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Valérie Karsenti, de Scènes de ménages à Maison close

Tony Cotte
Publié le 18/10/2010 à 11:21

À quelques jours de la diffusion de la nouvelle salve de Scènes de ménages sur M6, Toutelatele.com a eu l’occasion d’interviewer Valérie Karsenti. Entre sa pièce de théâtre aux côtés de Thierry Lhermitte, son rôle de Hortense dans Maison Close et celui de Liliane au générique de la shortcom de M6, la comédienne est sur tous les fronts. L’occasion de faire le point sur son actualité avec une difficulté supplémentaire. Son personnage jouant lors d’un épisode de Scènes de ménages à « Ni oui, ni non » avec son compagnon, nous proposons à Valérie Karsenti de prolonger le défi tout au long de la rencontre. « Ça va être difficile, mais je vais gagner », prévient-elle. Pas si sûr...

Tony Cotte : À son arrivée dans la case du 20 heures, Scènes de ménages n’a eu de cesse d’accroître son audience. Vous attendiez-vous réellement à un succès lors de vos premiers tournages ?

Valérie Karsenti : Quand j’ai commencé, je ne pensais pas du tout aux chiffres. J’étais concentrée sur le travail à fournir. Dans la comédie, le plus dur est de faire rire mais aussi d’arriver à faire des choses poétiques, fine, originales et de créer des personnages sans donner l’impression de déjà-vu. Même si je suis de nature naïve, j’ai toujours cru au succès de Scènes de ménages.

En quoi ce projet vous a séduit à l’origine ?

J’ai fait beaucoup de théâtre depuis 12 ans, dont énormément de comédies. À mon sens, c’est un art majeur et très noble. Dans Scènes de ménages, il y avait l’idée de développer un personnage sur une multitude de petites histoires, soit un défi plus intéressant que capturer un simple instant d’une vie pour les besoins d’un téléfilm. Avec Frédéric Bouraly (interprète de José, ndlr), nous nous sommes tout de suite trouvés, nous avons même passé les essais ensemble.

Peut-on décrire Liliane à mi-chemin entre une Bree Van De Kamp et les personnages de bourgeoise coincée interprétés par Carole Bouquet ?

(Surprise) Je ne me rends pas compte. Je n’ai aucun recul sur ce que je fais. Je n’ai pas de référence par rapport à des héroïnes existantes ou d’autres actrices. En revanche, je me suis inventée Liliane comme ces petites femmes dans le métro, tirées au cordeau, les ongles et le brushing impeccables et dont on se demande comment elles arrivent à marcher avec leurs talons hauts. Elles sont « niquels », mais en même temps on sent une faille, comme un état dépressif. Pour moi, Liliane tient à bout de bras sa vie, son rêve de famille, son pavillon et son petit travail, et faire en sorte que l’ensemble soit joli. C’est une énergie énorme et derrière se cache une dépression presque latente qui m’émeut et me fait rire.

Jusqu’à quel degré représente-t-elle un rôle de composition ?

J’ai deux enfants et je roule en scooter. Au grand désespoir de ma mère, je ne suis pas très féminine. Je porte souvent des baskets et un jean. À vrai dire, ça demande beaucoup de travail de me mettre dans la peau de mon personnage (rires).

Pouvez-vous décrire une journée type sur le tournage de Scènes de ménages ?

Les matins débutent toujours par un débriefing du texte, afin de l’améliorer en fonction des cas ou de proposer des idées à Francis (Duquet, réalisateur) en complément. S’ensuivent les essayages des costumes, mon personnage étant assez délirant avec ça, avant le tournage à proprement parler. En fonction du minutage, nous bouclons entre 8 et 10 épisodes par jour. C’est un rythme très physique, mais ça passe vite et le tout dans une très bonne ambiance.

Étant donné que vous n’êtes jamais réunis avec les autres couples, entretenez-vous des rapports avec les différents comédiens de la série ?

Oui, même si sur le tournage, on ne se voit pas. Disons que l’on se croise comme dans les familles, soit lors des grandes occasions. L’équipe technique permet de faire le lien, ils nous racontent ce que les autres ont vécu. Entre comédiens, on fait des dîners de temps en temps. Nous nous voyons également lors des conférences de presse ou quand l’un de nous est au théâtre.


Gérard Hernandez nous a confié qu’il lui arrivait de refuser certains textes, notamment s’ils comprennent des blagues liées au physique. Est-ce également votre cas ?

Aucun texte n’est imposé aux acteurs, c’est l’une des qualités de cette production. Lors des journées de lecture, les auteurs, les metteurs en scène et les acteurs sont réunis. Pour une simple raison, si une personne n’est pas d’accord, elle a l’occasion de le dire. Tout le monde est écouté. Avec Frédéric Bouraly, nous n’aimons pas le vulgaire. Nous adorons le méchant et le dépressif, mais les choses grasses ne nous font pas rire. À partir de ce moment-là, il est difficile de défendre un texte auquel on ne croit pas.

Vous êtes créditée en tant qu’auteure. Pouvez-vous revenir sur cette fonction ?

Quand on a été engagés avec Frédéric, nous souhaitions écrire certains de nos textes. Mais entre ma vie personnelle, les autres contrats et la difficulté de cet exercice, j’ai abandonné l’écriture. Je peux cependant soumettre des idées et improviser aussi. C’est pour cette raison que nous avons des sketches plus longs que les autres. Pour le couple des vieux, par exemple, la forme d’écriture est beaucoup plus lapidaire. Ils n’improvisent pas et leurs scènes sont ainsi plus courtes que les autres.

Les téléspectateurs peuvent vous retrouver sur Canal + les lundis dans Maison Close, dans le rôle de Hortense, « la maquasse ». Passer d’un extrême à l’autre n’est-ce pas trop difficile en tant qu’actrice ?

C’est le luxe absolu. J’ai été libérée de Scènes de ménages un peu plus tôt après la première saison pour me rendre à Lisbonne, pour le tournage de Maison Close. J’avais lu les premiers scénarios en amont, je savais dans quel univers j’allais tomber, très violent et très dur. Passer d’un personnage profondément bon à une personne torturée et calculatrice est un rêve. J’avoue par contre que le retour sur le tournage de Scènes de ménages, n’a pas été facile. Je venais de quitter un tournage extraordinaire, mais très dur de par l’ambiance et de ce que l’on racontait.

Hortense est décrite comme la maîtresse du Paradis, établissement qu’elle dirigerait d’une « main de fer ». Pourtant, elle apparaît davantage comme une victime...

C’est tout le paradoxe du personnage. Elle n’est pas vraiment une victime : elle terrorise car elle est elle-même terrorisée. Elle se bat en permanence pour arriver à ne pas se faire agresser, voler et violer. Elle subit des pressions. Toutes les femmes de la série passent leur temps à essayer de récupérer de la liberté et à se défendre, des hommes notamment. Hortense n’y échappe pas. Mais je conseille de ne pas s’arrêter aux deux premiers épisodes, les moins bons, qui sont ceux d’exposition. Il faut aller jusqu’au bout, car plus on avance, plus la narration et les personnages sont extraordinaires.

En parallèle à Maison Close et Scènes de ménages, vous êtes à l’affiche du « Grand écart » au Théâtre de la Madeleine. Quels arguments donneriez-vous pour pousser les spectateurs à vous retrouver sur scène ?

C’est une pièce que j’ai lue en 2007. Elle me touche beaucoup et évoque la transmission, la famille les douleurs que le manque peut occasionner également. Il s’agit d’une rencontre entre un couple de Provence et un grand artiste qui vient de New York. C’est un choc de deux mondes, mais tous sont liés en réalité. C’est à la fois émouvant et très drôle. Cela faisait trois ans que l’on nous proposait des projets en commun avec François Feroleto, mon compagnon. On fait appel à une intimité qui n’a rien à voir avec intimité personnelle. Il y a une impudeur à jouer des choses devant les autres, mais on se sent en confiance face à la personne que l’on aime. C’est assez particulier, mais je trouve cette expérience également excitante.

En 2003, vous obtenez le Molière de la « Révélation féminine ». Ce prix a-t-il eu une réelle influence sur votre carrière ?

Je jouais depuis un moment. Le petit milieu du théâtre me connaissait déjà, donc il n’y a pas eu d’influence suite à ce prix. En revanche, bizarrement, ça a validé quelque chose par rapport aux gens de l’image. Ça leur a permis d’avoir un repère par rapport à mon talent éventuel. J’ai eu alors plus de rendez-vous et à partir de 2004 j’ai commencé à vraiment tourner ! Je dois beaucoup à ce Molière.