs, depuis mon année (2002, ndlr), aucun pays d’Europe n’a gagné. Le décalage horaire ne joue définitivement pas en notre faveur. Mais nous sommes aussi là pour faire changer les choses ! (rires)

À l’instar de l’Eurovision, et pour assurer une plus grande parité, serait-il possible d’imaginer un système empêchant les habitants d’un pays de voter pour celui-ci ?

Cela pourrait être une bonne chose !

« Le nouveau système de vote du public est dangereux pour nous »

Pour cette nouvelle édition, et après avoir découvert quelques décors lors des répétitions, quel regard portez-vous sur la production et de la scénographie du concours Miss Univers ?

Cette année, je suis agréablement surprise de la qualité du plateau. Ce n’était pas toujours le cas dans le passé. Selon moi, un gros travail a été fait sur les écrans ou encore les habillages. Évidemment, il n’est pas possible de faire avec quatre-vingt six jeunes femmes ce que nous faisons avec trente chez nous. Sans nous envoyer des fleurs, notre production est un peu au-dessus. Nous thématisons les tableaux, et fournissons toutes les tenues à nos candidates.

Financez-vous l’ensemble des tenues de Miss France à l’élection Miss Univers ?

Pour détailler les choses, nous devons fournir, ici ; le costume national, à nos frais, mais aussi l’envoyer par nous-même. L’année dernière, la totalité du costume de Flora que nous avions envoyé par transporteur n’est jamais arrivé à destination… Après les attentats, nous avions reproduit une énorme structure. Le tout avait coûté des milliers de dollars… sans arriver. Évidemment, nous devons aussi fournir la robe de présélection, mais aussi la robe de soirée. De son côté, Miss Univers s’occupe du maillot de bain, des chaussures et de la petite robe d’ouverture. Mais, nous devons, par ailleurs, payer la licence pour concourir, plusieurs milliers de dollars encore, le billet d’avion de la Miss, nos propres billets, les places pour assister au show, etc.

Outre les productions, quelles différences majeures établissez-vous entre Miss Univers (États-Unis) et un autre concours de beauté international : Miss Monde (Royaume-Uni) ?

Pour ce que concerne la notoriété, je pense que nous parlions plus de Miss Monde, plus ancien que Miss Univers, dans le passé. Sans juger, l’organisation a choisi un axe différent. Le show est au cœur du concours américain : les robes, les filles, les maillots, etc. À Miss Monde, les filles ne défilent plus en maillot de bain, il y a plus de 120 candidates… L’organisation sélectionne plusieurs Miss par pays ; par exemple, en plus de Miss France, Miss Guadeloupe ou encore Miss Guyane sont représentées. Sachant que les licences sont payantes, on se demande si ce n’est pas pour remplir un peu les caisses…

Alicia Aylies, Miss France 2017, est également présente à vos côtés pour soutenir Iris à Manille. Pour elle, il s’agit, en quelque sorte, d’un stage d’observation avant de plonger dans la compétition l’année suivante…

Effectivement ! (rires) Alicia, 18 ans, vient d’être élue. Nous n’aurions pas pu l’envoyer à la compétition au bout d’un mois. Elle peut ainsi observer et voir ce qui l’attend l’année prochaine, tout le travail que cela implique et l’atmosphère du concours.