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Thierry Godard (La nuit du réveillon) : « Les histoires de flics, c’est passionnant quand c’est bien fait »

Claire Varin
Publié le 04/01/2014 à 19:00 Mis à jour le 12/01/2014 à 00:27

La nuit du réveillon sur France 3, les Dames d’atout et de cendres sur France 2, Thierry Godard occupe les soirées du service public en janvier 2014. Sur le tournage de la série Engrenages, Toutelatele a rencontré l’acteur pour parler de sa carrière à travers l’évocation de mots et de noms de personnalités avec qui il a travaillé...

Claire Varin : Dans La nuit du réveillon, vous retrouvez Armelle Deutsch, avec qui vous aviez joué dans un épisode d’Elodie Bradford...

Thierry Godard  : Armelle a aussi joué dans Un village français. C’est quelqu’un de pétillant et de profond. C’est une super actrice que l’on ne voit pas assez. Son personnage d’Elodie Bradford la caractérisait bien. C’est dommage que la série ait été arrêtée si vite. On a tourné La nuit du réveillon, il y a deux ans et demi déjà. Je ne sais pas pourquoi la chaîne ne diffusait pas ce téléfilm, un huit clos autour d’une confrontation avec un Père Noël dingo. Je joue un personnage qui est amoureux d’elle. On avait une bonne complicité tous les deux.

Le réalisateur Philippe Triboit semble présent tout au long de votre parcours télévisuel...

J’avais fait un épisode d’Avocat et associés avec lui, dans lequel j’avais un tout petit rôle. Il était comme une silhouette parlante, car on s’était très peu vu. C’est vraiment sur la saison 1 d’Engrenages que je l’ai découvert et après, on ne s’est plus quittés. Juste après L’embrasement, qui a été un rôle important pour moi, il m’a fait lire les scénarios d’Un village français en me demandant ce que j’avais envie de jouer. Il m’a fait un super cadeau. Au début, il me voyait dans le rôle de Marcel, le communiste, mais je lui ai dit que j’aimerais jouer Raymond.

Pourquoi Raymond plutôt que Marcel ?

Je n’avais jamais joué un personnage comme Raymond. Une sorte d’entrepreneur autodidacte, un peu autoritaire. Je me sentais plus à contre-emploi dans un rôle comme celui-là que dans celui d’un ouvrier.

Reconnaissez-vous un lien particulier unissant les comédiens d’Un village français ?

Le succès ou la belle aventure, c’est fédérateur. C’est le cas avec Un village français. Quand je revois des épisodes des premières saisons, c’est comme si tu vivais une histoire d’amour et que des gens t’avaient filmé au début de cette histoire d’amour, tu te dis « Ah oui, c’était ça ! » Après, il ne faut pas tomber dans la nostalgie. Mais ce métier d’acteur a cette chose troublante, quand tu fais de l’image, il reste des traces. Un village français est une très belle histoire.

« Le succès ou la belle aventure, c’est fédérateur. C’est le cas avec Un village français »

Raymond est propriétaire d’une scierie. Ce qui vous ramène à une de vos passions : le bois...

C’est un élément très important. C’est ce qui a fait que j’ai arrêté l’école. En cinquième, j’ai voulu faire un CAP d’ébéniste. Le bois m’avait happé. Et au fil des personnages, j’en retrouve parfois qui ont un rapport avec le bois. C’est assez drôle.

Travaillez-vous encore le bois durant votre temps libre ?

Oui, j’ai une maison en Suède. Là-bas, il y a du bois partout. J’ai découvert la Suède lors d’une colonie de vacances quand j’avais 11-12 ans. Un long voyage de deux mois. Un jour, j’ai voulu y retourner et j’ai retrouvé les sensations que j’avais eues à l’époque. C’est vraiment une histoire d’amour avec ce pays et cette nature.

Partie 2 > Engrenages et le succès international


Que vous évoque le mot Spiral  ?

C’est le titre anglais pour Engrenages. C’est une série vendue à l’étranger, avec une reconnaissance internationale. C’est bien pour nous, mais surtout pour la France. Il y a maintenant de plus en plus de séries qui partent aux États-Unis. C’est l’ambition de Canal+ d’ailleurs. C’est bien, on rattrape un niveau. Je suis très fier. À chaque diffusion ou rediffusion, je reçois même des mots d’Anglais, d’Écossais, d’Irlandais et plus récemment, d’Américains. Ils adorent. J’imagine que pour eux c’est exotique et ils ont l’impression de découvrir des acteurs.

Ce succès international vous a-t-il ouvert certaines portes ?

Cette année, malgré mon faible niveau d’anglais, j’ai passé des essais pour le film de Georges Clooney, Monument Men. Ils m’ont trouvé bien alors ils m’ont proposé un rôle plus important. Mais là, ça devenait compliqué pour moi. Ça ne s’est pas fait, mais il y a eu des petites amorces. Après, on ne va pas venir nous chercher comme ça. En revanche, si on veut qu’il se passe quelque chose, on peut trouver des agents anglais et essayer de trouver des rôles là-bas. Mais ce n’est pas mon ambition. Je préfère essayer de faire de belles choses ici.

Incarner un flic, est-ce un passage obligé ?

Flic, c’est comme le jeune premier et le valet au théâtre. Si tu fais de la télé ou du cinéma, forcément tu joues des flics. Ventura , Delon, Gabin… Tous les grands acteurs ont joué des rôles de flic. On n’échappe pas à la règle. Dans Engrenages et dans les Dames, ce sont des flics assez différents. Ça m’a aussi permis de découvrir un univers. Je les connais mieux maintenant. Et les histoires de flics, c’est passionnant quand c’est bien fait.

Vous avez évoqué Lino Ventura, avez-vous des modèles ?

Ventura, Gabin, évidemment. Mais, mes modèles sont des acteurs contemporains. J’adore Brad Pitt. C’est un acteur que je trouve incroyable. Quand je le vois dans Légende d’automne, c’est des choses que j’ai envie de faire. J’aime aussi beaucoup Matt Damon. Les Américains amènent quelque chose dans l’émotion qui me plaît.

« J’ai passé des essais pour le film de Georges Clooney, Monument Men »

Que vous évoque Vincent Lindon ?

Je l’ai croisé deux fois dans Pour elle et Welcome. J’aime son parcours, sa persévérance, et ce qu’il est. C’est quelqu’un de très professionnel et de très ambitieux. Dans Pour elle, on a joué une très jolie scène. On avait passé la journée ensemble et à deux heures du matin, il m’avait appelé pour me dire qu’il était content d’avoir bossé avec moi. Et il avait tout de suite appelé Philippe Lioret (le réalisateur, ndlr), sur Welcome, pour qu’il me rencontre. Vincent Lindon est très généreux. On a failli se recroiser sur un film, mais ça ne s’est pas fait parce qu’Engrenages va me prendre beaucoup de temps pour les six mois à venir. J’espère qu’on se retrouvera.

Que retenez-vous de votre expérience dans La ligne droite de Régis Wargnier...

C’est un grand monsieur qui fait du cinéma à l’ancienne. Je suis content d’avoir participé à ce film sur le handicap et le sport. Je jouais un des premiers entraîneurs du jeune aveugle, incarné par Cyril Descours. J’ai pu aller à Vincennes à l’INSEP. Je les ai vus s’entraîner et j’ai découvert un monde que je ne connaissais pas. Grâce à ça, j’ai pris conscience du handicap dans le sport. Le film n’a pas vraiment rencontré son public. Il a été mal lancé...

Partie 3 > Télévision, cinéma ou théâtre ?


Dans le genre comédie, on associe votre nom à Michel Muller...

J’aime beaucoup Michel. On a fait au moins 80 sketchs ensemble. Dans des conditions difficiles, dans des entrepôts à La Courneuve, où on caillait, mais on a ri comme des baleines. Pour moi, la comédie, c’est Michel. On ne le voit plus trop, mais il est là. C’est une super rencontre. J’aime cette comédie-là : noire, cynique et critique.

Aimeriez-vous tourner davantage pour le cinéma ?

Pour l’instant, la télévision me remplit suffisamment. J’ai des rôles intéressants et importants à défendre. C’est plus les autres qui me disent « Pourquoi tu ne fais pas du cinéma ? » Comme si le cinéma était le 7e art et la télé un sous-art. En ce moment, la télévision prend de plus en plus d’importance et on reconnait qu’on arrive à y faire de très belles choses, comme on arrive aussi à faire des choses très mauvaises au cinéma. Après, à la télévision, on demande à un acteur d’être efficace. Tandis qu’au cinéma, il a plus de temps pour flotter dans une histoire. Les Américains nous font rêver parce qu’ils ont des millions de dollars pour faire un film. Avec le budget d’un téléfilm français, ils ne nous feraient pas autant rêver.

Êtes-vous un boulimique de travail ?

Tant qu’il y a des beaux projets à défendre, que l’on me fait confiance et que j’ai la pêche pour le faire, alors oui, dans ce cas, je veux bien être boulimique. Mais les choses s’enchaînent. Cet été, je n’ai pas travaillé trois mois parce que j’ai lu des scénarios qui ne me plaisaient pas. Le fait d’être dans deux séries – plus, la collection des Dames, qui, elle, va s’arrêter – me rend très visible. Oui j’aime bien travailler. C’est un métier qui peut aussi se concevoir comme un autre où l’on travaille 260 jours par an. Je n’ai pas envie de faire un film par an et passer le reste du temps à glander.

Quel est votre rapport au succès et à la reconnaissance ?

Je me dis que c’est bien que ça arrive tard. Car on est davantage préparé et c’est moins déstabilisant. Je ne vois pas le désagrément d’être reconnu. Le rapport aux gens peut être simple. Après, je ne suis pas non plus quelqu’un à qui on tape sur l’épaule. Ça se fait dans le respect. C’est quand même un métier où on rêve de reconnaissance. Si l’on n’a pas la reconnaissance du public ou celle des professionnels, on n’existe pas. Ou en tout cas, c’est difficile. Je suis hyper heureux de ce qui se passe en ce moment. Pour moi, c’est un miracle.

« Je suis hyper heureux de ce qui se passe en ce moment. Pour moi, c’est un miracle »

Avez-vous envie de remonter sur scène ?

Je n’ai pas joué au théâtre pendant six ans. En 2012, Robin Renucci m’a mis en scène dans Mademoiselle Julie. Il est un grand directeur d’acteur. Remonter sur scène avec lui, c’est juste le bonheur total. Et je vais y retourner bientôt avec Catherine Jacob, dans Cassé de Rémi De Vos. La pièce est en train de se monter. Quand on tourne beaucoup, il y a une sorte de confort qui s’installe et on se dit « Le théâtre, on verra plus tard ». Mais si je peux retourner au théâtre, une fois par an ou tous les deux ans, je le ferai. Je trouve ça important, car le théâtre maintient en forme.